TRAME QUANTIQUE   Avec ce 39, TRAPPES connaît un chamboulement majeur. Une révolution narrative, imaginée par Joël Cerutti et/ou Ludovic Dabray, qui ne serait rien sans la physique quantique. On vous laisse découvrir la surprise finale…

39.

La mémoire, c’est fait pour être oublié sur la table de nuit.

Premier temps (dit aussi Temps 1, classique)

Les atomes, les ondes, les énergies, la connerie et parfois (subrepticement) l’intelligence relient les éléments naturels. Ou pas. Le bogue des Germaine 5 et 6 avait comme une heureuse tendance. Celle d’influencer les 1, 2 et 3 du square.

Alors que Monsieur et Madame Saint-Pierre, sous trop bonne garde, arrivaient à la sortie du square, les triplées zinzins se figèrent. En parfaite formation triangulaire. Mécaniquement, chacune leva son Sig Sauer Mosquito. A la hauteur du front de sa voisine. Il y eut un trio de gâchettes qui se solda par un gâchis de crânes.

Les Germaine 1, 2 et 3 s’écroulèrent sur le gravier, à côté du portail, encore plus proches de leur Créateur qui les rappelait à Lui. Ce qui rend humble face aux aléas de la Vie. Un moment, on se sent la Reine du Monde parce qu’on brandit un semi-automatique chambré en 22.long rifle, chargeur dix coups avec modérateur de son. Et puis, on redevient chair putride, peut-être livrée aux asticots ou aux flammes du Crématoire.

Cessons de vous briser les urnes avec ces considérations métaphysiques car la physique tout court attend son tour.

Ah oui ! Monsieur et Madame Saint-Pierre vous annoncent leur joie commune de voir leurs ex ravisseuses partir vers un autre Saint-Pierre. Impossible de la rater, celle-là. Le couple prit ses jambes, ses cous et disparu dans la nature citadine. Il ne demanda pas son reste, il y en avait assez par terre.

Second temps (également Temps X en guise de clin d’œil aux Bogdanov, Igor et Grichka)

Germaine 4 aurait bien voulu refroidir le Ministre (on lui redonne une majuscule par pure charité protocolaire, vous savez ce qu’on en pense, nous, de ces parasites démagogiques tout juste bons à trahir les causes pour lesquelles les serviles citoyens les ont élus). Lorsque votre index se bloque dans une crampe que l’on qualifiera de numérique, le feu ne s’ouvre pas.

Une balle de Sig Sauer Mosquito (disons-le, nous sommes assez fiers d’avoir trouvé ce nom sur Wikipédia) finit par émerger du canon. Un coup qui fut bu par la tête de notre 4 qui, entre temps, avait replié puis levé le coude, coincé l’arme sous son menton et perdu sa crampe (il s’en passe des événements en quelques secondes, n’est-il pas ?)

Germaine 4 salopa le tapis du bureau ministériel, un superbe Zaronim à nœud farsbâf. Par la suite, le cabinet essaya de vendre l’objet, à prix cassé, sur e-bay. Sans succès. Certaines tâches ne partent pas. Notre ministre, pourtant adepte des forces tranquilles ou vives – selon les périodes et les slogans électoraux – resta quoi devant cette scène ? Il resta coi, c’est bien ce qu’on dit et il faut suivre…

Troisième mi-temps (celle qui plaît aux adeptes du ballon ovale et un peu avinés)

Ping Pong et Pong Ping ne donnèrent pas dans le sentimentalisme. Les Germaine 5 et 6 pleurant comme des veaux, l’abattoir ne fut pas loin, il se rapprocha, il s’exécuta. Avec les habituels Sig Sauer Mosquito débloqués pour l’occasion. On vous la joue brève, vous connaissez la chanson funèbre et, à force, cela pourrait se muer en bourdon et sa trajectoire ennuyante. Pong Ping et Ping Pong trainèrent les cadavres hors de la Pièce de Programmation Finale (note : penser, là, à rajouter les majuscules au chapitre 37, cela se la pète plus, avec).

Dans la Pièce de Programmation Finale donc (plus de gueule, hein ?), Bill Slate commuta ce qu’il devait, la mine grave.

– Je crois qu’il est temps de passer aux choses sérieuses…

– Je trouve aussi, ironisa Brigitte, ça ronronne depuis un moment, on trouve le temps long. Pas vrai, chéri ?

– Oui, cela fait au moins deux minutes que personne n’a été massacré, releva Gérard. La vie, parfois, devient d’une telle banalité.

Bill Slate ne tint pas compte des sarcasmes, pianota et des écrans témoins, gigantesques, s’illuminèrent dans la Pièce de Programmation Finale (pas à dire, ça le fait !).

– Je vous présente le Premier Ordinateur Quantique Opérationnel…

– Enchanté, répondirent en cœur Brigitte et Gérard.

– Pour ne rien vous cacher, Magnificent Killer est un paravent qui dissimule nos vraies recherches.

– C’est là que l’on dit dire : «Ah oui ! Mon dieu, mais lesquelles ?», répliqua Brigitte.

– Le temps, celui qui en physique quantique n’a plus de passé, de présent ou de futur. Il devient une équation dont on cherche à prédire l’improbabilité.

– Rien compris, persifla Gérard. En clair, ça donne quoi ?

– Cela donne ça…

Bill Slate appuya sur la touche «Enter». Et…

Temps zéro (on appelle ça, parfois, «Reboot» ou, en numérotation interne – 38).

 A l’Ouest du salon, il y avait quelqu’un de nouveau : Gérard. Pour l’écrire net, il se sentait de tous les points cardinaux tellement il était bourré. Droit comme un I majuscule, le verre de rouge brandi au-dessus de sa tête tel un glaive vengeur, il porta le toast qui tue.

– Mes amis ! Trinquons à la vasectomie et aux oreillons !

Des rires – clairsemés et interrogateurs – répondirent à son ivre injonction.

Certains voyaient où il voulait en venir et redoutaient la suite.

(à suivre)

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