GAME OVER   Si vous croyiez que TRAPPES tenait du jeu vidéo un peu cinglé, vous ne croyiez pas si bien dire… Un retournement de situation dont est coutumier notre duo Joël Cerutti et/ou Ludovic Dabray. 

27.

Si mon jeu est haïssable, que penser de la console?

Germaine Pranmwadoncq, RPIN (Requiescat Pas In Pace).

Germaine Pranmwadoncq réduite en puzzle Ravensburger.

Germaine Pranmwadoncq outragée, brisée, martyrisée, libérée (d’elle-même, surtout!) et qui, contrairement à Paris ne valait pas l’ombre d’une messe.

Son élévation de lambeaux achevée, aucune absolution. Merde bipède elle était, merde elle allait rester.

Brigitte et Gérard, confions-le, vivaient assez mal un nouveau tsunami de chairs qui s’abattait sur leurs habits. Difficile de s’habituer à ce type de décorations crachoté sur vos revers. Une légion d’horreur, ouais…

Brigitte, un bazooka fumant à ses pieds, demeurait figée, les bras collés le long du corps, les deux mains, paumes tournées vers la carcasse, des tripes serpentant sur le marbre.

Gérard, avec sa pochette, voulait maladroitement se débarrasser des limaces gluantes, roses, sanglantes qui bavaient sur son veston. Il déployait un zèle nerveux, presque frénétique. Les secondes dégoulinaient comme d’autres machins plus identifiables autour du couple.

Et pourquoi pas des minutes ? Autour d’eux, le temps était devenu cotonneux, palpable.

Un tendre moment post hémoglobine partagé…

Puis la porte du hall exhala le pschiiiitttttttt annonciateur d’une entrée humaine.

Enfin un bipède qui s’apparente à cette catégorie, dite «sapiens».

Ne jugeons pas encore sur le fond, la forme ne promettait rien de bien.

Ce qui frappait ? La chemise. Une immondice esthétique sur tissu qui représentait une plage (jaune pétard), des palmiers (vert explosif), une mer (bleu détonnant), un ciel (orange/rouge dynamite) et un couple d’amoureux (noirs, en ombres chinoises). L’habit, qui donnerait des cauchemars à une colonie d’Hawaïens, enrobait dans ses largeurs un presque gnome (allez, donnons-lui 1 m 50). La peau grasse, le cheveu filasse plus ou moins caché par un béret basque, «il» émettait des sons.

Brigitte et Gérard réglèrent leurs ouïes, un poil sifflantes après la surboum menée par Germaine Pranmwadoncq. Ils entendirent plus ou moins ce monologue…

– Ah ! La conne, la conne ! La conne ! moulinait-il en mettant le cap vers les Miraculés de l’Ascenseur. Non, mais vous imaginez qu’elle a failli me niquer mon second niveau de jeu !? Moi, bon prince, je mets un zeste de provocation misogyne pour que la Brigitte devienne fumasse. Oui, toi, ma beauté (il lui pinça la joue, affectueux) Je te peaufine ça, vous interdisant tout contact charnel, via les Ping Pong Sisters. Une belle cocotte minute, des vapeurs qui t’explosent le couvercle. La suite ? Une fuite facile avant d’avoir tout le Service de la Protection Intérieure du Territoire aux trousses. Vous voyez ? Le ressort classique qui paie toujours. Quelques poursuites en voiture, une ou deux bagarres, puis une cascade spectaculaire au sommet d’un building avec fuite en ULM et des commandos de yakuzas en wingsuits qui sautent depuis les toits. Comme je suis gentil, vous auriez même eu un peu de temps pour une nouvelle scène de pelotage. Cela plaît toujours aux gamers, les ados, ça bouillonne non-stop, pas vrai ?

– VOUS ETES QUI ?

Gérard n’en pouvant plus expulsait une question dont la réponse se trouve essaimée dans quelques chapitres précédents.

– Ah… Oh… Pardon, Slate, Bill Slate… Bref, la conne, elle décide comme toujours de foncer dans le tas. Je vous le jure, je lui avais donné des consignes. «Ecoute, Germaine, vous vous êtes faits canarder, toi et ton mortier, par un hélico. Pendant un moment, tu te tiens à carreau. Tu reviens d’ici quelques scènes, dans un bel effet de surprise !» Vous croyez qu’elle m’a écoutée ? De la sciure dans le cortex, cette cruche. Elle ne pouvait pas attendre, il fallait qu’elle vous dézingue tout de suite… Heureusement, on avait prévu un implant B de sécurité. On l’a freinée in extremis, la Germaine. Mais… Attendez ! Attendez !

Slate ramassa la capsule métallique. Celle qui avait émergé du tailleur de Brigitte lorsque Gérard avait tiré sur l’ourlet.

– Ah non, ça ne va pas, ça ! Si vous me bousillez le matériel, comment voulez-vous que l’on fasse du travail propre de motion capture ? Faites gaffe, quoi !

Piquée par essaim de guêpes, Brigitte sorti de sa transe, agrippa Bill Slate par le devant de sa chemise.

– Slate, Bill Slate. Mes gosses jouent à des jeux vidéos que tu as créés ! Tu t’es fait des milliards grâce à ça… Et nous, là-dedans ?

– Vous n’avez pas encore compris ? OK, vous n’êtes pas tout à fait dans le même mood que vos rejetons… Vous êtes mon prochain jeu, Magnificent Killer, c’est un titre de travail…

– On fait quoi ?

– Ooooh, faut tout vous expliquer ! Vous le jouez en VRAI. Ce n’est plus une raide simulation de studio, c’est de la réalité qui déchire. Du vécu live ! Dans les teasers pour la vente, ça va ravager grave ! Et puis le Premier Ministre est avec moi… Il est fan de mes autres jeux… Il m’apporte la logistique.

– Pardon ?

– Ouais, il s’est dit que c’était un bon moyen de se débarrasser du Service de la Protection Intérieure du Territoire. Il paraît qu’il sert à rien si ce n’est alourdir les budgets.

Brigitte se pencha, saisit avec assurance le bazooka de l’ex-Germaine.

 

(à suivre)

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