A LA MIAOU   Un des auteurs de TRAPPES, si ce n’est les deux, semble nourrir quelque obsession envers les chats et les caves. Lesquelles? Ce chapeau n’est pas là pour tout vous dévoiler, voyons… Vous nous prenez pour des amateurs?

52.

Ne jamais confondre un chapitre avec un matou qui fait l’andouille.

Lundi matin, le commissaire Albert de Weinbrouck se leva frais et dispos, sans que son réveil ne dût le rappeler à l’ordre. Il avait déjeuné avec appétit, laitages et salaisons. Un café serré comme une épingle à cheveux était venu en appui utile d’une reprise de conscience sursitaire.

La découverte d’hier lui avait un peu gâché son dimanche, mais il avait l’habitude. Il avait aussi la capacité de passer une nuit paisible après de telles visions. Il s’endormait en se disant qu’il y avait d’autres soucis au monde que ses petits problèmes personnels.

Il lui naissait alors une forme de compassion. En s’enfonçant dans un sommeil réparateur, il avait songé à ces victimes, dont une seule avait été identifiée. Ces gens avaient été vivants. Mais rien dans ses rêves ne vint évoquer cette sordide histoire.

Ses premières pensées pour l’affaire ne lui revinrent que lors de son méticuleux rasage. En se brossant les dents, il s’étonna de n’avoir aucun plan d’action pour éclaircir ce mystère. Pourtant, il avait de l’expérience, de Weinbrouck. Mais là !

Il était curieusement d’humeur sereine. Bien sûr, il avait absorbé les pilules adéquates à passer une journée pendant laquelle ses contemporains n’auraient qu’à se louer de sa jovialité des beaux jours.

Arrivé au commissariat vers neuf heures, il découvrit sur son bureau un feuillet à l’en-tête de la brigade scientifique. Les quelques lignes, bourrées de fautes d’orthographe, lui annonçaient que, d’après les premières analyses, les morceaux de la veille ne faisaient pas partie d’un des puzzles en cours. Heureusement, les bras et les jambes provenaient d’une unique personne. Mais la tête et le torse ne pouvaient pas émaner d’un seul corps. Le crâne était celui d’une jeune femme, le buste celui d’un homme, musclé, taillé dans l’ébène. Les membres n’avaient pas encore de carte.

Il appuya sur le bouton de l’interphone qui lui permettait de mander sa secrétaire. La créature survint, visiblement remise du chagrin provoqué par le décès de sa grand-tante. Elle devait en avoir d’autres en réserve. Pour les jours de mauvaise humeur du Phacochère !

La belle culminait à quinze centimètres du double mètre avec une chevelure longue, blonde, épaisse, mais légère à la fois. Deux grands yeux bleus lui donnaient un air perpétuellement étonné. Son port de tête et de corps laissait entendre qu’elle avait dû pratiquer la danse classique. Elle avait le talent de se vêtir pour mettre en scène une paire de seins d’excellent aloi sans jamais en exhiber une parcelle. Un jeans moulait sans les contraindre un fessier ferme et définitif et des hanches qu’il devait être bon de saisir.

Albert de Weinbrouck avait tenté à quelques reprises de s’en faire une camarade de jeu, mais elle s’était montrée farouche à ses avances. Il se contentait donc de la fréquentation professionnelle de la belle Agnès Arnolphe.

– Bon. Vous pouvez me dire si Ocontwar est arrivé ?

Ocontwar, c’était son adjoint. Un type bourré de qualités… mais pas que de qualités ! Il avait la cuite prompte et ça n’avait pas contribué à son avancement. Sinon, nul doute qu’il serait au moins l’égal, voire à la place de de Weinbrouck.

– Il doit dormir dans son bureau. Je pense qu’il arrivait directement de son bar préféré ce matin quand je l’ai croisé. Dois-je le réveiller ?

– Je ne vais pas vous lancer dès le lundi sur une mission que je sais impossible, mon petit ! Bon, vous avez lu le rapport de la scientifique ?

– Comme d’habitude.

– Vous avez bien fait. Bon. Vous en pensez quoi ?

– Qu’ils feraient bien de changer de secrétaire !

– Et à part ça ?

– Rien. Sinon des banalités : tueur en série, forcément. Un sadique ou un malade, sans aucun doute. Mais tant qu’on n’arrivera pas à identifier plus de victimes…

– Bon. Vous n’avez jamais songé à devenir flic, au lieu de vous enliser dans votre secrétariat.

– Pourquoi me dites-vous ça ?

– Parce que vous voyez cette histoire exactement comme moi !

– Oui, et alors ?

– Eh bien, ce n’est pas brillant comme plan de vol… Bon…

L’affaire commençait à sourdre dans la presse. Le conditionnel était encore d’usage, mais l’indicatif du présent allait sortir du Bescherelle tôt ou tard. L’absence de pistes nuirait rapidement à la réputation de la police en général et d’Albert de Weinbrouck en particulier. Il lui fallait quelque chose pour entamer ses recherches, mais quoi ?

Le téléphone sonna. La préposée lui annonça Gérard Pierlot. De Weinbrouck engagea la conversation :

– Oui ?

– Commissaire de Weinbrouck ?

– Oui !

– Gérard Pierlot, ici, vous me situez ?

– Oui, très bien !

– Dites, commissaire, je vous appelle parce que j’ai découvert un chat mort dans ma cave.

– Bon, je le sais. Celui de votre voisine !

– Eh bien, hier soir, il y avait à nouveau un chat mort dans ma cave !

– Vous les collectionnez, tenta de plaisanter Albert.

– On peut dire ça. Parce que, entre les deux, il y en avait eu encore un autre. Donc, ça fait trois !

– Bon ! Vous avez lu les journaux du matin, Pierlot ?

– Oui !

– Vous ne pensez pas que j’ai autre chose à faire que de m’occuper de chats crevés ?

(à suivre…)

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