SANTE Un petit tour d’horizon de la situation qui se présente comme elle se présente. Brigitte va-t-elle enfin réussir à zapper son identité? De Weinbrouck résoudre une affaire embrouillée et Ocontwar se remettre de ses enquêtes arrosées? Tournée générale, c’est TRAPPES (à savoir Ludovic Dabray et/ou Joël Cerutti) qui régalent!
70.
E pericoloso sporgersi.
Cette fois, enfin, l’agence à laquelle Brigitte avait confié son anonymat s’était exprimée dans le sublime, et si la féminité de la « patiente » en avait pris un sérieux coup dans l’aile droite, le résultat était à la hauteur de ses légitimes ambitions.
La boule remise à zéro par un barbier qui n’était pas de Séville, puisque la transformation se produisit en Italie, et que Séville est comme Venise, pas en Italie, d’après Serge Reggiani, qui lui était d’Italie et pas de Venise (vous nous suivez ?), Brigitte (c’est d’elle qu’il devrait être question si l’égarement ne faisait pas partie de notre fonds de commerce), pourvue d’une paire de bacchantes à bouts spiralés, ressemblait au fils naturel des regrettés (pas pour les mêmes raisons) Kojak et de Jacques Legras. Une sorte de Kojak Legras.
Quand bien même cette jolie Brigitte, de plus en plus veuve Vaucresson, ne fut pas équipée d’airbags conséquents, la costumière avait quand même dû s’employer pour réduire la poitrine de la belle à une proportion qui cadrait avec un complet trois-pièces. Des pectoraux, oui. Des seins, non ! Un manteau en tweed était venu recouvrir le tout et un parapluie, totalement (et aussi) inutile dans ce pays ensoleillé à n’en plus pleuvoir, enjolivait le déguisement.
Le thermomètre qui ornait depuis le 25 avril 1744, date de la mort de Anders Celsius, la façade de la Farmacia Lopez, un lointain cousin de celui qui sera de garde à Santiago (Chili) après-demain, venait d’atteindre 14 heures 34 à l’ombre au moment même où le clocher de l’Église San Camillo Bottazzi sonnait les cent degrés Fahrenheit, ce qui doit faire une trentaine de degrés Raie-au-mur, je vous fais grâce des centimes.
La température corporelle de Brigitte avait suivi cette hausse du mercure et un joli 37,777777777777 degrés sous les aisselles lui provoquait de désagréables chatouillis le long des flancs et une perte de poids linéaire.
Bref, dans cette petite ville médiévale où plus rien ne ressemblait à rien, mais dans laquelle les hommes tentaient encore de vivre, Brigitte était devenue, pour sa plus complète satisfaction, un certain dénommé Aloïsius Mac Aban, dont les parents avaient émigré au Canada à la demande expresse de Line Renaud. L’agence fabriquait aussi une généalogie à ses personnages fictifs.
Cela faisait trois heures que Brigitte-Aloïsius alignait les amaretti saronniens sans avoir été reconnue par aucune passante imbécile et ça la mettait en joie. Elle (ou il) commençait à fomenter des projets de retour au pays. Le but étant de retrouver au plus vite Gérard, dont il (ou elle) était sans nouvelle (ou il), mais comment en aurait-il eu ? (Oui ! ou « elle »…)
Elle/Il avait confié à la costumière de lui constituer une garde-robe digne de sa british attitude. Des faux documents d’identité plus vrais que des vrais allaient être émis dans la journée par l’agence. Ça, ils savaient faire ! N’avaient-ils pas permis à la reine d’Angleterre de voyager incognito pendant quinze jours et d’emprunter, son vieux rêve, le Tunnel sous la Manche en toute discrétion. Elizabeth avait quand même dû changer de bibi pour être crédible, que ne ferait-on pas pour échapper à son destin, fût-il futile.
Transformé en péripatéticien, ce cher commissaire de Weinbrouck poursuivait ses cercles concentriques inutiles dans son bureau, évoquant un vol d’Air France pris au piège des aiguilleurs du ciel en grève (pléonasme) au-dessus de la Brie, qui ne fait pas le moine. Agnès Amolphe, sa secrétaire, venait de perdre une cousine germaine, une certaine Barbara, résidant à Göttingen (promis que c’est un hasard) et avait délaissé les bureaux de la police pour aller s’éplorer sur la dépouille de la défunte. De Weinbrouck avait fini par faire le lien entre la mortalité familiale de sa secrétaire et ses sautes de mauvaise humeur et regrettait amèrement que ces dernières disséminent une famille qui ne lui avait rien fait.
Hier, Ocontwar était revenu beurré comme Paul Claudel de son enquête éthylique. Il avait proclamé à son chef avoir résolu le mystère des chats crevés, sans provoquer aucune réaction d’allégresse chez son supérieur hiérarchique. Comme si cette sordide histoire de félins assassinés n’avait aucune importance à ses yeux. Pourtant, là, il connaissait la meurtrière, le mobile et à l’issue d’une partie de jambes en l’air mémorable avec la si bien nommée Pranmwadoncq, il avait obtenu des aveux circonstanciés : quoi, comment, où, de quoi faire basculer définitivement un jury d’assises (présidé par Saint-François dont le goût prononcé pour les oiseaux-sans-tête ne cesse d’étonner).
De Weinbrouck avait renvoyé Ocontwar en le tançant sur la qualité de son enquête, de ses relations et sa propension à l’alcool.
Et Gérard ? Pendant ce temps-là ? Nous direz-vous ! Attentifs et persévérants lecteurs et -trices que vous êtes. Eh bien, nous sommes sans nouvelle de Gérard ! Mais alors, vraiment sans nouvelle. Et vous risquez bien de passer votre week-end à vous demander ce qu’il en est advenu.
(à suivre…)