PETITES PILULES   Où l’on découvre que le commissaire serait un chouïa maniaco dépressif. Ce qui expliquerait pourquoi il avale difficilement certaines pilules. Un constat médical apporté par Joël Cerutti et/ou Ludovic Dabray.

49.

Lorsqu’on ramène sa Science, cela veut dire qu’on l’avait perdu un peu, avant?

Il jouissait. Sans vergogne. Sa mise en scène le remplissait d’un sentiment de supériorité. Il menait la danse, la police se marchait sur ses pieds. Semer des membres issus de cadavres différents, offrir aux flics un Noël aux quatre vents, péter d’orgueil de les sentir déboussolés : il existe des grandes joies dans l’existence.

Comme celle de se purger le nez. Il farfouilla d’un index expert dans ses sécrétions, tourna, obtint la petite boule et la roula. Sèche, il l’envoya balader, d’une pichenette, au-dessus du cierge qui brûlait dans l’église. Crotte, au nom du Père !

Se repentir ? Des nèfles. Il venait se curer proche de la cure. Il défiait Celui qui l’avait soi-disant créé. Après tout, Dieu, cela peut devenir un CDD quand il y a mieux qui se présente sur le marché.

Les poulets ne pouvaient pas comprendre ses motivations. Il régnait sur eux. Ils passaient par un faux prisme, ils inversaient les mobiles, ils allaient ramer, pagayer.

L’Autre Dieu, Lui, quel bonheur dans la félicité de les manipuler. En ce moment, il dédiait une pensée émue au Département Forensique…

Ils en chiaent. Nul doute.

Un signe de croix foireux dans le Saint et l’Esprit, il quitta la Maison de l’Autre pour rejoindre la sienne. Euphorique, il pensait à son congélateur de 400 litres. Cela lui pompait un max d’électricité mais où il avait de quoi jouer au Petit Poucet Morbide. Que la lumière fut, que l’obscurité chut, que la fête soit ! Le Maître du Commutateur sortit, un début d’érection mystique dans le slip kangourou. Créateur de Chaos, un vrai CDI, ce job-là…

En synthèse : où l’on apprend qu’un cinglé pur et dur va semer des morceaux de cadavres un peu partout… Pourquoi tant de haine, pourquoi ?

Le Département Forensique était frappé par le Syndrome Madame Claude : le bordel absolu. On ne badine pas avec la science et les évidences le percutaient.

Avec diligence, les experts avaient saupoudré, photographié et mesuré. Sur les trois scènes de crimes (même si ce n’était pas là qu’ils avaient été perpétrés). Au vu des résultats, ils avaient recommencé les analyses pour les comparer avec celles de la bijouterie Vaucresson. Recouper pour éviter l’accusation de bavure. Recommencer parce que cela paraissait un peu fort de café. Marre de marre, cela revenait en boucle. Ils ne pouvaient plus tergiverser, les supérieurs devaient en être informés.

En synthèse : il y aurait comme un élément intriguant dans la progression de l’enquête scientifique. Cela arrive…

Le comportement du commissaire Weinbrouck alternait selon sa bipolarité. Les médocs agissaient au mieux, ses humeurs viraient au pire ou vers l’acceptable. Les jours avec les moments sans ou avec se succédaient au grand dam de ses collaborateurs. Limite obséquieux sur certaines heures, ignoble sagouin à d’autres. Avec les pressions autour des cadavres, l’humeur tendait plutôt au massacrant.

– Tu as du temps ? questionna Renato Mangin, chef de La Forensique, laissant amerrir d’office ses fesses en face de Weinbrouck.

– Même si je n’en avais pas, ton cul a déjà pris ses aises en face de moi. Autant laisser ce qui est plus haut s’exprimer…

Renato sut que les petits cachets, ce matin, n’étaient pas au top de leurs effets…

– Le topo, tu le connais, on a eu des pièces rapportées de trois cadavres différents. Il y a un truc bizarre.

– Je me languis…

– Selon l’ADN, sur les trois cadavres, nous avons deux femmes.

– Aaahhh, vive le mélange des genres ! Aucune discrimination.

– Ce qui nous fascine, c’est l’acharnement.

– ? (derrière ce « ? », représentez-vous un froncement de sourcil)

– Tu te rappelles qu’à la bijouterie, on avait très vite identifié les empreintes du Gérard.

– Facile, il avait un casier suite à une histoire de conduite en léger état d’ivresse.

– Sur les deux autres scènes de crime, tu en trouves aussi partout, partout et partout.

– Gérard connaissait autant Charles que Brigitte, il leur aura rendu des visites de politesse.

– Tu me comprends mal. TOUTES les autres empreintes ont été effacées, même celles de Charles et Brigitte chez eux. Il n’y a plus que celles de Gérard ! Et puis…

– Ouiiii ?

– Des traces ADN de Pierlot ont été semées partout : cheveux, rognures d’ongles, mouchoirs en papiers. Je te jure ! C’est le Géraropolis du génome à haute dose.

Un temps où Weinbrouck lisse sa barbe, réfléchit pour émettre :

– Il y a quelqu’un qui le hait ce pauvre Gérard Pierlot. Pas quelqu’un de proche, sinon il saurait ses absences littéraires. Il met tellement d’acharnement à lui mettre ces meurtres sur le dos… On peut oublier la piste Vaucresson, cela n’a rien à voir avec son flirt avec Brigitte… Quelqu’un, en ville, en campagne, lui en veut à mort et tue pour ça !

Au vocabulaire, Renato compris que la chimie agissait dans les synapses du commissaire. Les déductions, digne d’un certain Lapalissade, laissèrent passer un ange dans la pièce. Puis un subordonné à casquette fit irruption dans le bureau avec le sempiternel «Chef, chef… »

– … on a trouvé une nouvelle tête ! Une gonzesse ! Vous ne devinerez jamais où ! C’est complètement ouf !

(à suivre)

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