MELON Dans ce chapitre, on apprend comment s’appelle un collectionneur d’étiquettes de melon, un personnage, très ému, vomit dans une corbeille et un grossier commissaire commence son enquête. TRAPPES, que du bonheur apporté par Ludovic Dabray et/ou Joël Cerutti.
46.
Certains prétendent que c’est Émile Zola qui a inventé le jacuzzi.
« Olivier a été assassiné. Appelle-moi. Tout de suite. Je t’en supplie. C’est important. » Gérard avait juste découvert le message mais n’en avait pas exprimé la moindre émotion. Il n’avait même rien dit à Charles. Les deux amis s’étaient séparés sur le pas de la gare et chacun était retourné vivre sa vie d’écrivain solitaire.
– Bon, vous voulez bien me dire qui est Gérard Pierlot, Madame Duclos ? poursuivait celui que ses subalternes surnommaient le Phacochère, qui n’était pas du genre à abandonner une question sans sa réponse qui allait bien.
– C’est un ami de mon mari.
– Un Ami ou juste un ami ?
– Non, c’est un gars qui se prétend écrivain, mais dont les ouvrages n’ont pas beaucoup de succès. Olivier l’invite… enfin l’invitait parfois à nos soirées. Ça faisait bon genre d’avoir un homme de lettres parmi nos convives, un artiste.
– Bon. Et ils se voyaient en dehors de ces soirées ?
– Je ne pense pas. Gérard n’apprécie… n’appréciait pas trop Olivier. Il devait jalouser sa réussite.
Brigitte marchait sur des œufs craignant la question qui fâche. Elle survint :
– Bon, ne tournons pas autour du pot, c’est votre amant ?
Brigitte échangea ses œufs contre un fil, mais n’hésita pas à dire la vérité.
– Non. Ce n’est pas mon amant. Mais il est plus devenu mon ami que celui de mon mari.
– D’accord, mais, bon, il a des vues sur vous ?
– Vous savez, l’amitié entre un homme et une femme n’est possible que s’il y a une certaine répulsion.
– Oui, et voyons les choses en face, vous n’êtes pas repoussante… Bon, il lui arrivait de venir dans l’horlogerie de votre mari ou bien dans la partie musée.
– Jamais ! Je vous ai dit qu’il n’appréciait pas Olivier.
Gérard était rentré chez lui. Le texto de Brigitte était resté sans suite. Il ne savait ce qu’il devait en faire. Répondre par un message. L’appeler immédiatement, au risque de tomber à un mauvais moment. Olivier assassiné. Ça ne lui faisait ni chaud ni froid, même pas tiède. Il s’imaginait qu’il avait été victime d’une attaque à main armée de sa boutique. Olivier le craignait et en parlait souvent en évoquant les coûts faramineux des systèmes d’alarme, sas, triples vitrages, caméras, horaires et itinéraires variés.
– Bon, Madame Vaucresson, nous allons en rester là pour aujourd’hui. Avec juste la tête de votre ex-époux, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Et nous savons bien peu quand et comment nous allons retrouver son corps. Sa tête ne porte pas de marques de violence, sinon qu’elle était détachée du reste. Donc, on a semble-t-il tué le reste avant de séparer le dessus du dessous.
Brigitte se laissa aller à vomir dans la poubelle du commissaire sur laquelle elle venait de se ruer comme un cucurbitaciste sur l’étiquette de melon qui manque à sa collection.
– Ça ne va pas, Madame ? demanda Albert de Weinbrouck, inquiet des suites odoriférantes de cette manifestation émétique. Il ne supportait pas cette puanteur qui lui donnait la nausée. Il était arrivé qu’il imite à la perfection un de ses sept enfants nés d’une même mère lorsqu’un de ceux-ci chopait une gastro.
– Dites voir, brigadier, venez un peu vous occuper de Madame. Quand elle sera remise, si j’ose dire, vous pourrez la laisser rentrer chez elle. Et virez-moi cette poubelle !
Pas à un seul instant Gérard ne pensa que la mort d’Olivier lui ouvrait la voie vers Brigitte. La chose était trop inattendue que pour se concevoir. Olivier assassiné. Gérard avait quelques urgences à traiter et entre autres cet article sur un sujet insipide qu’il avait promis dans un délai déjà dépassé depuis longtemps. Pas moyen de remettre la main sur un livre qui, pourtant, lui aurait fourni les éléments nécessaires à sa composition. Il faut dire qu’il y en avait des bouquins chez Gérard, sur tout !
Le commissaire de Weinbrouck avait requis un autre officier de police judiciaire et une voiture banalisée pour se rendre chez Gérard Pierlot dans le but de l’interpeller et de lui demander quelques explications sur ses relations avec Olivier Vaucresson et sa veuve. Ils se dirigèrent à bonne allure vers le domicile de celui qui n’usurpait pas le titre de suspect numéro un. Ils y parvinrent dans un délai lié aux aléas de la circulation.
Gérard était descendu dans sa cave. C’était devenu une annexe de sa bibliothèque « régulière ». Il y entreposait des ouvrages à caractère essentiellement documentaire sur des sujets croisés au hasard de sa vie de pigiste occasionnel. Il y avait là-dedans des emprunts définitifs, des raretés tirées à compte d’auteur, des bouquins souvent sans intérêts. Mais Gérard ne jetait pas un livre.
Des relents nauséabonds se dégageaient de la cave. Une odeur inconnue. Probablement un remugle provenant de la fosse septique qu’il s’était juré de faire entretenir dans les plus brefs délais. Elle se rappelait à lui à sa manière. Elle n’avait certainement pas apprécié une absence de quelques jours de son principal fournisseur.
Albert de Weinbrouck fit sonner cette nasillarde imitation de « Ah ! Vous dirais-je maman » qui servait de carillon de porte.
(à suivre…)