LES JOURS DE LA MARMOTTE   En 7e semaine, faisons connaissance avec « Georgette », une marmotte qui réserve quelques surprises aux héros de TRAPPES. Aucun signe de fatigue chez Joël Cerutti et/ou Ludovic Dabray. Chacun continue à défier l’autre au fil des chapitres.

31.

Des considération autour du chocolat et du papier d’alu…

Autre lieu, même instant.

Une marmotte – que l’on pourrait baptiser «Georgette», même si certains signes pouvaient indiquer une appartenance au genre masculin – émergea. Durant son hibernation, les rondeurs et les kilos s’étaient mués en souvenirs. «Georgette», toute sèche des poils et des os, avait la dalle. Une faim gargantuesque qui lui aurait fait dévorer tout le parterre de la Chapelle Sixtine. Juste pour prendre une image. «Georgette» se dressa sur ses pattes arrière, siffla un bon coup. La marmotte flattait le paysage montagneux qui l’entourait de ses rétines. Elle trouva qu’il était beau.

QG du Service de la Protection Intérieure du Territoire. Moment identique et simultané.

Brigitte, juste un infime millième de seconde, paniqua.

Il y avait de quoi lorsque votre mari ressuscitait – même pas le troisième jour – et sortait de ses gonds. Vu sa mine plombée par la contrariété, il semblait même vouloir utiliser son arsenal à des fins belliqueuses. Mais oui ! Soit métamorphoser Brigitte et Gérard en passoire dans un futur assez proche. Un plan de carrière immédiat assez sommaire, nous vous l’accordons.

Si cela vous arrive un jour, comment réagir ?

Nadine de Rothschild, dans «Gérer son harem pour les Nuls» (édition destinée au marché du Moyen-Orient) recommande, en page 65, le dialogue constructif. Une argumentation du style : « Mon corps n’est pas mon âme sœur… Je fais l’amour avec 56 autres compagnes mais une seule a vraiment sa place dans mon cœur.»

Le livre, considéré comme un monument d’humour involontaire, se vendait fort bien. Il égayait les soirées dans bien des émirats, les monarques se tapant sur les cuisses à chaque citation… Doutons que «Gérer son harem pour les Nuls» puisse être d’une utilité quelconque à Brigitte. D’autant qu’elle se montrait plutôt sceptique sur l’approche constructive avec Olivier Vaucresson.

Celui-ci s’ingéniant à la mettre dans sa ligne de mire.

– OH ! STOP ! Mais je rêve, là !? cria Brigitte

Temps d’arrêt chez Olivier, un zeste de surprise paralysant son index sur la détente.

– C’est le gars qui m’a trompée je ne sais combien de fois qui vient me jouer le grand acte du Cocu Ulcéré !?

– Je…

– Et un autre point de détail…

– Quand on joue au Rambo d’Opérette, on contrôle des choses…

– ?

– Lever le cran de sécurité de ton arme, connard !!!!

Quoi de plus merveilleux pour un écrivain, lorsque, du dialogue, on passe à l’action ?

La parole puis le geste. L’insulte suivie du coup de poing dans la gueule. Ce que se prit Olivier, s’étalant, la mâchoire presque de guingois, sur la moquette.

Gérard entra en action. Il déversa ce qui restait d’abricotine et de champagne sur le matelas. Il se rappelait que, incitant au romantisme, Ping Pong ou Pong Ping avaient même mis des bougies sur la table de nuit de leur chambre nuptiale. Qui dit cire répond allumettes. Sur quoi Gérard mis la main, des envies de souffre plein la tête, il bouta le feu.

Brigitte achevait son époux à coup de pieds dans le ventre.

– On se tire ? dit-elle, les cheveux en bataille.

– Oh oui ! Et plus question, ensuite, de combats, de poursuites, de Ninja en wingsuits, on disparaît dans la Nature…

– J’en rêve !

Sur fond d’incendie, d’alarmes, de gens qui détalaient de leurs bureaux, de déflagrations (comme dans les James Bond où 007 éternue et le repaire du Méchant explose dans les trois secondes qui suivent), Brigitte et Gérard quittèrent la partie. Plantant là Bill Slates et ses niveaux à la con pour ados dégénérés. Ils embarquèrent dans un véhicule banalisé. Plus personne du Service de la Protection Intérieure du Territoire n’entendit parler d’eux.

SIX MOIS PLUS TARD

La cabane en rondins, isolée à des altitudes indécentes pour des citadins, se la jouait discrète. Légèrement en retrait d’une clairière, elle se fondait dans la forêt de conifères. Gérard, plus barbu que lors des lignes précédentes, maniait la hache comme un pro.

Au début, on évite de vous expliquer les ampoules, les coups lamentables qui égratignaient la bûche plutôt que de la fendre.

A présent, il tranchait avec assurance. Le geste sûr, économique, la force maîtrisée. Brigitte gardait une prudente distance de sécurité. Depuis quelques jours, elle avait arrêté la hache. Elle adorait, elle aussi, donner de la cognée. Cela purgeait son corps des tensions, vidait son esprit.

Assise sur un banc, devant la cabane, elle absorbait le soleil couchant de tous ses pores. Elle se gavait d’énergie. Purifiée des délires de Bill Slate, elle reprenait les rennes de SA destinée. A elle, rien qu’à elle. Plus de parasite manipulateur. Du moment qu’on se déconnecte, l’écran reste vide, non ? Gérard passa devant elle, se dirigeant vers le bûcher avec ses branches sectionnées. Sous peu, il allait devoir alimenter le feu. Il ne pouvait s’empêcher d’admirer Brigitte. La retraite lui allait si bien… et ses rondeurs aussi. Là, sous cette lumière, son ventre qui s’arrondissait dégageait une folle poésie bucolique.

«Georgette», quelques centaines de mètres plus haut, espionnait le couple. La marmotte le trouva beau.

(à suivre)

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