TUILE   Si vous vous demandiez quels sont les rapports entre les auteurs et leurs personnages, ce 72 vous conviendra on ne peut mieux!!! Avec un grand numéro de chatte sur le toit, de Germaine, qui, dans son genre se révèle une tuile humaine absolue.

72.

Une java ou un tango, c’est du pareil au même pour te dire que je t’aime.

Un salon garni de peu de choses. Des murs et un plafond blancs. Quelques objets posés ici et là. Des livres qui laissent entrevoir le goût du maître des lieux comme étant un amateur de Frédéric Dard. Peu de meubles. Pas de décoration. Style involontairement épuré, en fait. Un endroit dans lequel la main de la femme n’a pas mis le pied depuis trop longtemps.

Deux fauteuils, un divan. Celui-ci est en jachère. Ces deux-là contiennent une dame, que nous connaissons bien, et un homme qui visiblement est chez lui, il est en pantoufles. Plusieurs verres, qui furent de bière à leur heure de gloire, sèchent sur une table basse. Le suivant est dans la main droite de la dame.

– Comme vous aurez bientôt vidé mon stock de bières spéciales, vous êtes venue pour me raconter quoi, finalement ?
– Voilà, l’excellent inspecteur Ocontwar est occupé pour un certain temps, se gaussa Germaine.
– Vous lui avez fait quoi ? Vous ne l’avez pas… ?
– Non, je ne l’ai pas tué. Même pas une petite fracture. Disons qu’il joue à cache-cache avec son existence et qu’il risque d’y passer un certain temps.
– Il est où, là, pour le moment ?
– Chez lui, tout simplement. Un homme seul dans ses foyers peut avoir des loisirs qui rendent toutes sorties superfétatoires.
– Vous pouvez être plus précise ?
– Vous savez bien que j’adore plonger mes adversaires dans des situations dont ils profitent pleinement. Investir sur le court terme, ce n’est pas mon truc. Et puis, si vous voulez des détails, vous n’avez qu’à demander à l’autre, là…

Germaine se leva, se dirigea vers le frigo, qui n’était pas le sien, y dégauchit une bière, qui n’était pas la sienne, alla se chercher un verre qui ne lui appartenait pas dans l’armoire de son hôte et se fit mousser, comme à son habitude, une brune qui allait venir se joindre à ses précédentes. Un vrai défilé.

– Il ne va pas rester éternellement chez lui. Ocontwar a beau être un poivrot, il en a sous la chevelure crépue et il va finir par trouver une solution à votre petit jeu. C’est un dégourdi, vous ne l’ignorez pas !
– Je sais… et un excellent amant, de surcroît. Je peux en témoigner et vous en remercie. C’est pour ça qu’il serait dommage qu’il perde la vie pour une histoire qui lui ressemble peu.
– Que voulez-vous dire ?
– Une histoire sans queue ni tête…
– J’aime votre humour. Nous pratiquons un peu le même, finalement.
– Oui, c’est ce qui me plaît chez vous. Et puis, votre choix de bières, évidemment. Et puis, disons les choses comme elles sont, vous n’êtes pas dénué d’un certain charme. Je dirais même d’un charme certain.

Le numéro de séduction de Germaine Pranmwadoncq ressemblait à s’y méprendre aux câlins dispensés par un boa constrictor. Au début, ça semblait presque affectueux, frais, mais nullement dénué de tendresse. Et puis, peu à peu, elle serrait sa proie de plus en plus fort jusqu’à ce que celle-ci oublie de respirer, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… plus du tout.

Là, elle en était à la phase d’approche. Sa technique consistait à faire penser à sa cible qu’elle se lâchait, peu à peu, sous l’effet de l’alcool. Mais la Pranmwadoncq tenait parfaitement les litres et les degrés. La difficulté, ici, était que son interlocuteur ne buvait pas. Forcément, le processus était plus commode à engager avec un « partenaire » qui se libérait de sa légitime méfiance.

Profitant de son aller-retour vers le frigo, Germaine était venue s’asseoir sur l’accoudoir du fauteuil dans lequel son objectif s’était muré. L’adversaire était dangereuse, capable de tout. Et si elle se lançait dans le meilleur, le pire était à craindre.

La distance de sécurité était franchie et se mesurait maintenant en centimètres. Petit à petit, la plantureuse Germaine allait venir se lover contre celui qu’elle escomptait s’offrir, avant de jouer à l’amante religieuse. Même si l’idée d’une partie de jambes en l’air avec la sculpturale ne lui aurait pas déplu, il savait les conséquences de ce genre de calembredaine. Il tenta une sortie.

– Dites-moi, chère Germaine, vous ne pensez pas que votre simulacre de femme fatale n’a aucune chance de fonctionner avec moi ?
– Il finit toujours par donner des résultats.
– ???
– Pendant que nous discutons tous les deux, Érasme Ocontwar est dans l’incapacité d’enquêter sur l’histoire qui nous occupe depuis plusieurs semaines. Le commissaire de Weinbrouck s’est lui aussi enlisé dans un cocon hermétique et tourne en rond dans son bureau. Sa secrétaire continue à perdre des êtres chers à raison d’un par décade. Vous n’avez plus aucune nouvelle de Gérard. Quant à Brigitte, je vous mets au défi de savoir où elle se trouve ni même à quoi elle ressemble. Donc, à part, moi, que vous reste-t-il ?
– De l’imagination !
– Et vous pensez vraiment qu’elle va suffire à vous tirer de ce guêpier ? Que Ping, Pong et Louis-Marcel Thule vont finir par se faire arrêter et juger. Vous êtes bien prétentieux.
– Germaine, vous commencez à me les briser menu !
– C’est vous qui m’avez inventée, Monsieur Dabray !

(à suivre…)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *