INITIATION   L’un dessine et ne sait rien du vin. L’autre vendange et n’a jamais lu une BD. Ils étaient faits pour s’apprécier et s’engueuler. Une rencontre magnifiée dans «Les Ignorants» (Futuropolis).

L’idée des « Ignorants », le dessinateur Etienne Davodeau l’a vendue à ses éditeurs sur un simple «pitch» (et devant une bière !). « J’ai un ami vigneron, Richard Leroy. Il ne connaît rien à la BD et moi j’ignore tout de la vigne. On va faire une initiation croisée. » Futuropolis ne peut que se réjouir d’avoir dit oui, la BD dépasse les 50 000 exemplaires vendus et totalise quatre réimpressions!

Immersion totale

Dans les faits, en dix-neuf chapitres et 270 pages, deux univers cherchent à se comprendre. Etienne Davodeau paie de sa personne. Il taille la vigne – se fait remonter les bretelles – débroussaille, sulfate – mais en biodynamie – conduit un tracteur, vendange et j’en passe. De la confection des tonneaux au Salon de vins, de la visite d’un assistant de Parker à la haine du souffre, il s’immerge, Davodeau.

Tu pisses dans tes vignes, toi ? Bravo!

Oui, c’est comme ça qu’elles me reconnaissent !

Sur Richard Leroy, il ne cache rien : leurs rires, leurs  engueulades car le sieur a le caractère pas très décanté. Le vigneron n’a plus envie de s’emmerder avec les nuances, il dit ce qu’il pense. « Tu pisses dans tes vignes, toi ? Bravo », raille Davodeau.  « Oui, c’est comme ça qu’elles me reconnaissent ! », répond Leroy. Et il remplit sa part de contrat. Lire les BD, le soir, que Davodeau lui prête. S’il n’aime pas, il s’endort  dessus. Mieux, Leroy rencontre des auteurs de BD dont il vient de découvrir les planches. Il fréquente la maison d’édition qui publiera «Les Ignorants» (Futuropolis) comme les Festivals des BD.

Les envies finales

Les similitudes entre les deux mondes deviennent évidentes : l’importance du détail dans cet artisanat humain. La réussite des «Ignorants» tient dans la fluidité simple de la narration, du dessin au service de sa trame. Cette exploration, on la ressent presque physiquement. On referme le livre, on des envies de lecture, de dégustation, de rencontres. «Les Ignorants», je lui ai tourné autour depuis des semaines, appréciant l’objet en tant que tel, son épaisseur, sa reliure, le gramage du papier. J’ai craqué mais pas n’importe où,  chez «Des livres et moi », librairie reprise à Martigny  par toute une équipe avec Christophe Bonvin, plutôt actif dans le monde du vin. «Les Ignorants» ne pouvaient symboliquement que sortir de ces rayonnages-là !

Joël Cerutti

PS : On se les fait quand ces beaux films, ces BD, ces fictions dans nos vignes valaisannes? Bon Dieu, on va encore laisser longtemps nos ceps stériles ?!

BONUS:

Deux vidéos: une présente la BD et l’autre se concentre sur le vigneron Leroy:

Un article très complet avec une interview étoffée de Davodeau:

http://blog-picard.fr/bulles-picardes/non-classe/jaime-madresser-a-des-gens-qui-ne-pensent-pas-etre-concernes-par-la-bd/

Et pour le plaisir, la bande-annonce de « Sideways », film qui parle merveilleusement du Pinot Noir et qui aurait pu être tourné en Valais:

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