RETOUR D’ASCENSEUR Grande bouffée de pierres ollaires, ce jeudi 9 octobre à Drône. Mireille Zagolin-Bourgeois, qui expose en Valais, rend visite à Claude Lonfat. Celui-ci, ce printemps, avait eu la surprise de découvrir ses sculptures. Elle a tenu à explorer les siennes, nées après des centaines d’heures de travail.
Rappel de vaccin pour votre mémoire… Quelques mois plus tôt, sans lui dire de quoi il en retournait, j’avais mis Claude Lonfat dans un train pour Nyon. Il connaissait la destination mais il ignorait qui il allait rencontrer. Et voilà Claude en contact avec l’artiste Mireille Zagolin-Bourgeois et ses sculptures, des nus féminins. (http://www.pjinvestigation.ch/fr/?p=372)
Ce jour-là, les courants émotionnels se sont révélés forts, intenses, avec des envies de retrouvailles. Car Claude, depuis qu’il a perdu la vue, réalise aussi des sculptures. L’une d’entre elles orne la couverture de son premier livre, « Soleil Noir ».
Son deuxième ouvrage – « Victoires » – porte le nom d’une autre réalisée taillée dans la pierre ollaire. Grâce à son expo au Moulin Semblanet, Mireille Zagolin-Bourgeois s’est retrouvée pour quelques jours en Valais. Impossible de ne pas organiser une seconde rencontre…
Les formes lisses et sensuelles incitent aux jeux de paumes, à l’exploration digitale et tactile.
Posées sur la table de la cuisine, les sculptures attendent la visite de Mireille. Rameutant toutes les personnes à qui il les avait offertes, Claude en a réuni cinq. Une première. Jamais elles ne se sont ainsi retrouvées réunies côte à côte. « Et ce sont mes préférées… », avoue-t-il. Chacune porte un nom: « Tendresse« , « Création », « Moi ». Chacune représente entre 400 et 600 heures de travail. Les mains de Mireille se mettent très vite « à sentir » les pierres. Les formes lisses et sensuelles incitent aux jeux de paumes, à l’exploration digitale et tactile. Du coeurs de ces rocs, des formes ont émergées de la gangue brute. « Je perçois des couples qui s’enlacent, des dauphins. Et tes veines donnent un mouvement d’enfer! », s’enthousiasme Mireille.
Je vais entrer avec ma tête DANS la pierre
Emu par ce tête à tête, Claude se réfugie d’abord derrière le bar de sa cuisine. Il a besoin de calmer son stress car, avec Mireille, nous avions 25 minutes d’avance sur le planning qu’il s’était fixé. Ce qui désarçonne les repères temporels que Claude s’était donné…
Il reste à distance. Comme pour laisser les coudées franches à Mireille et son rire communicatif. Il finit par s’approcher – ne serait-ce que pour la photo, mmmhhhh? – et livrer sa méthode de travail.
Cela ne sera pas figuratif, cela serait ridicule et il n’y aurait pas d’émotions…
Claude part d’un bloc de pierre ollaire brut qu’il va sculpter à sa façon, dégrossir, arrondir. « Je vais entrer avec ma tête DANS la pierre », explique-t-il. Sa lime révèle les formes à l’intérieur de la matière. « Cela ne sera pas figuratif, cela serait ridicule et il n’y aurait pas d’émotions… » Il y a essayé d’accélérer le processus créatif avec une meuleuse. Initiative abandonnée. « Je ne ressentais rien ».
Une lente cure d’amaigrissement où la pierre descend de 23 à 8 kilos.
Lorsque la masse a perdu du poids, Claude affine au papier de verre, passant d’un grain grossier à 80 et montant jusqu’à 2500! Une lente cure d’amaigrissement où la pierre descend de 23 à 8 kilos. Après, lorsqu’il juge le résultat abouti, il met son oeuvre au four puis la badigeonne ensuite de lait corporel. « Pour éviter qu’elle ne se ternisse »…
L’extérieur de la pierre, c’est ce que les gens voient de moi. L’intérieur, c’est ce que je suis vraiment.
Descente de la cuisine à l’atelier où l’on apprend que Claude possède ses instruments à deux, trois exemplaires, pour être toujours certain de mettre la main dessus. Il offre un jeu de limes à Mireille qui s’empresse de les essayer tout en demandant des explications. Sur la pierre « Moi » celle qui ne semble pas du tout travaillée. Et quand on la retourne, on découvre que l’intérieur est complètement évidé avec force courbes lisses et galeries apparentes. « Plusieurs fois dans ma vie, des événements m’ont fait remettre des choses en question. L’extérieur de la pierre, c’est ce que les gens voient de moi. L’intérieur, c’est ce que je suis vraiment… »
Joël Cerutti
PS: Et pour aller visiter ce que réalise Mireille Zagolin-Bourgeois: http://www.mireillezagolin.com/