TIC TAC TIC TAC Pierre-André Milhit est un artiste qui compte. Le vendredi 17 avril, jour du vernissage de son dernier livre «1440 minutes» (Editions d’autre-part) , il a «125 000 choses à faire». Dont notre interview. On devait se voir à 13 h 30 précises, le voilà avec 20 minutes d’avance.
13 h 10 Pierre-André Milhit revient de la Librairie du Baobab (Martigny) où il vient de déposer 120 enveloppes, des lettres enjolivées par le comédien Jean-Luc Farquet. «Je leur ai apporté tout le carton…», trois ans de missives échangées bientôt exposées (le 1er mai) dans le cadre du Festival des Correspondances.
13 h 11
Il commande «quelque chose qui ressemble à du Coca» avec un verre.
13 h 11 et 15 secondes
Je le lance sur la genèse de son entreprise qui tient déjà dans trois classeurs, qui seront consultables, eux aussi, à la Librairie du Baobab (années 2012, 2013, 2014)
13 h 12
Pierre-André Milhit s’est imposé une obligation épistolaire depuis août 2012. Rédiger, chaque sept jours, tous les lundis, sa lettre à Jean-Luc. Une des multiples contraintes avec lesquelles Pierre-André Milhit adore jouer. Qu’attendre d’autre d’un adorateur de Georges Perec ? La rencontre avec Jean-Luc Farquet s’est d’ailleurs déroulée grâce à l’auteur de «La vie mode d’emploi». Sur scène, sous la direction d’Erika von Rosen, il joue «Interroger l’habituel» (2011) , mélange d’œuvres du dit Perec. (http://www.erikavonrosen.ch/)
Un spectacle qui pose des interrogations, de prime abord futiles, sur le banal essentiel de notre vie : «Comment je dors ?», «Qu’est-ce que je mange ?»… «Il y avait des vidéos où l’on posait ces mêmes questions à des gens dans la rue. Et les comédiens réagissaient par rapport à leurs réponses». Parmi eux, Jean-Luc Farquet.
13 h 15
«Je me suis aperçu qu’il s’agissait du fils de Raymond Farquet, un écrivain qui compte beaucoup pour moi. Un an après, je nourrissais le projet d’une écriture épistolaire. Mais à qui et pourquoi ? Jean-Luc s’est imposé. Il fallait que je lui écrive à propos de sa façon d’être sur scène. Il donne l’impression d’être tombé de la lune et de ne jouer que pour toi.» Jean-Luc, Pierre-André Milhit l’apprécie tout autant dans une autre pièce. «Il y jouait un croque-mort, profession que j’ai aussi exercée…». (Il me revient en mémoire que Pierre-André Milhit a fermé le cercueil de Mgr Lefèvre «et qu’il a serré les vis très fort.»)
Nul doute, les compères ont des choses à s’échanger. Même si l’un des deux ne le sait pas encore… «Donc, j’ai commencé ma lettre à Jean-Luc Farquet, fils de Raymond. Plus j’avançais, plus j’avais envie que ce ne soit pas la seule. Je lui donc annoncé que j’allais lui écrire tous les lundis et qu’il n’était pas obligé de me répondre.»
13 h 17
La réponse arrive quand même. Sous la forme d’une enveloppe «faite maison», toute petite, toute rouge. Avec rien dedans. Dès lors, la mécanique, le réflexe, le plaisir s’enclenchent. «C’est de l’art postal. Jean-Luc utilise toutes sortes de formats, de matériaux. Il peut récupérer des exercices scolaires réalisés par ses enfants. Les lettres sont plus belles les unes que les autres.»
Fin de 13 h 18, on bascule presque sur 13 h 19.
Une telle initiative a parfois posé problèmes à La Poste où il existe des normes administratives. «Jean-Luc est entré en bagarre à un guichet où on lui disait que l’enveloppe n’était pas conforme. Depuis, il les confie à une boîte aux lettres en mettant plus qu’assez de timbres dessus.» Les œuvres de Jean-Luc sont d’ailleurs connues, depuis, au centre de tri de La Poste à Sion, «où l’on ne se pose plus la question chez qui cela va».
13 h 20
Destinées à usage privé, comment réagit Jean-Luc à une publique exposition? «Auparavant, il était aux Beaux-Arts et il est devenu comédien pour se payer ses études. De prime abord, exposer ne l’intéresse pas. Lorsque je lui ai demandé la permission, il a dévié en touche avec finesse et élégance : «Ce sont TES enveloppes, tu en fais ce que tu veux…» De la lassitude après 36 mois d’envois? « C’est l’angoisse totale: ON NE PEUT PAS ARRETER! Il va falloir qu’un de nous deux meure… »
13 h 24
Nous voilà à 5 h 36 minutes du vernissage de son livre «1440 minutes», quelques centaines de mètres plus bas, à la Maison Supersaxo (Sion). Encore un concept que ne renierait pas Georges Perec… «J’ai aussi voulu interroger le quotidien. A chaque minute dans une journée, il se passe quelque chose. Si on n’est pas attentif, on ne s’en souvient pas. Parfois, c’est encore mieux…»
13 h 25
«J’ai mis dix-huit mois à l’écrire ce «1440 minutes ». Au début, je n’avais pas de méthode particulière. Puis, après, j’ai dû me faire un tableau Excell. Le résultat n’est pas chronologique. Les minutes se suivent mais elles ont été écrites en janvier, puis en août, puis en février… La minute prise en compte est celle où je commence le texte, six phrases à chaque fois. Lorsque je mettais le réveil à 2 heures du matin, j’avais surtout du mal à me lever. J’ai déjà un sommeil qui n’est pas terrible.»
13 h 33
«Lorsque j’ai fini « 1440 minutes », je l’ai proposé aux éditions d’autre part, à Pascal Rebetez. Il avait déjà publié mes deux premiers ouvrages et il trouvait le projet intéressant. Ce que je lui ai envoyé allait à l’encontre de certaines de ses règles : sortir de petits livres. Celui-là fait dans les 500 pages. Deux semaines après que je lui ai envoyé le manuscrit, il m’a dit : «Je veux le faire !» Pourquoi j’aime autant m’imposer des contraintes pour écrire ? Parce que, à l’intérieur, tout est permis ! »
13 h 35
«Et j’ai aussi passé l’âge de vouloir écrire LE roman qui veut révolutionner le monde !»
13 h 36
«Je dois regarder à l’intérieur de la bête pour la photo ? Mais tu es fou !!!!»
13 h 37
Regards sur le poignet gauche de Pierre-André Milhit. Il ne porte pas de montre…
Propos chronométrés et recueillis par Joël Cerutti
Dédicaces de «1440 minutes » à La Liseuse (Sion) le samedi 25 avril dès 16 heures.
Du 1er au 10 mai, exposition de la correspondance Farquet/Milhit avec enveloppes de Farquet et lettres de Milhit.
Samedi 2 mai en matinée, atelier d’écriture de correspondances : la lettre qui attend, (l’idée que nous avons tous une lettre qu’on a rêvé d’écrire, et bien. on la fait!) dès 9 h 30.
Lundi 4 mai à 17 h 00, Milhit écrit sa lettre hebdomadaire à Farquet en direct du Baobab.
2+ huit=….euh…je mets quoi, 10 ou dix? Bah, on verra bien si mon commentaire passe avec 10…
16.25, bientôt 26 et je pétouille…
Bon j’attends 16.26.
Voilà, ça y est! Joël, ta mise en scène est juste délicieuse! Et fidèle à Pierre-André Milhit à a démarche duquel j’adhère à fond!
Me donne envie de Milhiter …
Merci de m’avoir invitée (malgré toi?) à partager ces instants hors du temps…