DESTRUCTION DE MASSE   Le mortier s’utilise de différentes façons. Dans la construction ou la destruction. A vous de lire l’option choisie dans ce volet 17 de « TRAPPES », roman où Joël Cerutti et/ou Ludovic Dabray se piègent au quotidien.

17.

On ne danse pas le tango avec de la nitro? Le kazatchok autour de dynamite, on peut?

Dans son oreillette – celle qui relie au Monde d’En Haut avec Plein de Gens Initiés qui savent – Grisoune apprit la nouvelle. Neutralisé, le Olivier Vaucresson. Enfin ! Des pralines distribuées quand, comme et où elles le devaient. Des trous, des petits trous pour éviter de devenir dingue. Grâce aux flingues empoignés et utilisés, mission accomplie. Out, Olivier. Grisoune se frotta les mains. Satisfait enfin des objectifs atteints, propres en ordre.

Quand on confie le mandat à des pros, en interne, la mission se mène à terme et sans bavures. Discrète. Pas avec tous les médias nationaux et internationaux qui stagnent devant une bijouterie, histoire de vampiriser le moindre morceau de cervelle éclatée. Ce qui arrive lorsqu’on engage une Intérimaire de la Crime, genre Germaine Pranmwadoncq. Une ravagée qui dézingue tout ce qui passe devant sa ligne de mire, par plaisir, sans réellement se soucier s’il s’agit des bonnes cibles.

Rien de plus barjot et zarbi qu’une Germaine Pranmwadoncq.

Du jour au lendemain, elle tournait casaque, butait ceux qui, la veille, lui remplissaient son compte en banque. Une gâche métier instable, on vous dit ! Autant danser le tango renversé avec une fiole de nitroglycérine. Donc… Olivier Vaucresson ad patres, il existait un avenir pour ses deux prisonniers. Même s’il doutait fortement que ce futur les rende hilares, heureux, épanouis.

– Monsieur Pierlot, balança-t-il pour relancer la conversation. Si nous parlions de l’évolution des choses ? Si vous deviez refaire votre vie, vous voudriez quoi ? Le formatage dont je parle y fait référence…

Brigitte darda des yeux violets pleins d’intensité sur son interlocuteur.

– Vous pourriez m’expliquer le concept de reformatage ? Je crains de deviner et je ne suis pas certaine que cela me plaise.

– Vous supputez que vous n’avez pas toujours été une Madame Vaucresson…

– Je commence à avoir de sérieux doutes.

– Voilà… Avant, agente active sur le terrain, volontaire pour des missions parfois suicidaires, vous étiez une des meilleures. J’ai été à vos côtés, j’en bande encore, sauf votre respect.

– Vous vous contenez et je fermerai les yeux. Ensuite ?

– Vous vous êtes portée volontaire pour tester le virus de Vérité Absolue. Ce qui a impacté sur votre stabilité mentale.

– Je balançais tout de mes missions et bien plus ! Dites-moi…

– Oui ?

– Ce que j’ai appris avant, genre combat rapproché, neutralisation de l’ennemi, je le garde programmé quelque part dans mes réflexes, mes gènes, mes réflexes ?

– Nous n’avons pas contrôlé cet aspect-là du…

Brigitte bondit et se mit méthodiquement et froidement à lui démolir la gueule. Avec une science consommée et un professionnalisme bluffant. Poings, doigts, pieds, dans la combattante tout est bon pour les coups de cochon. Une célérité effrayante. L’homme en costard devint un tas de tissus sanglant et gémissant. Brigitte n’en revenait pas. Cela était si facile, si prompt, si efficace… Dans ses vies antérieures, elle devait être le Top du Top Gun. D’un coup de savate dans le foie, elle acheva le sbire et partit prudemment dans les couloirs.

Avant de s’engager, elle broya objectifs et caméras aux alentours, sectionnant les câbles depuis les angles morts. Récupérer Gérard, partir, fuir. Cette cavale la mettait dans une drôle de joie. Quasi perverse.

Grisoune en rajoutait des couches dans la manipulation. Il percevait les failles de Gérard, s’y glissait avec la joie des pervers professionnels.

– Ne me dites pas, Gérard, que votre existence vous procure des joies intenses… Je vais vous permettre de réaliser ce dont rêvent beaucoup de gens. Remettre le compteur à zéro ! Et je sais que vous me sodomisez jusqu’à ma 853e génération, ce qui ne m’apporte aucun plaisir, je vous le dis tout net…

– Je suis déjà un zéro, selon divers calculs, ça peut simplifier…

Grisoune voulut porter une estocade, avec une voix suave, grave, la proposition que l’on ne peut refuser. Il fut contrarié. Un détail dans la peccadille. Un mur de la salle d’interrogatoire redevint poussière en une grande explosion biblique et apocalyptique.

Boum et pas qu’un peu !

Gérard, soulevé par le souffle de la déflagration, finit tout gris, dans un angle de la pièce. Avec des gravats autour de lui et deux oreilles qui sifflaient.

Un poème, le Service de la Protection Intérieure du Territoire… Germaine Pranmwadoncq les connaissait comme si elle l’avait accouché. Prévisible. Figé dans sa routine. Les locaux pour les interrogatoires ? Toujours les mêmes depuis dix ans. Une banalité administrative qui se voulait secrète et qui le rendait si banal. Germaine Pranmwadoncq avait réagi en conséquence, en fonction de ses nouveaux contrats «Eradiquer». Au mortier, elle avait réalisé une magnifique brèche dans l’immeuble. Une ouverture béante et fumante qui lui offrait un créneau espéré. Dans sa ligne de mire – Germaine maniait avec dextérité un HK G-3SG/1 – elle effectua la netteté sur ce qu’elle voyait. A savoir Gérard, poussiéreux, recroquevillé. Elle rejeta une mèche blonde en arrière et appuya sur la détente.

(à suivre)

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