LE COUP DE LA PANNE Les clones, ce n’est plus ce que c’était. On prend des décennies à les créer et après, ils n’est font qu’à leurs têtes. En plus, on se demande parfois si ils sont sous garantie. Parce que, dans ce chapitre… Récit de Ludovic Dabray et/ou Joël Cerutti.
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Un arrière-train peut en cacher bien d’autres.
Dans la salle de commande et de contrôle, l’atmosphère était lourde, comme dans une grotte. Brigitte avait les mains moites, Gérard avait les pieds poites… et après les mauvais traitements opérés par Brigitte sur son intimité, Bill avait les aumônières coites pour un certain temps ! Tiens, c’est moins marrant avec « aumônières ». Enfin, dans ce coin-là, ce qui n’était pas « coites » était « boîtes »…
Nous comptons sur les doigts d’une seule main les acteurs de cette tragédie contemporaine. Et la suite des opérations ne semble faire aucun doute.
Le trio Brigitte-Gérard-Bill possède six mains, mais pas d’arme ! En face, les deux Germaine, la 5 et la 6, se la jouent à quatre mains (des émules !), mais elles tiennent de pied ferme leur Mosquito. Vous pensez que ce ne sont jamais que quelques bouts de métal soigneusement assemblés et vous avez raison. Cet engin, joliment présenté dans la vitrine d’un armurier n’est pas vraiment dangereux pour ses contemporains.
Bon, déjà, quand on y place les projectiles nécessaires, la chose devient moins amène. Disons qu’à bout portant, bien utilisé, ça vous perfore un être humain de part en part sur un air de Gainsbourg.
« Des trous d’première classe »…
Brigitte s’enhardit à prendre la parole :
– Bon, Slate, on fait quoi pour désarmer vos deux folles ?
– On ne peut pas faire grand-chose. Elles sont programmées pour vous tuer ! C’est une question de secondes.
– Je ne comprends pas pourquoi elles ne bougent plus. C’est assez effrayant !
– Oui, normalement, elles devraient déjà vous avoir occis.
– Pourvu que ça dure ! tenta de plaisanter Gérard.
Le silence revint, bercé par les bruits des ventilateurs qui servaient les rafraîchissements aux nombreux ordinateurs qui peuplaient la salle. De temps à autre, un petit jingle annonçait la mise en route d’une application ou la fin de sa mission.
Plus rien ne se passait. Les deux Germaine étaient là, figées, impassibles, leur arme braquée sur le trio, alternant les cibles, Gérard puis Brigitte. Brigitte puis Gérard.
– En sommes vous ne risquez rien, vous Slate ? interrogea Gérard.
– Pour ma vie non. Au pire, je vais recevoir un peu de vos hémoglobines sur mes vêtements, mais après mon séjour dans votre campagne, je pense qu’ils sont déjà bien entamés !
– Je préférerais qu’elles tirent, ajouta Brigitte. Au moins, ce chapitre serait un peu plus vivant… si j’ose dire !
– Il ne faut pas qu’elles vous abattent ! s’émut Bill Slate. J’ai besoin de vous, moi ! Si je vous perds, je suis ruiné !
– Ben alors, faites quelque chose !
– Je n’ai plus le contrôle sur les Germaines. Je vous ai dit qu’elles étaient en mode sécurité !
Toujours pas le moindre appui fatal sur les gâchettes des Mosquitos.
En joue, Gérard puis Brigitte. Brigitte puis Gérard. Mais rien ne se passait.
– Vous avez une idée de la suite des événements, Slate ? Notre trépas est prévu à quelle heure ? Je n’ai pas que ça à faire moi, s’impatienta Brigitte.
– Vous devriez déjà être morts depuis longtemps. Je ne comprends plus rien.
Derrière les deux Germaines, le long du mur, était alignée une imposante armoire en imitation bois. C’est là que Bill entreposait ses plans, ses scénarios, ses disques durs de sauvegarde. Lentement, doucement, délicatement, une porte s’ouvrit. Elle fit apparaître les sœurs Ping et Pong, toutes de noir vêtues. Un smoking pour filles, très classe.
Ping Pong et Pong Ping s’approchèrent silencieusement par l’arrière des deux Germaines. Leur déplacement se faisait sur coussin d’air. Pas un bruit.
Parvenues derrière les deux tueuses, elles les contournèrent calmement. Se portèrent à hauteur de leur dextre. Et sans que les deux Germaine esquissent le moindre geste, elles subtilisèrent les Mosquitos.
Germaine 5 et Germaine 6 se mirent à pleurer comme des madeleines. Gros bouillons et chaudes larmes ! Comme si une dépression venant du plus profond d’elles-mêmes provoquait sur leur système lacrymal des courants humides. Désespoir.
Une des deux Asiatiques s’adressa à Slate (comme c’était la première à parler, c’était forcément Ping Pong) :
– Vous êtes vraiment une andouille de premier ordre Slate. Pas capable de concevoir un logiciel qui fonctionne !
– Je vous en prie, bourvilisa Slate !
– Vous n’avez pas compris ce qui se passait ? s’étonna Pong Ping.
– Euh, non, dut avouer Slate !
– Vos deux Germaines, là, elles avaient la même mission !
– Et alors !
– Ben, c’est comme ma sœur et moi, nous communiquons par Bluetooth.
– Oui, ça je sais, c’est moi qui vous aie fabriquées !
– Eh bien, les deux Germaine ne parvenaient pas à se décider laquelle allait abattre Brigitte ou Gérard.
– Résultat : boucle infinie dont elles étaient incapables de sortir. Vous auriez pu rester ainsi jusqu’à la fin des temps, conclut Pong Ping !
– C’est vrai que vous êtes réellement un demeuré Slate, s’énerva Brigitte. Je me demande ce qui me retient de vous balancer une rafale de Mosquito dans les joyeuses !
– Vous ne pouvez pas, interrompit Ping Pong !
– Et pourquoi pas ?
– Parce que nous avions mis leurs armes hors service par télécommande !
(à suivre…)