DIEU EST DEMASQUE   Depuis quelques chapitres, un Dieu de substitution, un tueur bien détraqué, sévit! Pour finir en beauté la semaine, son identité explose au grand jour. Il se cachait dans les premiers chapitres de TRAPPES!

55.

Il était où le gentil ti Youki
Où il était le gentil ti toutou
Il était où hein il était où
Où il était le gentil ti Kiki
Et où il est le pépère au ouah ouah
Youki sait-il où c’était son pépère
Il était où hein son papa
Le beau pépère que son Kiki préfère

Le Youki, par Richard Gotainer, philosophe et chanteur (fin du XXe siècle)

Gérard… Il est ? Il est ? Il est ? Le passé se structure en trois temps, trois mouvements, trois révélations.

Brigitte, au sommeil aussi défoncé par les barbituriques que ne l’était son matelas, perçut avant de remarquer. Une présence intruse vibrait dans sa chambre. Trop dans le coltar cotonneux, les forces de réaction lui manquaient. Une voix masculine, éraillée, glissa sur l’oreiller 100% duvet de canards bios, déplumés avec respect.

– L’Autre Dieu a observé ton éveil… Il voulait te demander de te tenir à Ses Côtés. Le voyage initiatique sera apaisant.

Une aiguille s’enfila dans une veine, une vague droguée recouvrit sa conscience, Brigitte sombra.

Le Zinzin Créateur la souleva hors de son lit et la déposa avec un certain égard dans une chaise roulante. Il lui enleva sa chemise de malade, décrocha la tenue civile de Brigitte des cintres du placard, la roula en boule sur les genoux de sa captive.

Il attacha Brigitte, un peu nue, sur la chaise roulante grâce aux lanières de cuir fixées sur les accoudoirs. Il jeta une prude couverture sur la femme et l’objet (mobile). Juste avant de quitter les lieux, il posa une carte plastifiée sur la table de nuit. Dessus, il y avait juste le logo fort connu d’une marque de voiture… Cela suffirait. La piètre créature devrait comprendre ce message simpliste.

Brigitte et son ravisseur déjouèrent une surveillance des plus laxistes. Oserons-nous prétendre que le vol de l’ambulance se révéla une partie de plaisir ? Oui, quand on laisse traîner la clé de contact dans une armoire métallique à la serrure si défectueuse. Le Dieu CDD passa devant sa voiture, pensa au ticket de parking dont la validité s’épuiserait d’ici 85 minutes. Aurait-il une prune ? Un Eternel paie-t-il ses contredanses ?

Gérard se pointa deux heures plus tard à l’Hôpital psychiatrique Roger-Jean Gouyé, l’établissement qui rend ses malades mentalement beaux et gentils. Il traça dans les corridors avec l’assurance de celui qui connaît son chemin, ce qui évite à 99% d’attirer l’attention. Il savait le numéro de la chambre, il y pénétra en pleine vacuité. Gérard s’inquiéta et, du coup, se dit que le personnel qualifié pourrait lui apporter quelques explications.

Au bureau des infirmières, il tomba sur un sein gauche qui précédait Clairette Angot.

– Je suis inquiet, avoua-t-il tout de go devant la quadragénaire.

– Moi aussi. A chaque seconde, je m’attends à ce qu’un dingue m’attaque avec un cutter qu’il a piqué à l’atelier d’expression manuelle…

– Je suis Gérard Pierlot, un ami très proche de Brigitte Vaucresson.

– La 42…

– La 42 m’inquiète, plus personne ne semble l’occuper.

Clairette Angot, sans se l’expliquer, se montra réceptive aux soucis de cet escogriffe, émouvant dans ses maladresses, emberlificoté dans le pataud.

– Allons voir…

Circulez, il n’y avait plus rien à mater dans la 42… Retour au bureau où Gérard, ayant noté les coordonnées de Weinbrouck, se chargea du téléphone aux autorités concernées.

– Je… Je suis à l’hôpital psychiatrique. Je voulais rendre visite à Brigitte. Elle a disparu, commissaire, DISPARU. Le personnel la cherche partout.

Il boucla sur la promesse d’un débarquement immédiat de la maréchaussée.

– On n’a pas même pas commencé à chercher, tint à ajouter Clairette Angot.

– C’est pour vous couvrir…

Clairette Angot se prit d’une sympathie plus forte encore envers Gérard.

– Je peux retourner dans la 42 ? Il y a peut-être quelque chose qui m’a échappé…

Comme la carte posée sur la table de nuit. A peine le logo remarqué, Gérard comprit. Cela coulait d’une telle source qu’il s’en voulait de ne pas avoir été mouillé AVANT par la révélation. Il savait QUI lui en voulait. Et où le trouver…

Du temps de sa splendeur, Louis-Marcel Thulle gérait son stress avec cette saloperie de méphrédone. Il se transformait en machine à cash, sur le pont 19 heures sur 24, assurant la prospérité de sa boîte. Lui, DG de cette grande firme automobile allemande, n’ignorait pas que le siège éjectable serait enclenché à la plus infime faiblesse du Nikkei.

Il s’était défoncé, dans tous les sens, histoire d’assurer ses performances. Sa course à la compétitivité s’était terminée, après 23 mois à plein régime, avec son Hummer, dans la vitrine d’un Starbuck et sept blessés réceptionnés aux urgences.

La suite avait attisé les braises de son enfer.

Il espérait le droit à l’oubli.

L’agence «In Case of Emergency» lui avait enlevé toute illusion d’amnésie. Le spot, matraqué sur la blogosphère et les médias classiques, avait continué à braquer sur lui les projecteurs du buzz négatif.

Louis-Marcel Thulle chercha un coupable, le trouva en la personne de Gérard, concepteur du spot qui lui avait carbonisé son futur…

Dès lors, Thulle s’était dit qu’il ne voulait plus être seul chez Satan. Il entendit l’ascenseur bouger dans son immeuble. L’écran de surveillance, en des couleurs délavées et floues, montra un Gérard Pierlot, la mâchoire dure, en quête de Brigitte. Qui reposait dans la chambre d’amis.

– Que la fête commence ! trinqua Louis-Marcel Thulle devant l’image de son futur agresseur…

(à suivre…)

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