QUESTIONS ET PAS DE REPONSES? Brigitte et Gérard passent sur le grill, c’est normal, la saison des barbecues se profile… La seconde semaine de TRAPPES se termine sur un rebondissement certain imaginé par Ludovic Dabray ou Joël Cerutti. Allez savoir… Oui, justement allez savoir!
10.
Ce n’est pas la première fois, mais ça risque de se reproduire.
Deux limousines attendaient : une blanche, une noire. Plaques gouvernementales, deux hommes assis à l’avant, une antenne sur le coffre, un gyrophare aimanté sur le toit, moteur tournant.
Brigitte fut enfournée sans ménagements sur la banquette arrière de la voiture blanche. Un des deux interpellants la propulsa sur l’autre partie du siège, s’assit à côté d’elle et ferma la porte.
Dans le véhicule noir, même topo pour Gérard, avec un peu moins d’aménité à son égard.
Ce cortège réduit aux acquêts hurla sa mise en route, sirènes puis chevaux. Les pneus crissèrent.
– Monsieur Pierlot, il me serait plaisant que vous cessiez de proférer des insanités à mon endroit. Votre cas est déjà suffisamment mal engagé sans que vous y ajoutiez le délit d’insultes à un agent de la force publique dans l’exercice de ses fonctions.
– Mais, enfin, je vais vous expliquer : je suis malade et…
– Je sais tout cela… je le sais parfaitement ! Mais je vous prie alors de penser à autre chose afin de ne pas m’être désagréable.
– Et à quoi voulez-vous que je pense quand je suis victime d’une arrestation arbitraire ? Si on ne peut plus discuter sur un banc avec une amie.
– Gardez votre salive pour plus tard. Je ne veux rien savoir. Je ne suis pas chargé de cette affaire. Vous vous expliquerez quand on vous le demandera. En attendant, essayez de rêver à des choses futiles. Tout ce que vous pourriez penser pourrait être retenu contre vous.
Brigitte était aussi en train de s’inquiéter des raisons de son arrestation.
– Je vous ai dit que vous le saviez parfaitement, alors ce n’est pas la peine de me poser des questions.
– Nous étions en train de papoter sur ce banc avec Gérard, c’est un ami de mon mari. Il est malade et…
– Votre mari est malade ?
– Mais non, vous le faites exprès ? L’ami de mon mari est malade. Et cet ami est l’homme avec qui je discutais et que vous avez également arrêté.
– Nous ne faisons qu’appliquer des ordres.
– Et vous les recevez de qui ?
– Vous verrez bien !
Lancés à vive allure, le duo limousinien ne tarda pas à arriver à destination. Un haut immeuble muré de vitres, aucun signe distinctif ne permettant de savoir quel service était abrité là. Les deux voitures passèrent à l’arrière du bâtiment après avoir franchi une barrière qui se leva à leur approche. Ensuite, un volet dévoila une rampe qui plongea les véhicules dans un garage souterrain.
Arrêt simultané à hauteur d’un bloc qui semblait contenir les ascenseurs. Brigitte et Gérard furent extirpés de leur banquette puis dirigés vers cet îlot bétonné. Les hommes qui surveillaient Brigitte choisirent Otis, Gérard fut propulsé à l’intérieur de Pifre.
Les étages défilèrent et se ressemblèrent, si ce n’est leur numéro qui diffèrait. C’est au treizième niveau au-dessus de zéro que se termina la gravitation.
Quelle ne fut pas la surprise pour les deux « arrêtés » de se retrouver dans la même pièce !
– Attendez ici ! fut la seule consigne qu’ils reçurent.
Il y avait dans cette pièce autant de sièges que de fesses, donc chacun choisit une chaise et les deux autres poursuivirent leur morne ennui.
Gérard était en train d’évoquer ses souvenirs de scoutisme, Brigitte pensait d’abord qu’il était devenu dingue, voulut lui en parler, mais se ravisa en comprenant qu’il s’agissait d’une tactique de son ex-futur-amant. En pratiquant de la sorte, Gérard échappa à l’écoute qui était certainement mise en place dans ce local. De plus, ce miroir était probablement sans teint et ce boîtier devait contenir une caméra. Profil bas pour tout le monde. Pas un mot, pas un geste, pas un regard.
« Les scouts, rassemblés près des tentes, pour saluer la fin du jour, les scouts laissent leur voix tremblante monter vers toi pleine d’amour… »
Ce fut sur un air de veillée au coin d’un feu de bois que s’entama cette attente. Brigitte imaginait déjà le moment où Gérard allait entonner « Stewball ».
La porte de la pièce s’ouvrit. Un nouveau type (était-il seulement policier ?) fit signe à Gérard de le suivre. Pierlot ne put qu’obtempérer. Long couloir qui mènait vers d’autres portes. Il n’y avait que ça ici, des ascenseurs, des couloirs et des portes. On dirait presque un immeuble de bureaux à l’abandon, si tout n’était pas parfaitement entretenu.
Ce fut l’huis au bout du couloir qui marqua la fin de la course. La porte fut ouverte. Gérard entra. Une pièce occupée par une table sobre ponctuée de deux chaises en vacances. Pierlot choisit la plus proche.
Il récita son acte de contrition : « Mon Dieu, je Te demande pardon pour mes péchés. Je regrette de T’avoir fait de la peine. Aide-moi, je ne veux plus recommencer. »
Brigitte trouvait le temps long et imaginait les explications qu’elle allait devoir servir à son mari pour justifier la durée de son absence. Olivier Vaucresson était déjà à la limite de la crise de jalousie. Ça n’allait rien arranger !
Une heure plus tard, Brigitte connut enfin le motif de son arrestation quand son vis-à-vis, dès le début de ce qui devait être un interrogatoire, lui déclara :
– Madame Brigitte Vaucresson, née Duclos, vous pouvez me dire ce que vous faites avec ce noir ?
(à suivre)