CHAMPAGNE   Où l’on découvre que certain cocktail (abricotine/champagne) font revenir à la vie des maris trompés que l’on pensait mort. Comme quoi, dans TRAPPES, rien n’est certain! Une 6e semaine d’enfer se termine, assurée par Ludovic Dabray et/ou Joël Cerutti.

30.

Si j’utilise le code civil comme objet contondant dois-je craindre la jalousie du code pénal ?

Bill Slate avait laissé Brigitte et Gérard à leurs réflexions sans leur demander d’opérer un choix. Ping Pong et Pong Ping les avaient ramenés, tous les deux, dans le bureau du treizième étage, puis elles s’étaient retirées sans donner de consignes.

Gérard s’était abattu dans un fauteuil à roulettes qu’il torturait dans une gigue nerveuse.

Brigitte avait posé son splendide fessier sur le bord de la table.

Pour le moment, ils réfléchissaient chacun pour soi.

Chichounet ne se voyait pas passer tous ses vendredis soir devant Thalassa et embouquer sa bergère à jour et heure fixes.

Toutounette n’envisageait pas de se laisser aller à la tambouille quotidienne, elle détestait ça, cuisiner. Alors, tous les jours, pour un Chichounet retour de sa journée de travail, encore moins. Elle sortait d’en prendre de cette vie insipide, incolore et parfois inodore en compagne d’Olivier Vaucresson. L’expérience lui avait suffi.

Chichounet s’imaginait aux petits matins blêmes, empoigner son attaché-case et se rendre au bureau. Horaires fixes, tous les jours, le même train, dans les mêmes gares, avec les mêmes gens. La vie, depuis quelques jours, était évidemment plus risquée, mais tellement plus excitante.

Ils en étaient là dans leurs réflexions, unilatérales et silencieuses, quand la porte du local s’ouvrit laissant la place à Ping Pong (à moins que ce ne soit Pong Ping) porteuse d’un plateau surmonté de deux verres et de deux bouteilles. Pong Ping (oui, c’était peut-être Ping Pong, mais allez savoir) tenait la porte ouverte.

– C’est quoi, ça ? demanda Brigitte.

– C’est pour délier votre réflexion ! édicta Ping Pong, car c’était bien elle qui parlait la première, en général.

– Vous pouvez remporter ça, exigea Gérard.

– Vous n’êtes pas obligés de boire, nous voulons juste vous aider à prendre la bonne décision.

Un temps.

Brigitte posa la question qui lui brûlait les lèvres :

– Et c’est quoi, la bonne décision ?

– La vôtre ! abrégea Ping Pong.

Gérard et Brigitte se retrouvèrent en tête à tête avec le plateau garni à leur disposition.

– Dis donc, il a mis les moyens, le Slate. Du Champagne bio ! Il se moque de nous.

– Par contre, ça, c’est la porte ouverte à une prompte ivresse : de l’abricotine. L’avantage ici, c’est qu’il n’y a pas de balcon. Je ne risque pas de gerber sur les voitures garées en bas.

– Nous n’allons pas faire notre choix sous l’influence de l’alcool, quand même…

– Non, mais nous pourrions fêter ça au Champagne-abricotine. Parce que, bien entendu, nous allons prendre la même décision.

– C’est certain !

– Et nous savons déjà laquelle ?

– Bien sûr !

– Nous n’allons pas devenir Chichounet et Toutounette qui baisent après Thalassa !

– Jamais !

– Bon, emporte le plateau, on va visiter ton appartement !

– Tu as envie de…

– Et toi ?

– Terriblement !

– Alors…

– Nous n’avons pas le droit !

– Et alors, si on ne peut plus tricher, ça sert à quoi de jouer !

– Tu crois qu’il va nous laisser faire !

– J’en suis absolument certain ! Il nous l’interdit, mais ça l’excite.

– Et ça ne te pose pas problème, toi, de faire ça en sachant qu’on est vus !

– Aussi peu que de palper le fric de cette raclure de Slate. S’il y a du pognon à prendre, tout est bon ! Il veut de l’action, on va lui en donner !

– Je l’imagine derrière ses écrans en train de regarder la scène.

Les deux compères se rendirent dans l’appartement dédié à Brigitte. La chambre à coucher justifia son nom.

Une chambre à coucher, c’est laconique (en un mot !).

Que ceux qui détestent les descriptions graveleuses soient tranquilles, ce sera pour une autre fois.

Brigitte et Gérard firent dans le classique imaginatif : celui qui, depuis des siècles, assurait la permanence du genre humain, même qu’on ne peut pas dire que ce soit un triomphe total : le genre humain.

Le Champagne bio avait gardé sa vertu tandis que la bouteille d’abricotine était passée ad patres.

Une grande armoire vitrée d’origine suédoise longeait le mur, face aux fenêtres. Elle eut le don de permettre aux amants de profiter, eux aussi, de la vision de leurs ébats en matelascope.

Vint l’instant du plaisir mâle de Gérard. Brigitte avait déjà effectué le looping quelques fois. Dès que Gérard eut émis le dernier râle consécutif à son paroxysme sexuel, la porte de l’armoire coulissa sur ses rails.

Ping Pong et Pong Ping firent ainsi leur apparition.

Les deux petites jaunes applaudirent lentement et brièvement.

– Nous sommes heureux de savoir que vous avez pris la bonne décision.

– Bienvenue dans ce jeu !

– Je suis certaine que nous allons bien nous amuser.

– Et je suis chargée de vous remercier de la part de Monsieur Slate pour cette séquence.

– C’était simple, mais de bon aloi.

– Nous vous proposons de vous rhabiller.

– Vos aventures vont se poursuivre.

La porte de la chambre s’ouvrit violemment. C’est-à-dire qu’au lieu de pivoter autour de ses charnières, comme le ferait n’importe quelle porte bien élevée, elle se déchira par son milieu.

Dans l’encadrement de cette porte émiettée : Olivier Vaucresson apparut, armé comme un porte-avions U.S. en configuration de guerre !

(à suivre…)

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