DEBUT DE SOLUTIONS? Tournée générale de psychotropes! Chacun se bourre de médocs pour tenter d’essayer de trouver vaguement voire plus précisément un début de solution… Le mystère s’épaissit à cause de félins défunts. Le tout servi par le clavier de Ludovic Dabray et/ou Joël Cerutti.
50.
Cinquante nuances de Denise Grey.
Un qui était franchement surpris de la tournure des événements, c’était Gérard Pierlot. Par le petit bout de sa lorgnette, il savait qu’on avait retrouvé la tête du mari de sa quasi-maîtresse dans le coffre d’une pendule. Il avait ouï dire que les autres morceaux avaient été découverts dans les appartements de sa veuve, alors qu’il n’y avait rien chez elle quand elle a été appelée pour venir constater l’abject au milieu des coucous et des horloges. C’était au domicile de son coauteur qu’avait été abandonné le buste du dépecé.
Bien sûr, il y avait eu, chez lui, le décès du chat de la voisine. Il savait que l’animal fréquentait sa cave grâce à un soupirail qu’il n’avait pas voulu clôturer. Gérard s’était même pris de sympathie pour ce gros félin et lui achetait sa ration de Ronron quand il allait faire ses emplettes personnelles. Son trépas l’atteignait plus que celui d’Olivier Vaucresson.
La surprise venait du fait que la police lui foutait une paix royale. Il connaissait Weinbrouck et ses humeurs, c’était un chacal. Gérard ne comprenait pas qu’il n’avait même pas été amené pour être entendu, alors que c’était visiblement le but de la visite du commissaire quelques jours plus tôt.
Non, Weinbrouck avait dû oublier son existence.
Gérard avait imaginé, avec raison, que le portable de Brigitte était aux mains de la police et que leurs lignes téléphoniques devaient être surveillées. Même s’il n’avait pas attenté aux jours de Vaucresson, ça ne servait à rien d’exciter Weinbrouck et ses péons.
Il reprit donc ses recherches dans sa cave afin de retrouver le précieux ouvrage qui lui aurait enfin permis de mettre en fabrication cet article qui lui avait été demandé. Il n’avait pas besoin de ces piges pour manger et il l’aurait même fait pour rien. Mais il ne voulait pas saloper le boulot de ceux qui en vivaient. Son plaisir, c’était d’écrire. Et le thème et le lectorat importaient peu.
Lors de ses recherches, il dégauchit une malle qui contenait des jeux de son enfance. En première couche, un puzzle de cinq mille pièces qu’il n’avait jamais réussi à réaliser étant adolescent, pas la patience. Il se mit en tête qu’il en ferait bien un loisir dans les prochains jours. Ça lui éviterait de penser à l’inaccessible Brigitte.
Sur la couverture de la boîte figurait le modèle. Il représentait un chat. Mais pas n’importe quel chat ! Un chat qui ressemblait étrangement au défunt chat de la voisine. Il comprit alors l’affection qu’il vouait à ce pauvre animal. L’illusion était parfaite. Souvenir enfoui. Raison de plus pour réaliser ce puzzle. Ce serait sa façon à lui de rendre hommage au matou qui avait utilisé une de ses sept vies à lui rendre d’amicales, même si intéressées, visites.
Brigitte séjournait toujours à l’hôpital. Sa raison en avait pris un sérieux coup dans l’aile. Quatre fois par jour, elle se nourrissait de divers médicaments aux objectifs divers et variés, à tel point qu’elle ne savait plus ce qui servait à quoi. Bleus, jaunes, blancs, rouges, verts : inutiles ! Elle n’allait pas mieux. Quand elle fermait les paupières, la face d’Olivier sertie dans l’œil-de-bœuf de la pendule lui revenait en mémoire. Il n’y avait plus grand-chose entre les époux, mais cette vision, avec une autre tête dans le médaillon, aurait provoqué le même effet. Elle demeurait sans nouvelles du cher Phaco. Il avait probablement renoncé à l’idée d’en faire une complice du meurtre de son mari ni de l’imaginer en mobile.
Charles avait repris sa vie d’écrivain. Lui aussi se sentait abandonné par les enquêteurs. Il avait été relativement secoué par la découverte de ce buste dans sa cave. Mais il avait eu la bonne idée de ne pas expertiser le colis, se bornant à prévenir la police de sa macabre trouvaille.
Du côté des argousins, on avait une tête de trop. Ça faisait désordre et provoquait l’ire de Weinbrouck. Il avait avalé double dose de médicaments, mais le mauvais fond de sa bipolarité avait pris le dessus. Il était à fuir. Ses subordonnés passaient devant son bureau sur la pointe des pieds. Sa secrétaire avait perdu brutalement une vieille tante. Et son téléphone affichait un lâche mutisme.
Gérard constata que le livre qu’il avait remonté à la surface n’était pas le bon. Un bouquin sur la conchyliculture ne possédait qu’un rapport lointain avec les recettes de chili con carne. Il allait devoir rejouer au mineur de fond et retourner fouiller ses étagères poussiéreuses.
Gérard éclaira l’escalier de la cave. Descendit les quelques degrés qui le séparait du niveau moins un de son immeuble. Il déverrouilla la porte de son espace privatif souterrain. Pénétra dans cette cave. Émit un juron parce que la lumière ne fonctionnait plus. Il se saisit d’une ampoule de substitution posée sur l’étagère sise à droite en entrant. Se dirigea vers le centre du local. Il marcha sur un corps mollasson. Il remplaça la lampe, fébrile. Il revint à l’interrupteur. Le bascula à nouveau. Dans la lumière crue ressuscitée, Gérard constata qu’un cadavre gisait. Un autre chat. Mort !
(à suivre…)