GEORGETTE FOREVER Mais dans quel monde vivons-nous si les marmottes ne sont pas ce qu’elles devraient être? Dans TRAPPES, la bestiole montagnarde cache bien son jeu. Des révélations de Joël Cerutti et/ou Ludovic Dabray.
33.
Des apparences si trompeuses et une réalité qui l’est encore plus. Allez vous y retrouver!
Est-ce que «Georgette» tirerait la gueule si on la surnommait la Canada Dry des marmottes? Une question – surprenante au premier abord – et qui soulève passablement d’interrogations.
Une marmotte, ça boude?
L’auteur entre-t-il dans une crise d’anthropomorphisme? Ce qui pose encore d’autres pistes de réflexions – trop – ce qui nous amène à nous recentrer sur «Georgette» et son apparence. Vous connaissez la chanson sur les façades si trompeuses. Quoi de plus traîtres? Vous vous laissez berner par une réalité qui n’en est pas une.
Un premier exemple.
Vous voyez un gars qui se balade avec un sac qui porte un logo, celui de, mettons Carrefour. Du coup, vous partez sur une conclusion erronée. Vous CROYEZ que ses courses ont été effectuées dans cette grande surface. Alors que la carte bleue du bonhomme a chauffé chez Intermarché… Ne jamais tirer des conclusions hâtives (nous signalons aux éventuels sponsors qu’il s’agit de marques indicatives, que les auteurs frisent la faillite personnelle, et que n’importe quel geste commercial serait le bienvenu et pourrait déterminer le changement de ces enseignes. La création n’empêche en aucune façon la vénalité).
Un autre cas.
Votre voisin, la quarantaine, serviable presque jusqu’à l’obséquiosité, bien peigné chaque matin, la chemine impeccable et nickel. Lorsque les menottes se sont refermées sur ses poignets, vous avez dit aux flics : «Un si gentil garçon, propre sur lui, jamais je n’aurais pensé qu’il avait découpé sa mère à la tronçonneuse pour la ranger dans le congélateur et dans des sachets numérotés. Jamais ! C’était quel modèle de tronçonneuse, que je le mettre au cœur du roman, les rédacteurs, sont ouverts à n’importe quel placement… Pardon ? Oui, je m’égare. Revenons au voisin, aux sacs à commissions, au logo, à «Georgette », particulièrement à «Georgette» dont il faut se méfier. Vachement.»
Car «Georgette» a l’apparence d’une marmotte, le comportement d’une marmotte, le sifflement d’une marmotte, mais ce n’est pas une marmotte. Depuis «Georgette», ce ne sont plus les marmottes qui font les héroïnes (c’était juste pour ajouter même si cela n’apporte rien…).
Observons deux papillons et surtout «Georgette».
D’abord, «Georgette» ne s’appelle pas ainsi. Dans le laboratoire qu’il l’a assemblée, elle porte le nom de MQ63-SGR67. Il s’agit d’un drone furtif de sol à longue autonomie. Des plaques de bakélite, des assortiments de résistance, des circuits imprimés étaient le fruit béni de ses entrailles reprogrammables à distance.
En prose simple et technique, «Georgette» scannait. De près, un spécialiste en marmottes aurait dénoté quelques anomalies. Les poils brillaient trop. L’expert en robotique, qui avait conçu et programmé «Georgette», y avait inclus des mini capteurs solaires. Ils alimentaient des batteries. «Georgette» remplissait ainsi, depuis des mois, sa mission. Filmer, retransmettre. Toute chose pourrait avoir une fin, non ? Mais nous ne sommes pas encore au bout des 5000 signes réglementaires de ce chapitre.
Ce soir-là, MQ63-SGR67 passa à la phase deux. Recevant l’impulsion à distance, elle quitta son poste d’observation. Elle descendit vers la cabane, sorte de «Petite maison dans la prairie» version Heidi à 1300 mètres d’altitude où la montagne est tellement jolie (mais plus pour longtemps). A fond de train, rapide, silencieuse, «Georgette» se glissa dans le bûcher attenant. Son moteur cessa de ronronner, MQ63-SGR67 émit son signal, les yeux devenus rouge.
La suite, rapide et destructrice, vous la voyez sans doute venir. Mais pas, semble-t-il, Brigitte et Gérard. Devenue borne émettrice d’appât, «Georgette» s’attira les faveurs d’un missile sol-sol balistique Shahab 45 (portée entre 1000 et 3000 kilomètres, possibilité de leasing à l’achat, garanti 3 ans et service d’entretien après la livraison, matériaux à empreinte carbone respectant l’environnement). Après… Le destin de «Georgette» prit fin au moment de l’impact. Le missile ne laissa plus rien qu’un trou béant au milieu de ce qui avait été une clairière.
Un long silence frisé régna alors sur les alpages.
Rompu par un ballet de pales et un bruit de rotor au-dessus d’un hélicoptère Sikorsky – GT 89. D’où un humain à la verticalité contrariée (de petite taille-NDLR) sorti. Seul. Bill Slate s’approcha du point d’impact. Silencieux. Il voulut proférer, émettre une sentence définitive. La réplique qui mouche. Comme :
– Avec moi, la fuite ne sert à rien.
Ou :
– Elle vous plaît, cette façon de vous envoyer en l’air ?
Ou :
– Game over, petits enfoirés…
Il n’en fut rien.
A peine s’arrêta-t-il devant les restes fumants et carbonisés qu’il remarqua une trappe. Au sol. Juste en dessous de ce qui était la cabane. Puis il capta, trop tard, un bruit derrière lui. Il reçut un puissant coup de crosse dans la nuque, se retrouva à genoux.
Une voix, celle de Gérard.
– Tu crois qu’on ne t’attendait pas, connard ?
Retourné, soulevé du sol, il huma l’haleine de Brigitte qui grinça entre ses dents, les yeux dans les yeux:
– Et qui c’est qui l’a dans le cul ?
Pertinemment, Slate releva que Brigitte n’était pas plus enceinte que lui…
(à suivre)