Depuis deux ans, le guitariste et compositeur québécois Yves Cloutier découvre la Suisse et ses scènes. En solo ou en tandem avec Jean-Pierre Huser, il a repris sa route musicale.
Dans sa « Leçon de guitare sommaire » (1961), Boby Lapointe déconseillait avec humour de découper cet instrument en deux parties, pour avoir « trois cordes d’un côté et trois cordes de l’autre ». Yves Cloutier passe du sommaire à la multiplication, les 18 cordes prolifèrent sur les deux manches ! Qu’il pince, effleure, caresse avec maestria et sans donner dans la virtuosité mécanique.
La virtuosité mécanique, c’est la guitare sommaire de l’émotion. Ecoutez ces jeunes prodiges, élevés dès le berceau à la maîtrise d’un instrument. Ils vous exécutent, dans tous les sens du terme, un morceau complexe sans la moindre bavure. C’est parfait, propre, lisse… et royalement emmerdant. D’autres interprètes de blues trouvent d’emblée, sans esbroufe, la juste note. Celle qui remue, même imparfaite, les tripes et tire des larmes. Derrière ce morceau, la technique n’a pas dévoré le vécu, l’humain porte l’instrument.
Il trimballe ses guitares depuis en gros un demi-siècle. Lorsqu’il plaque un accord, son parcours s’entend. Ses concerts Juke-Box dépoussièrent les microsillons des vinyles où l’aiguille gratte les compositions issues des sixties comme des seventies.
Lors de ses voyages en stop sur les routes canadiennes ou américaines, Yves Cloutier n’avait pas le choix. Il captait l’attention des passants, sinon les dollars pour manger ou changer de ville manquaient. Un tel enjeu exige efficacité, sincérité et connaissance du public. Ce métier, affiné par la suite aux contacts de pros du spectacle, lui donne un lien spontané avec son auditoire. Les chansons racontent sa vie, il raconte les chansons, il raconte ses rencontres, il raconte sa nation, première ou pas.
INTERVIEW PODCAST YVES CLOUTIER
Les airs sont mélangés autant que son sang. Les hommages ne gomment pas la personnalité. Il a composé son disque « Road Music » en jetant au panier le moindre accord qui trahissait des influences. Aussi le son qui s’amplifie de sa cathédrale en bois, à deux manches, célèbre sa propre âme. Il séduit sans filtre, il vous embarque dans ses plaisirs d’espaces. Ses compositions roulent, passent diverses vitesses, maîtrisent les virages de style. Elles se faufilent avec aisance le long de vos artères dans un voyage sans heurts. Ses partitions sont une évidence, un mouvement, un décollage d’OVNI hors des envolées stéréotypées. Elles réveillent votre naturel de liberté, elles injectent des frissons d’exploration.
Il n’existe pas d’à-coups dans les titres d’Yves Cloutier, juste une bande qui se déroule vers vos sentiments les plus purs. Ses notes entrent en résonance avec vous comme elles savent porter le monde de Jean-Pierre Huser lorsque les compères se retrouvent en duo. Yves Cloutier y apporte la structure de l’accompagnement dans un dialogue respectueux.
Vous savez quoi ? Ce grand nigaud a failli, voici peu, raccrocher sa carrière, donner plus du pinceau utilitaire que de la guitare. Le monde aurait perdu une belle couleur musicale. En tant que spectateur, sachez être sa toile, il vous dessinera avec ses cordes un univers où vibrent les plus belles des énergies.
Texte et photos: Joël Cerutti
Contacter Yves Cloutier: https://www.facebook.com/yves.cloutier.716https://www.facebook.com/yves.cloutier.716
Dernier concert printemps 2019: 1er juin 2019, 16 heures, La Jardinerie, St-Triphon. https://lajardinerie.ch/
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