ESCAMPETTE   De la vadrouille et du matelas dans ce 66 qui permet à un prisonnier de prendre une route d’escampette. A vous de voir, de lire, d’apprécier ou de partager cette saga commencée un 21 mars par Ludovic Dabray et/ou Joël Cerutti.

66.

Il est de réputation mondiale que la route 66 relie Remiremont et Bâle.

– Nous sommes bien avancés, râla Gérard après avoir évacué la pièce dans laquelle Thulle attendait la suite des opérations sans plus oser moufter.
– Oui, ce n’est pas brillant. Mais au moins, là, on sait qu’il a tout avoué. On le livre à la police ?
– Pas tant que je n’ai pas retrouvé Brigitte !
– Et si tu ne la retrouves pas ta Brigitte, on fait quoi ? On remet un cadavre au commissaire de Weinbrouck ? Tu crois qu’il va accepter le colis cadeau sans poser de questions ?
– Je sais les risques que nous prenons, mais si je le passe aux flics, je ne pourrai plus rien en tirer.
– Tu sais les risques de nous prenons ? Et moi, je sais les risques que je prends !
– Tu n’es pas obligé de les accepter !
– C’est quoi, un ami, pour toi ?
– C’est toi !
– Eh bien, moi, je te dis qu’on est en train de pousser le manche à balai de la connerie à piquer et qu’on va se crasher.
– Peut-être, mais je veux retrouver Brigitte !
– Mais enfin, Gérard, ce n’est pas en faisant crever Thulle dans un chalet de montagne que tu vas arriver à tes fins.
– Il n’est pas question de le laisser crever. Tu n’as pas été infirmier, toi, à l’armée ?
– Si !
– Eh bien, tu vas nous conserver ce cher Louis-Marcel en vie. Tu vas me le soigner aux petits oignons.
– Et toi, tu vas faire quoi ?
– À ton avis ?
– Oui, je sais, retrouver Brigitte. Mais à part ça ? Tu vas t’y prendre comment ? Tu vas les retrouver comment les Ping et les Pong ?
– Je n’en sais rien ! Il ne t’a rien dit d’autre ton copain ?
– Ce n’est pas mon copain et il ne m’a rien dit d’autre.
– Tu lui as demandé où se planquaient ses complices ?
– Oui !
– Et il t’a dit qu’il ne le savait pas !
– Il ne le sait pas.
– Comment peux-tu en être certain ?
– Parce que j’en suis certain. On s’organise comment ?
– Je vais aller louer une voiture dans le patelin le plus proche. Je ne peux pas te laisser sans bagnole dans un trou pareil.
– C’est bien gentil. Et tu vas y aller comment, en ville ?
– Avec celle de Thulle !
– Tu sais qu’elle est signalée partout, cette guinde !
– C’est vrai…
– Et que même pour moi, c’est un risque d’aller me parquer près d’une grande surface avec ce truc. En plus, le coffre est plein du sang de Thulle. Sympa pour trimbaler de la bouffe !
– Alors, je vais aller louer deux voitures !
– Ça ne va pas leur paraître suspect, à l’agence, de voir un type tout seul qui vient louer deux bagnoles d’un coup ?
– Tu as raison, Charles. Je deviens dingue avec cette histoire. Mais putain, où se trouve Brigitte ?
– À mon avis, tu vas chercher après elle un certain temps ! Parce qu’avant de la retrouver, tu vas d’abord devoir localiser les deux agrumes. Et, elles, on ne leur a pas greffé une puce !
– Bon, je vais appeler un taxi !
– Avec ton portable ?
– Oui !
– Les poulets vont arriver avant le taxi !
– Pourquoi ?
– Parce que tu penses bien que de Weinbrouck a fait surveiller nos moyens de communication.
– Et alors, je fais comment pour aller en ville ?
– A pied jusqu’à un arrêt de bus. Tu vas découvrir la joie des transports en commun. Tu vas gentiment louer une voiture. Tu reviens ici. Tu m’embarques. Je vais louer une voiture et je reviens continuer à jouer la nounou.
– Et Thulle, tu crois qu’il va sagement nous attendre ?
– Thulle, il est attaché à son plumard aux quatre membres ! Et dans son état, il n’est pas capable de soulever un verre d’eau.
– De toute façon, nous n’avons pas le choix !
– Nous n’avons effectivement pas le choix. Ou alors, je prends aussi l’autobus, mais nous allons y passer la journée.
– Je n’ai pas de temps à perdre. Chaque seconde compte et si ça se trouve les deux nuisibles sont déjà sur la trace de Brigitte. Il faut que je la retrouve avant elles !
– Bon, vas-y, alors, je t’attends.

Et le plan fut mis en branle. Gérard laissa Charles et Louis-Marcel poursuivre le remake non télévisé de l’excellente « Parenthèse inattendue » : sans le talentueux Frédéric Lopez, ce n’était pas vraiment pareil, mais l’endroit était bucolique à souhait. Gérard rejoignit la route la plus grande qu’il puisse trouver. Les arrêts de bus faisaient un peu défaut à l’audience. Il marcha longtemps. Sans savoir s’il était parti dans la bonne direction.
La ville s’annonça grâce au clocher de l’église Saint-Télesphore visible de loin. Gérard se résigna à poursuivre son chemin à pinces. Au pied de cette charmante église de style roman, il dégauchit une agence de location de voitures, jumelée avec une station-service. Fût bien heureux d’apprendre qu’il y avait des véhicules libres. Il se renseigna pour savoir s’il y avait plusieurs véhicules disponibles. Pas que Charles fasse chou blanc quand son tour viendrait.
Il loua une voiture banale, modèle de base, couleur passe-partout. Il revint chercher Charles. Celui-ci vérifia les liens de Thulle. Le trajet jusqu’à la ville dura dix fois moins longtemps qu’à pied. Gérard prit congé de Charles en lui précisant qu’il allait partir à la recherche de Ping et de Pong. Charles loua une voiture. Retourna au chalet, impatient de retrouver Louis-Marcel Thulle crucifié sur son lit.
Mais il n’était plus là !

(à suivre…)

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