SENS DU POIL   Stéphane Rossini, président du Conseil national, viserait-il une autre présidence, celle du conseil d’administration d’Hôpital du valais? Jean-Claude Pont se pose la question en analysant un de ses articles, paru en novembre 2013 dans le Nouvelliste. Pour notre socialiste valaisan, il n’y avait pas lieu d’initier une commission d’enquête parlementaire (CEP) car elle comportait le danger de « dénigrer l’institution »!!!

Ce texte de Jean-Claude Pont donne un relief fascinant à un article de Stéphane Rossini, conseiller national socialiste qui, en novembre 2013, s’opposait à une commission d’enquête parlementaire (CEP) sur l’Hôpital du Valais. Depuis, CEP il y a eu et ses conclusions ne vont guère dans le sens des propos émis par notre politicien d’Aproz. Ce jeudi 30 avril, le Grand Conseil valaisan se penche d’ailleurs sur cette très délicate question.

Propos d’après-CEP. Profil d’un politicien visionnaire et prophétique : M. Stéphane Rossini

Confronté à une CEP encore improbable et dont on pouvait prévoir qu’elle dirait son fait à M. Maurice Tornay, M. Stéphane Rossini tentait d’endiguer ce flot délétère à son protégé par un article de la rubrique «L’invité», paru le 21 novembre 2013 au Nouvelliste. Un article intéressant. Comme l’arc-en-ciel décompose la lumière solaire en ses différentes couleurs, l’article de M. Rossini permet en effet une décomposition spectrale de sa pensée sur ce qu’il nomme «la surpolitisation de la santé», où l’on voit la plupart des harmoniques rayonner. Pour les mettre en évidence, le mieux est de procéder à sa lecture, ce que je fais ici par le biais d’un écorché.

Cela commence par un morceau de phrase qui en montre clairement l’intention : «Pourtant, au-delà des profilages politiques qui animent ce débat (…)» En clair, cette déclaration d’apparence anodine indique, rétablie dans son sens réel, que pour M. Rossini, la volonté de rétablir l’ordre dans l’Institution manifestée par le projet de CEP, ne serait qu’affaire de basse politique. L’avenir de la CEP, les résultats qu’on lit dans son rapport, suffisent à contredire la vision de l’enfant d’Aproz.

Comment, après toutes les batailles depuis 2010, après la COGEST, après le rapport Houben, une personne qui se prétend au fait des problèmes de la santé en Valais ose-t-elle une telle affirmation ?

Plus loin on lit : «Nous disposons d’une organisation performante, de soins accessibles à tous et de qualité.» Comment, après toutes les batailles depuis 2010, après la COGEST, après le rapport Houben, une personne qui se prétend au fait des problèmes de la santé en Valais ose-t-elle une telle affirmation ? Son dessein caché serait-il une lente préparation en vue de la présidence du conseil d’administration de l’Hôpital du Valais, après le départ de M. de Riedmatten. On se concilierait les bonnes grâces de la maison en flattant dans le sens du poil !

«Dans cette perspective, initier une commission d’enquête parlementaire comporte deux dangers majeurs : la politisation permanente du fonctionnement hospitalier ; le dénigrement de l’institution et la perte de confiance qui en découle, lit-on encore». Les prophéties qui concernent l’avenir sont délicates et le rapport de la CEP prend en défaut ce diable sur la muraille peint par M. Rossini. Nulle politisation permanente n’est visible dans l’après-CEP, aucun dénigrement, sinon un nettoyage et un ensemble de recommandations qui permettront à l’Institution de s’améliorer.

Notre visionnaire à la prophétie facile, nous dressera-t-il la liste de ces «médecins talentueux» qui ont quitté l’Hôpital suite à la CEP ?

Plus bas : «Par cette nouvelle salve, le Valais politique court le danger de voir des médecins talentueux quitter nos hôpitaux (…).» Le mot «salve» vaut le détour. Après des péripéties scabreuses, après des dénonciations à n’en plus finir – et dont la CEP confirmera point par point le bien-fondé – l’entreprise courageuse envisagée par le monde politique pour y voir clair peut-elle être qualifiée de «salve» par un leader politique valaisan, avec toutes les connotations négatives que renferme le mot. Et puis, notre visionnaire à la prophétie facile, nous dressera-t-il la liste de ces «médecins talentueux» qui ont quitté l’Hôpital suite à la CEP ?

A-t-on entendu la voix de M. Rossini, lorsqu’il s’agissait de défendre Savioz, les deux anesthésistes et tous les autres et la fermeture de trois salles d’opération durant tout l’été dernier ?

Et encore : «Le Valais de la Santé perdra de son attractivité», que l’on peut joindre au mot de la fin de l’article : «Sans quoi, l’issue sera fatale, une relégation en 3e ligue». Chaque mise au concours d’un poste voit des candidats s’inscrire et, jusqu’ici l’Hôpital du Valais n’a pas connu de problèmes de recrutement, même s’il s’est lamentablement et abusivement séparé de quelques-uns des meilleurs parmi les siens. Ces douloureux épisodes figurent précisément parmi ceux que la CEP a pu identifier et ainsi proposer des recommandations qui doivent mettre l’Institution à l’abri de tels inqualifiables dérapages. A-t-on entendu la voix de M. Rossini, lorsqu’il s’agissait de défendre Savioz, les deux anesthésistes et tous les autres et la fermeture de trois salles d’opération durant tout l’été dernier ?

Pour savourer la phrase suivante, tirée du même article de M. Rossini, il faut savoir qu’elle sort de la plume d’une personnalité qui se dit au fait des problèmes de la santé : «Visons des soins de grande qualité pour affronter la concurrence intercantonale et celle des cliniques privées.» A une heure où de tous côtés on vise à la collaboration et au partenariat, quand les finances sont à l’étiage, au moment où des sources de financement privées se proposent pour permettre l’amélioration de notre système de santé, vous avez un spécialiste de la santé qui vous parle d’affronter la concurrence des cliniques privées ! C’est là une vision partisane, étroite et bornée.

On peut penser qu’en s’opposant à la CEP, M. Rossini songeait à se ménager les bonnes grâces du PDC, pour son élection à venir au Conseil d’Etat.

On peut penser qu’en s’opposant à la CEP, M. Rossini songeait à se ménager les bonnes grâces du PDC, pour son élection à venir au Conseil d’Etat. Et, faisant ainsi d’une pierre deux coups, il retournerait à l’Orseran l’ascenseur qui lui avait apporté la présidence de la Commission extraparlementaire pour rédiger la Loi sur la Santé. Soit dit en passant, M. Rossini a également dans cette fonction agi en commensal du Conseiller d’Etat Maurice Tornay. N’a-t-il pas demandé à des fonctionnaires du département de ce dernier de rédiger le rapport final de cette Commission. Il a fallu la révolte de certains commissaires devant la partialité de cette version pour que fût exigé, et obtenu, un changement complet de comité de rédaction.

Des sous-entendus convenablement accommodés, à la manière d’un top chef de la cuisine politique, pourraient aussi être au service d’un appel du pied – je ne plaisante pas, c’est hélas trop sérieux – en vue de la présidence du Conseil d’administration au départ de Me de Riedmatten, comme je le laissais entendre plus haut. Que Dieu nous en préserve, cette Institution a déjà vécu tant de tourments !

Au demeurant, après le désastre Kleiber, faut-il encore une fois faire appel à une personnalité extérieure et encombrée de casseroles ?

Il y a aussi l’abomination de la désolation, comme disent les théologiens, que constituerait la venue au Conseil d’adminstration de M. Pierre-François Unger, qui nous offrirait un bis repetita placent du plus mauvais goût, en quelque sorte un «kleibérisme» revisité. Faut-il rappeler à son propos ce qu’écrivait Le Courrier, quotidien catholique genevois (5 octobre 2013) : «Pierre-François Unger, douze ans sans coup d’éclat.» Dans la suite, on pouvait lire : «Bilan. La gestion des Hôpitaux universitaires de Genève par le magistrat démocrate-chrétien fait l’objet de vives critiques.» Ce qui n’a pas réussi à Genève serait-il assez bon pour le Valais ? Au demeurant, après le désastre Kleiber, faut-il encore une fois faire appel à une personnalité extérieure et encombrée de casseroles ? A ce propos, Le Temps du 18 octobre 2013, écrivait : «Pierre-François Unger vit des dernières semaines mouvementées au gouvernement genevois. Après avoir été mis en cause pour sa gestion dans l’affaire Adeline, le magistrat en charge de l’Economie et de la Santé est à nouveau sous le feu des critiques.» La mauvaise image qu’il a laissée là-bas serait sûrement un lourd handicap pour lui dans ses contacts avec le monde hospitalier valaisan.

En termes feutrés, mais non ambigus, le Conseil d’Etat a formulé ses regrets de n’avoir pas été «plus attentif aux signaux des lanceurs d’alerte» (« Prise de position », 22 avril 2015, 11, p. 6). Aujourd’hui, il lui est loisible d’être attentif d’une manière anticipée aux lanceurs d’alerte. C’est là une bonne manière d’éviter de regretter plus tard, ce que l’on sait dès maintenant.

Jean-Claude Pont

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