JOYEUX CLONES Lorsqu’on duplique une folle furieuse, les copies se révèlent à la hauteur de l’original. Un chapitre original, lui, qui tire sur tout ce qui bouge. Surtout des pigeons. Lettres ou mail de protestations à Joël Cerutti et/ou Ludovic Dabray.
37.
Les clones portent-elles des nez rouges tout en conduisant bourrées?
Plop !
Plop ! Plop ! Et re Plop !
La scène tenait du surréalisme carnassier.
Assises sur le banc d’un square, deux jumelles blondes exécutaient pigeon sur pigeon. Plutôt que de leur lancer des bouts de pain sec (acte nutritif interdit par la loi), elles leur tiraient des balles dans la tête, le buste, les ailes (acte qui devrait aussi être prohibé par certains articles du Code Pénal).
Devant le duo, les cadavres de plumes s’accumulaient, certains encore tout tressautants. Les allumées semblaient se lancer des défis à celle qui en refroidirait le plus. Elles maniaient des armes avec silencieux dans un coin reculé. Jusqu’alors, personne n’avait porté attention au massacre des petits zoziaux.
Personne sauf Monsieur et Madame Saint-Pierre.
Le couple errait, l’esprit vide, bras dessus bras dessous, dans ce parc, pas loin de leur hôtel. Il ne voulait pas quitter la cité sans des résultats plus probants. Ils en débattaient pour trouver une nouvelle stratégie.
Puis, il y avait eu la série de «plops». L’instinct leur disait de s’éloigner fissa. Ils avaient tenté un volte-face, un demi-tour. Raté.
Une troisième blonde, le portrait glavioté (craché, nous semble trop convenu) des génocidaires, se tenait face à Monsieur et Madame Saint-Pierre. Elle aussi équipée d’un Sig Sauer Mosquito. Un semi-automatique chambré en 22.long rifle, chargeur dix coups avec modérateur de son.
– LES FILLES, hurla-t-elle pour attirer l’attention du tandem sur le banc, vous pouvez arrêter de tuer le temps et les pigeons, je les ai !
– Attends, attends, elle me bat de trois et je ne peux pas laisser passer ça !
La numéro 3 haussa les sourcils avec une moue d’excuse envers Monsieur et Madame Saint-Pierre.
– Il faut les comprendre, ce sont des passionnées…
– Vous voulez quoi ? émit Monsieur Saint-Pierre, la voix étranglée.
– Favoriser une réunion de famille… Après, ça dépend de vous.
L’existence offre des opportunités uniques. Elles ne passent qu’une fois. Une seule. Si on ne les plaque pas au sol comme un rugbyman qui tente de marquer un essai, c’est râpé. Gérard saisit la chance d’engueuler un ministre en lui déniant le droit à toute majuscule. Cela se lit.
La frustration de se percevoir comme un pion futile sur un grand échiquier cynique explosèrent dans le pavillon auditif du ministre, déjà réputé sourdingue.
Devons-nous vous imposer ce monologue injurieux où l’ego du politicien fut concassé par Gérard? Nous ne cèderons pas à cette facilité.
Habitué de la communication en temps de crise, Gérard savait où taper, où toucher, où jeter de l’acide sur des plaies ouvertes. Cela pourrait, certes, enrichir votre vocabulaire, pourtant cela ralentirait la progression de notre intrigue parfois autant plombée que certains pigeons.
Un moment de silence opportun succéda au déversement de la benne ordurière…
– Je voulais parler avec Bill Slate, plaça le ministre, mais cela vous touche aussi.
Gérard perçut de la tension de moins en moins maîtrisée dans la voix de l’énarque politique.
– Accouchez !
– J’ai quelqu’un dans mon bureau dont je me passerais bien.
– C’est votre boulot de discuter avec les syndicalistes.
– Rien à voir. J’ai à côté de moi une siphonnée blonde. Elle me colle depuis deux minutes un canon sur la tempe!
– En quoi cela nous concerne?
– JE DOIS VOUS FAIRE UN DESSIN?
– Elle va vous buter ?
– OOUUUIIIIIIII…
– Vous savez ce que c’est. On cède à n’importe quel caprice et c’est l’engrenage. On ne négocie pas avec les terroristes. Soyez ferme, le peuple vous en sera reconnaissant.
Gérard interrompit la communication, coupa l’appel sans aucun dilemme moral (ce qui, compte tenu de quelques événements précédents, apparaît psychologiquement se tenir)… Avait-il signé un arrêt de mort ? Cela le laissait aussi froid que le marbre d’un tombeau.
– Finalement, cela n’avait pas l’air important. Il vous appelle souvent pour des conneries, le ministre ?
Question pour Slate.
– Tout le temps.
Le ministre se demandait s’il avait bien entendu ce qu’il venait d’ouïr. Un vassal pas propre, qui l’envoie sur les roses sans enlever les épines ? Vous imaginez l’outrecuidance.
– Cela donne quoi ? lui demanda la Germaine 4 de ce chapitre.
– Il n’en a rien à fiche, vous vous rendez compte?
– Je m’en rends compte. Et j’en ai moi aussi rien à fiche.
Germaine ouvrit le feu.
L’antre de Slate comprenait force sas et cellules avec mesures complexes de sécurité. Cela se déverrouillait avec des empreintes, des rétines, de la voix, de la salive, son smartphone et même quelques pas de danse.
On ne roulait pas dans la farine les codes qui empêchaient d’entrer comme dans un moulin dans le cénacle des jeux vidéos génération haut de gamme. Bien préservés, les secrets de Magnificent Killer, sur lequel Bill Slate laissait filtrer les rumeurs les plus déjantées. Bien au-dessous de la réalité… comme vous pouvez le constater depuis quelques pages.
Dernière porte franchie, welcome dans le cénacle Bill Slate, la pièce de programmation finale.
Brigitte, Gérard et Slate entrèrent. Germaine 5 et 6 pointèrent leurs Sig Sauer Mosquito sur eux.
– C’était le moment !
– On a failli attendre !
(à suivre)