POURQUOI????    C’est bien beau d’avoir des bouts de mort un peu partout, mais pourquoi? A cette question lancinante et tarabustante, le commissaire De Weinbrouck aimerait quelques réponses… Un casse-tête (ou autre membres) rédigé par Ludovic Dabray et/ou Joël Cerutti. 

48.

Ah, qu’il est triste de devoir passer par les autres pour avoir un chez soi.

Le crâne, le tronc, deux jambes et deux bras, toutes les pièces du puzzle étaient rassemblées. C’est avec une joie non feinte que la tête d’Olivier Vaucresson vit arriver ses divers morceaux à l’institut médico-légal. Mettez-vous à sa place.

Déjà qu’être mort, ce n’est pas drôle, mais c’est le sort de l’être vivant. Par contre, être ainsi disséminé, n’est-ce pas chose contrariante, même si l’originalité de la situation vous rend rapidement célèbre, à titre posthume.

L’excellent commissaire de Weinbrouck avait donné des ordres afin que la scientifique vienne opérer promptement ses prélèvements sur les deux nouveaux sites d’enquête. Les appartements de Brigitte et de Charles furent expertisés de fond en comble.

Rien ne fut entrepris dans un premier temps chez Gérard, la mort d’un chartreux étant rarement des compétences de la police. Assez curieusement, la dépouille du matou avait rassuré de Weinbrouck et son adjoint.

Ils étaient venus pour cueillir Gérard. Ils renoncèrent à leur projet.

Charles n’eut pas l’honneur d’être embarqué, lui non plus.

La seule qui fit l’objet d’un transport, ce fut Brigitte, en ambulance.

Quelques jours passèrent. Brigitte se remit très peu des conséquences mentales de ces macabres découvertes. Mais ce cher de Weinbrouck continuait à mener son enquête et il en vint à convoquer la veuve morcelée en son bureau. Un cadavre dépecé en six pièces détachées, ce n’était pas chose courante, et il comptait bien accrocher le coupable à son tableau de chasse.

– Bon, comment allons-nous, chère Madame ?

– Comme nous pouvons. Vous savez, je suis mère de famille, il faut que la vie continue.

– Oui, il va vous falloir beaucoup de courage. Bon. Mais vous en avez, ça se voit.

– Merci commissaire.

– Madame, j’ai dû vous convoquer parce que nous n’avons pas de piste qui explique la mort de votre regretté époux. Bon, j’attends d’une minute à l’autre les rapports d’autopsie, mais ces braves gens prennent leur week-end. Donc, ça tarde ! Je vais devoir vous demander des informations relatives à votre vie privée, je veux dire la vôtre, celle de votre mari et celle de votre couple. Bon. Vous me pardonnerez mon indiscrétion, mais je dois procéder ainsi. Vous me comprenez, je suppose.

– Je vous comprends.

Et les questions fusèrent. L’existence des Vaucresson-Duclos fut mise à nu. Tout y passa. Leur rencontre, leurs premiers émois, leurs premiers ébats, leurs dernières fois aussi. Les infidélités de monsieur, les écarts de madame. La balance penchait à se rompre sur le versant mâle du couple. Leurs loisirs, leurs métiers, leurs maîtresses, leurs amants, leurs amis, leurs amours, leurs emmerdes.

On parla de tendresse, on évoqua les trahisons, on reconnut les qualités, on blâma les défauts.

Finalement, cet interrogatoire se transformait en thérapie. Brigitte Duclos allait sortir du bureau du commissaire essorée de sa vie de couple jusqu’à s’extraire du veuvage par une rupture post mortem.

Avait-elle encore du chagrin ? Non, pas vraiment. Elle avait du dégoût d’avoir vu celui qu’elle avait aimé la narguer au travers de la mort et du hublot de cette pendule. Son décès était un mystère pour cette pauvre Brigitte qui allait devoir affronter la suite de sa vie avec cette image en tête et deux enfants à élever.

Depuis la découverte des morceaux de Vaucresson, Charles et Gérard s’étonnaient de ne pas être inquiétés par la police. Gérard se demandait pourquoi le Phacochère avait changé d’avis. Et Charles s’interrogeait qu’il ne soit pas entendu alors qu’on avait quand même retrouvé chez lui un tiers d’un assassiné. En même temps, ils savaient qu’ils se servaient d’alibis respectifs puisqu’ils étaient ensemble sur la montagne à l’heure probable de la commission des faits.

– Bon, pour nous résumer, synthétisa de Weinbrouck, vous n’avez aucune idée de ce qui a pu se passer. Votre mari n’avait pas d’ennemis, il vous trompait avec des femmes célibataires et pour votre part vous n’avez pas de liaison extra-conjugale pour le moment. Bon, je vous prie de me laisser votre téléphone portable pour quelques heures afin que nous puissions en vérifier l’historique.

– Évidemment, le voici.

– Je propose que nous en restions là pour aujourd’hui. Je vais demander qu’on vous fasse appeler un taxi. Il ne me paraît pas prudent de reprendre votre voiture. Bon, nous allons d’ailleurs en profiter pour y jeter un coup d’œil.

– Faites, commissaire. Je n’ai rien à cacher.

– Merci pour votre collaboration Madame. Je vous promets que nous faisons tout ce que nous pouvons pour mettre la main sur le ou les coupables de ce crime abject. Bon, l’enquête s’annonce compliquée, mais nous ne baisserons pas les bras.

– Merci à vous et à vos hommes.

Albert de Weinbrouck s’extirpa de son siège afin de raccompagner Brigitte. La porte s’ouvrit à la volée manquant de justesse de frapper la veuve.

– Commissaire, nous avons des nouvelles du légiste !

– Oui, et alors !

– Ben, rien de spécial. Sinon que les morceaux proviennent de trois cadavres différents.

 Des ambulanciers vinrent emporter Brigitte.

(à suivre…)

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