HIPS ET HOUPS Les joyeuses surprises du réveil… Un nouveau chapitre de TRAPPES pour vous, heureux veinards! Erasme Oncotwar, flic qui résout ses énigmes par alcool, le saut du lit se révèle plus compliqué. Une surprise qu’il doit à Joël Cerutti et/ou Ludovic Dabray.
71.
« C’est pas tout, ça, faut s’y remettre ! », disait le donneur de sperme à l’éprouvette.
Le téléphone sonna et ne pleura point. Erasme avait une perception ténue d’un Soi qui tardait à se remettre en fonction. Il se réveillait péniblement, quoi. Son index effleura la surface lisse de son iPhone, basculant la connexion du rouge vers le vert, offrant à la personne appelante l’honneur de glisser des décibels dans son pavillon auditif droit. Un réseau avec plein de G fournissait une communication hors pair. Erasme Oncotwar dût néanmoins tendre l’oreille car, en face de lui, l’Alka Seltzer se dissolvait dans le demi litre de bière blanche.
Ce matin-là, cette désintégration bulleuse se déroulait dans un boucan de tronçonneuse grippée s’attaquant à un cerisier (un bois plutôt dur qui tire la gueule lors de la coupe). Ses neurones cherchant vaguement des petits copains pour éclairer un plafond très bas, sa lucidité ramait tel un disque dur asthmatique. Les 1 fuyant les 0 et autres bits. Erasme finit par quand même se focaliser sur la conversation téléphonique, entamée depuis quelques secondes.
– Vous êtes là ? Allô ? Allô ? Allllôôôô ?
– Là.
Dans ses symptômes de résolution post enquête, Erasme Onctowar savait manier une concision qui frisait les haïkus les plus brefs.
– Ah, quand même ! C’est quoi ce bruit ? En arrière fond ? Vous me parlez sous la douche ? Non, parce qu’il faut faire attention. Comme vous, le smartphone ne doit pas être très habitué à l’eau.
– Qui ?
Comme vous le remarquerez, en bon enquêteur de terrain, Ersame savait éviter les inutiles circonvolutions. Il prenait le point A, visait le Z, puis avec les deux pieds sur la pédale des gaz, écrasait toutes les autres lettres de l’alphabet pour aller droit vers son but.
– Vous m’avez déçue, monsieur Erasme Oncotwar. Je ne sais pas si je dois vous qualifier de manipulateur, de pervers, de narcissique, de menteur. Séparément. Ou alors tout ensemble.
Cette avalanche de qualificatifs pas vraiment flatteurs qui, parfois, procèdent d’un effet miroir – en gros, c’est celui qui dit qui l’est – remua quelques acidités gastriques chez Erasme. Son estomac émit un gargouillis virulent. Pas loin de l’homérique des boyaux. Chers lectrices, chers lecteurs, votre imagination saura reproduire un bruit de siphon libérateur qui, par pudeur, ne sera pas retranscrit dans ce chapitre. Il parvint néanmoins, par les miracles de l’opérateur téléphonique, à être ouï par la dame toujours au bout du fil.
– Quoi ? relança Erasme dans le prolongement de cette manifestation intestine et subite.
– Quoi ? Quoi ? Quoi ? répéta, en l’imitant, son interlocutrice. Vous ne vous rappelez rien ? Je suppose que c’est à vous que je dois, ce matin, d’avoir été cueillie au saut de mon lit par vos collègues. Devant tout le voisinage, menottes aux poignets, j’ai dû monter dans une voiture qui n’avait rien de banalisée, je peux vous dire ! Durant trois heures, ils ont tenté de me faire avouer des meurtres de petits, gros ou vieux chats. J’ai nié, monsieur Erasme, en bloc. La vérité sort de la bouche des enfants et j’ai passé l’âge, voyez-vous ! Comme j’ai eu votre nom par vos collègues, au sortir du commissariat, je me suis dit qu’il me fallait vous rendre la politesse…
– Hein ? Politesse ?
– Je ne cache pas avoir beaucoup de défauts et je ne chercherai même pas à les soigner. Plein ont déjà essayé, avec des médicaments divers et des bonheurs très relatifs. Mais, je préfère rester la Germaine que j’aime, à savoir moi, avec mes tares que j’assume sans aucune honte.
– Vous voulez en venir où ? se réveilla Erasme, dont l’instinct, que l’on pourrait qualifier d’émoussé pour cause d’esprit vaseux, se mit à clignoter au rouge.
– Je suis rancunière. Même si, entre nous, je plaide coupable, je déteste que l’on me mette le nez dans mes fientes. Je décide de choisir quand je peux humer mes fumets foireux, monsieur Erasme.
– A part ça ?
– A part ça, pour un policier poivrot, vous avez un appartement très bien rangé. Vous ne devriez pas vous contenter d’une banale serrure. Je vous conseillerai des verrous de sécurité supplémentaires. On entre chez vous comme lors d’une journée porte ouverte dans un moulin…
– TU ES ENTREE CHEZ MOI ?
– Ne criez pas, voyons. J’ai fait preuve, de mon côté, d’une discrétion et d’un silence défiant toute concurrence. J’ai respecté votre sommeil, moi !
– TU AS FAIT QUOI ?
– Vous avez profité de mon ébriété pour me soutirer des aveux. Je n’apprécie pas le procédé. Je vous ai laissé un cadeau. A vous de le trouver si vous souhaitez vous en sortir. Disons qu’il est… détonnant. Comme je suis bonne princesse, vous avez quelques minutes pour mettre la main dessus. Ah oui, vous allez être obligé de jouer avec moi. Avec une clé cassée, il vous sera difficile de sortir rapidement. Je vous ai aussi pris votre arme de service afin que ne puissiez en faire un usage salvateur… Plus l’autre revolver que vous cachez dans le réservoir de vos toilettes. Bonne chance…
Erasme n’écoutait plus depuis un moment le monologue de Germaine. Il revisitait la déco de son appartement en quête de tout engin explosif. Il savait que la Zinzin ne plaisantait pas…
(à suivre…)