MALADIE D’HUMOUR   La situation empire pour le « héros » de « Trappes » et ce n’est que le début des horreurs dans le Gyrus de Heschl. Le quoi? Z’avez qu’à lire le chapitre! Un délire imaginé par Joël Cerutti et Ludovic Dabray (ou le contraire…). Avant la pause du week-end, cinquième chapitre de VOTRE feuilleton printanier (voire d’autres saisons).

5.

Mieux vaut la ramener que de sucrer la fraise.

Le brouillard qui obscurcissait ses petites cellules grises se leva. Il gisait dans un hôpital. Ses narines auraient dû lui signaler cette odeur de propre médical, entre le désinfectant, les produits de nettoyage et des trucs corporels pas nets.

Gérard se rendit enfin compte qu’un masque en plastique lui insufflait de l’air dans les narines. Des fils multicolores, scotchés sur son torse et ses avant-bras reliaient sa carcasse moulue à une machine. Celle qui émet des bips, trace des lignes sur des écrans, affiche des chiffres de pulsation.

Il devait avoir frisé le code de sa santé. En levant un chouïa la nuque, Gérard remarqua des entraves qui le plaquaient contre le matelas. Houuuu, ça puait le pas bien, le pas net, le pas chouette pour ses miches.

L’infirmière couleur menthe à l’eau se montra d’une clinique amabilité.

– Ah ? Réveillé ? J’appelle le médecin de garde.

Son regard polaire se porta sur l’engin à bip.

– Vous avez l’air stable. Monsieur, vous vous rappelez de votre nom?

Gérard articula, les cordes vocales ankylosées. Il avait genre une serpillère sèche dans la gorge. L’exercice de diction virait en un supplice de miction impossible.

– Zérard Bierlot…

C’était Gérard Pierlot, en vrai. Les lettres, engourdies, glissaient vers des sons involontaires.

– Vous savez quel jour nous sommes, Monsieur Bierlot ?

Lion du vendredi soir en goguette, couillon du dimanche sous la couette, calcula le Ressuscité. Cela devait être dimanche, cela ne pouvait qu’être dimanche. Le jour du Seigneur, la messe, le gigot à l’ail de midi avec belle-maman, la promenade digestive, Michel Drucker, son canapé rouge, son chien, ses invités, «Vivement Dimanche».

– Vimanche ?

Miss Frigidos – attribuons-lui ce surnom sans perdre le temps d’une description (on ne mise sur aucune histoire d’amour entre elle et Gérard) – claqua de la langue en signe de désapprobation.

– Ah non ! Perdu ! C’est déjà le retour du jeudi de la semaine suivante, Monsieur Bierlot. Vous nous avez fait cinq jours de coma. Il vient, votre médecin de garde ? Je n’ai pas que ça à faire, moi. Ne bougez pas…

«Et comment veux-tu que je me remue le cul, espèce de pétasse !? Je suis ligoté sur ce putain de lit», PENSA très fort Gérard.

Miss Frigidos lui vrilla un regard antarctique dans ses prunelles et siffla :

– Tu sais ce qu’elle dit à ton cul, la pétasse ?

Attendez, attendez ! Stop ! Temps mort ! Gérard avait émis cette phrase dans son fort INTERIEUR. En toute discrétion… Comment Frigidos pouvait-elle l’entendre ?

Il y avait un problème.

Et un gros.

Dans les heures qui suivirent, Gérard passa par une batterie de tests. Il resta du mieux qu’il put silencieux dans sa tête. Pas une réussite. Cela lui valut: quatre insultes, vingt-sept soupirs exacerbés. Il évita de justesse six paires de baffes, bloquées in extremis par des membres du personnel soignant plus tolérants.

Les examens terminés, Gérard s’endormit. Il se sentit massé, stimulé au bout des doigts, et stagna dans un semi état de veille vaseux. Lorsqu’il émergea, sa raison rama d’interminables secondes pour qu’il se remette les souvenirs en place. La vasectomie, le vomi, la menthe, le baiser, le coup de pied sous la table, l’avalanche de baisers, l’érection, les pommes, tomber dedans. Mal. Frigidos. A à à , la queue leuleu, la chenille remit ça en place. Chronologiquement.

Des spécialistes se réunirent autour de son lit. Avec une drôle de têtes. Pas d’enterrement, non, plutôt emmerdées d’avoir à cracher des morceaux désagréables. Pareil qu’Indiana Jones qui doit manger de la cervelle de singe vivant dans «Le Temple Maudit». Même moue.

– Monsieur Bierlot…

– PIERLOT !

– Pierlot, excusez-nous… Une fois n’est pas coutume, si vous nous le permettez, nous commençons par les bonnes nouvelles.

«Putain, il va tourner autour du pot de chambre des plombes avant de sortir que j’ai chopé une chaude-pisse et un cancer généralisé ?!»

– Monsieur Pierlot, c’est déjà assez pénible comme ça. Ce n’est pas une chaude-pisse, ni un cancer, laissez-moi continuer !

«Mais je ne lui ai rien dit à ce blaireau ! Je me le sors dans ma tête !»

– Monsieur Pierlot, STOP ! Vous ne vous le dites pas DANS votre tête ! Vous le croyez mais vous le proférez à haute et intelligible voix. Toutes vos fonctions vitales fonctionnent correctement depuis votre sortie du coma. A une exception près. Il semblerait que certaines fonctions de votre cerveau soient altérées. Cela a touché la partie du Gyrus de Heschl et généré un dysfonctionnement entre l’Aire de Broca et celle de Wernicke.

«En français, ça donnerait quoi pour que je puisse comprendre ?»

– Il n’existe plus aucune barrière entre vos pensées et vos paroles. Qui plus est, cette attaque pourrait avoir amoindri vos inhibitions. Ce qui change votre façon de vous exprimer. Du réservé, vous passez à un mode plus… extraverti, dirons-nous.

«Oh putain de nom de dieu de chier, je suis pas dans la merde, moi !»

– On peut dire ça, oui, d’une certaine façon…

(à suivre…)

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