DEBRIDEE Peut-on mettre son poing dans la gueule à Dieu? Pourquoi les ambulances, dans TRAPPES, perdent leur passagère? Le commissaire de Weinbrouck, dit le Phacochère, est-il un homme affable? Les réponses plus bas, dans ce 56 à la chronologie débridée…
56.
Quand Passe-Partout et le Père Fouras font très fort !
– Commissaire, je vous passe madame Angot sur la une, annonça Agnès.
– Encore !
De Weinbrouck se demandait bien ce que l’infirmière en sous-chef avait à lui raconter, elle d’habitude tellement succincte.
– Madame Angot ?
– Oui, commissaire !
Le Phacochère ne reconnut pas distinctement la voix de sa correspondante. L’excellente Véronique Dicaire dans un jour sans. C’était presque ça, mais ce n’était quand même pas ça.
Il laissa avancer la conversation, peut-être avait-elle un chat (encore vivant) dans la gorge !
– Commissaire, je viens de prendre mon service. On me dit que madame Vaucresson nous a été ramenée par une ambulance, mais sa chambre est à nouveau vide !
– Vous ne devriez pas songer à améliorer vos procédures de sécurité ?
– Nous ne sommes pas un hôpital d’internement, monsieur le Commissaire ! s’offusqua la correspondante.
– Alors, écoutez, si votre patiente n’est pas internée, elle va où elle veut. Ça ne nous concerne pas ! Nous ne sommes pas là pour assurer votre quiétude morale.
– Mais, commissaire, c’est quand même inquiétant !
– Eh bien, inquiétez-vous !
– Mais…
– Mais rien du tout. Et si Brigitte arrive encore dans mon bureau dans le même état que ce matin, vous allez avoir de mes nouvelles. Non-assistance à personne en danger, vous connaissez ?
– Ma fille vous avait décrit comme étant un homme affable.
– Votre fille ?
– Oui, c’est elle que vous avez vue ce matin. Elle est infirmière, elle aussi. Sous-chef. Moi, je suis infirmière en chef.
– Vous êtes la mère de madame Angot, alors ?
– Oui !
– Eh bien, chère madame Angot mère, vous allez chercher vous-même la veuve Vaucresson. J’ai autre chose à faire que de jouer les gardiens de sécurité. Bonne journée.
Fin de la conversation.
L’ascenseur de l’immeuble de Louis-Marcel Thulle gravissait les étages, occupé par Gérard. Celui-ci était convaincu que l’enlèvement de Brigitte était le fait de cet être sans scrupule. Une basse vengeance, ça lui ressemblait tellement.
Gérard était en colère à un point qu’il ignorait lui-même qu’il puisse l’être. Mais il avait contenu cette ire dans un caisson de détermination. Il fallait, il devait, c’était obligatoire, impératif. Sa mission était d’arracher Brigitte aux griffes de ce Thulle.
C’est donc un Gérard pratiquement calme et apaisé qui carillonna chez L.M. Thulle.
Celui-ci ouvrit, sur la défensive :
– Monsieur Pierlot, quel bon vent vous amène ? Je peux faire quelque chose pour vous ?
– Oui, me dire où vous séquestrez Brigitte.
– Je ne séquestre pas Brigitte.
– J’en ai la certitude. Alors, si vous ne voulez pas que je démonte votre logis avec une douce sérénité et puis que je vous pulvérise ensuite, je vous recommande de relâcher Brigitte !
– Je ne séquestre pas Brigitte, reprit Thulle, décontenancé par la froideur de Gérard, mais soucieux que son interlocuteur n’en vienne pas à mettre ses projets de fouille à exécution.
– Très bien, vous me laissez visiter votre habitation, alors ?
– Non.
– Et pourquoi pas ?
– Parce que vous n’avez pas le droit de le faire.
– Je vais le prendre, ce droit.
Une paire de gnons sur la face encore étonnée de Louis-Marcel Thulle vint sceller un accord tacite. D’un côté, Louis-Marcel Thulle, parti aux pommes, de l’autre, Gérard Pierlot, bien décidé à fouiller les lieux de fond en comble.
Il n’eut pas longtemps à chercher. Après avoir visité une première chambre qui s’avérait être celle de son gentil hôte, il se précipita dans une pièce voisine qui devait visiblement servir de chambre d’amis.
Lit en désordre, rideaux qui battent au courant d’air généré par l’entrée de Gérard, fenêtre ouverte en grand. Il y avait eu quelqu’un ici. Brigitte ?
En tout cas, ce quelqu’un avait réussi à fuir. Un complice de Thulle qui avait entendu la survenance impromptue d’un visiteur ? Ou alors, Brigitte ?
Un seul moyen de le savoir, extraire Thulle de son K.O. et lui poser les questions qui font bien.
C’est en sortant de la pièce que le vent tourna.
Face à Gérard, le Président Dieu avait recouvré sa contenance et empoigné un fort calibre, le genre de flingue qui ramène à la raison toute personne qui tient encore un tant soit peu à l’existence.
Pierlot se fustigea d’être venu rechercher Brigitte sans prendre de précautions supplémentaires. Personne ne savait qu’il était là !
Le taxi finit par déposer Brigitte au siège de la police. Elle gravit comme elle put les étages menant au bureau de Albert de Weinbrouck. Elle parvint, en se heurtant aux murs, jusqu’à la porte du commissaire. Elle put s’effondrer devant cette porte sans pouvoir y frapper. C’est juste la caresse du corps contre le panneau qui alerta de Weinbrouck, reparti vers la méditation dans son fauteuil de bureau. Il songeait à quoi pouvait ressembler madame Angot en se basant sur ce qu’il avait aperçu de sa progéniture. Sexagénaire, sans aucun doute. Mammaire comme sa fille, probablement.
De Weinbrouck ouvrit la porte pour découvrir, à la place qu’occupe d’habitude un paillasson, Brigitte Vaucresson. Elle parvint à susurrer avant de repartir dans l’inconscience :
– Gérard, il est…
(à suivre…)