CASE DEPART   Et c’est reparti pour un second cycle! TRAPPES redémarre, avec les mêmes personnages du chapitre 1! Une nouvelle intrigue commence, les compteurs se remettent à zéro. Du pain béni pour Ludovic Dabray et/ou Joël Cerutti. 

40.

Et tout le monde sait bien que c’est dans la marine qu’il y a le plus de cocus ! Quarante !

– Viens, Gérard. Ne reste pas ici !

C’était Brigitte qui volait à son secours. Elle savait très bien qu’il allait tenir des propos orduriers à l’adresse des convives et surtout d’Olivier qui se prétendait son ami, ne l’invitait que parce que ça faisait bon genre de convier un écrivain, mais qu’il le dénigrait dès qu’il avait le dos tourné, et qu’il était en train de se lancer dans sa diatribe habituelle contre tout ce qui n’était blanc de blanc.

Brigitte emporta Gérard vers la chambre du couple puis vers la salle de bain attenante avec l’idée chevillée au corps de lui passer la tête sous l’eau froide.

À peine arrivé dans la pièce, Gérard reprit une étonnante contenance. Il semblait avoir l’esprit clair, l’œil vif, comme s’il s’était saoulé au lait demi-écrémé depuis l’apéritif.

– Mais, tu n’es pas ivre ?

– Non, pas tous les soirs !

– Qu’est-ce que c’est que ce jeu ?

– Ce n’est pas un jeu, je voulais être seul avec toi.

– Pour quoi faire ?

– Pour te rappeler que je t’aime.

– Moi aussi je t’aime, mais ce n’est ni l’endroit ni le moment.

– Je t’aime à tous les endroits et à tous les moments.

– Oui, mais pas ici, tu sais bien !

– Je sais bien quoi ? Qu’Olivier est un con et que ses idées me font gerber ! Ça, je le sais !

– Parle moins fort, dicta Brigitte en ouvrant le robinet d’eau froide à fond pour couvrir la conversation.

– Je sais également qu’Olivier ne te rend pas heureuse. Tu n’arrêtes pas de t’en plaindre !

– Oui, mais c’est le père de mes enfants !

– Et ça change quoi ? Tu sais aussi comme moi qu’il couche avec d’autres femmes que toi alors qu’il te délaisse !

– On en a déjà discuté !

– C’est avec lui que tu devrais en parler. Il te trompe. Et sous ton propre toit, et dans votre lit. Et avec votre petite bonne ou avec sa sœur jumelle qui sont obligées de se soumettre au droit de cuissage. Pauvre Ping. Pauvre Pong ! C’était bien la peine de quitter leur pays pour venir vivre ça ici ! Un raciste qui se tape des jaunes… Parfois les deux en même temps !

– Tu as quand même trop bu, Gérard. Calme-toi !

– J’ai fait semblant de trop boire. Je voulais assister à cette petite fête en voyant exactement ce qui s’y passait. Pour faire l’expérience de la lucidité, pour une fois.

– Elle ne te réussit pas plus que l’ivresse, la lucidité !

– Et cette Germaine avec laquelle il te cocufie depuis des mois. Il ne lui vient même pas à l’idée d’essayer de le cacher. Tout le monde le sait ! Vos amis, son personnel, je me demande si tes gamins ne sont pas au courant, eux aussi.

– Ça s’use un couple, tu ne l’ignores pas !

– Oui, eh bien le vôtre, il est élimé jusqu’à la corde. Pourquoi restes-tu avec lui ?

– Je t’ai dit, parce que c’est le père de mes enfants !

– Brigitte, est-ce que tu m’aimes ?

– Oui, je t’aime. Tu le sais bien.

– Pourquoi on n’essaie pas d’être bien tous les deux ?

– Mais on est bien.

– Super ! On se croise à la sauvette. C’est tout juste si on se parle.

– J’ai peur, Gérard, je t’ai déjà dit.

– Peur de quoi ?

– Du divorce, de ses cris, de sa connerie, même.

– Et c’est une raison valable pour te contenter de ce que tu vis ? Tu penses que ça va s’arranger un jour ? Qu’il y a quelque chose à sauver ?

– Non, bien sûr. Mais il faut me laisser du temps.

Gérard émit un profond soupir. Cette conversation, ils l’avaient déjà eue mille fois, ou presque. Il regrettait, finalement, de ne pas s’être vraiment bourré la gueule. Ça lui arrivait de plus en plus souvent. Seul ou en société. Pour oublier. Oublier qu’il n’avait pas de talent, qu’il était perpétuellement à la chasse aux éditeurs. Oublier sa vie sentimentale creuse, si ce n’était cet amour né pour Brigitte : trop belle pour lui. Trop belle pour le fils Vaucresson, des horlogeries Vaucresson. Un bon parti. Tu parles !

Brigitte s’excusa pour ce qu’elle considérait de la lâcheté. Elle savait que les projets fondés par Gérard étaient nobles. Mais elle ne pouvait pas céder. Elle appréhendait trop les conséquences d’une relation extra-conjugale. Quand bien même son mari la trompait à tour de sexe.

C’est qu’il était injuste, Vaucresson. Avec tout le monde. Sauf avec lui-même ! Lui, c’était la seule chose qui comptait !

– Bon, on fait quoi, maintenant ?

– Ben, tu te passes la tête sous l’eau et tu reviens en faisant semblant que tu es un peu moins beurré et tu n’en profites pas pour boire.

– J’ai envie de nous, Brigitte. Pas seulement de toi, de nous !

– Oui, je sais, Gérard. Je le sais.

– J’ai envie de faire l’amour avec toi et pas seulement ça !

– Tu te fais du mal pour rien.

– Quitte-le ! Soyons heureux tous les deux ! Je t’en supplie ! Tu sais bien que ce sera génial !

– Oui. Je sais. Mais ce n’est pas la peine d’en rêver.

Gérard se rapprocha de Brigitte. Quelques centimètres restaient à franchir avant un baiser. C’est tout ce qu’ils avaient consommé jusque-là. Brigitte qui tenait en main le pommeau de la douche tenta d’éteindre l’incendie en balançant un grand jet d’eau froide sur le visage de l’impétueux.

La porte de la salle de bain s’ouvrit sur la personne d’Olivier :

– Et quoi, ça va ? Toujours bourré ? Pauvre type !

(à suivre…)

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