PHOTOCHOPE (4) Françoise Jacquemettaz fait partie de ces femmes qui travaillent dans l’ombre et qui pourtant font le Valais. Ou plutôt devrait-on dire: « l’autre Valais », celui de l’ouverture et de la richesse multiculturelle. Voilà près de 30 ans que l’ayentôte se bat contre vents et marées populistes pour mener la fragile barque du Centre Suisses-Immigrés. Proposant projets d’intégration et permanence juridique, cette association aide les migrants dans leur quotidien, tâche ardue dans le contexte actuel de durcissement de l’asile et de défiance envers l’étranger. « Photochope », la rubrique de L’1Dex pour le bicentenaire a voulu connaître son point de vue sur le bouillasson valaisan 2.0. Rencontre en toute décontraction au Café du Nord, l’un des mythiques troquets de la rue du Grand-Pont à Sion:
Germain Clavien disait : « Autrefois les Valaisans gardaient leurs vaches, aujourd’hui ils gardent leurs immeubles. » Votre vision idéale de l’aménagement du territoire en Valais, c’est plutôt « Gotham City » ou « La petite Maison dans la prairie » ?
Ma vision de l’aménagement du territoire en Valais, si je devais choisir? Je n’opterais certainement pas pour « Gotham City ». Mais bon, la vision passéiste et gnan gnan de « La petite Maison dans la prairie » ne m’enchante pas vraiment non plus. Je pense tout de même qu’il aurait fallu préserver les paysages de certaines régions et ne pas les dénaturer avec des constructions monstrueuses qui ne cadrent nullement avec notre environnement rural et alpin. Pour moi, recréer une ville à la montagne, c’est faire tout faux. Et si cela correspond au goût de certains touristes fortunés (et corrompus?) qui veulent jouir du même confort, des mêmes privilèges que chez eux, n’oublions pas ceux qui viennent en Valais pour découvrir le vrai Valais, celui des sites enchanteurs, des fonds de vallées majestueux qui ont gardé leur authenticité, des Valaisans vrais avec leur sens de l’accueil et leur fierté.
En juin prochain, Sion accueillera la Gay Pride. Vous y verra-t-on danser sur un char ou jeter des cailloux sur ces brebis égarées?
Compte tenu de l’état de mes articulations et de leur refus de faire ce que je leur demande, je doute fort être en état de danser sur un char lors de la Gay Pride de juin prochain. Par contre, je serai présente lors de cette manifestation car je pense qu’il est utile de lutter contre l’homophobie ambiante et démontrer notre solidarité avec les personnes victimes d’actes discriminatoires. A cet égard, je félicite Mathias REYNARD pour son initiative parlementaire visant à étendre la norme antiraciste à la discrimination basée sur l’orientation sexuelle, initiative agréée par le Conseil national et en attente d’une prise de position du Conseil des Etats.
Le parlement valaisan compte environ 15% de femmes. Pour vous une gonzesse en politique, c’est un homme politique avec des seins ou une femme avec des couilles?
Pour moi, une femme qui s’engage en politique, c’est une femme qui est convaincue par les idées qu’elle défend et qui entend les défendre jusqu’au bout, qui ne fait pas preuve d’opportunisme même si cela lui coûte une place au Parlement valaisan ou au Conseil national. Il est donc inutile d’être un homme avec des seins ou une femme avec des c… Il s’agit tout simplement d’être soi-même, ce qui me semble être une qualité plutôt féminine.
Au-delà de la Raspille vivent des individus dont les mœurs et le langage échappent souvent à la compréhension des Bas-Valaisans. Quels liens entretenez-vous avec la partie supérieure (géographiquement) de notre canton?
Très peu de contacts avec les individus d’Outre-Raspille, mis à part ceux qui s’expriment également en français ce qui est le cas de nombre d’entre eux. Pas pour des questions de rejet mais parce que mes connaissances en langue allemande sont très approximatives, ce qui rend encore plus aléatoire ma compréhension du « Walliserdeutsch ». Les liens que j’entretiens avec le Haut-Valais, c’est les balades dans le Lötschental, dans la vallée de Conches, le village d’Albinen, celui de Fafleralp, le passage des cols de la Furka et du Grimsel… Il me semble retrouver là les vraies racines du Valais, les paysages sont encore authentiques.
Le Valais nage depuis quelque temps dans un bouillasson politico-médiatico-juridique. Aimeriez-vous que les médias valaisans vous informent sur ces affaires ou préférez-vous découvrir chaque semaine le lieu incroyable où se trouve le « cube 365 »?
Un peu lassée par le bouillasson politico-médiatico-juridique largement répercuté dans les médias valaisans. Si seulement cela pouvait faire bouger les choses, inciter à prendre des mesures contre les individus qui ternissent l’image du Valais. Il serait temps que les électeurs et électrices du canton se réveillent, demandent des comptes et portent leur voix sur des personnes qui désirent réellement un changement, qui œuvrent pour le bien-être des Valaisans, surtout pour les plus démunis, et non pour satisfaire un ego personnel.
Françoise Jacquemettaz (ici soulevant le couvercle du bouillasson…), n’est pas trop du genre à exiger des autres ce qu’elle ne fait pas elle-même. Quand elle souhaite aux Valaisans d’élire des politiques au service du bien commun et non de l’ego, elle dévoile son propre credo: l’engagement personnel sans faille pour les plus faibles. Étonnée de se voir considérée comme une « personnalité », Françoise ne réalise pas qu’elle doit être l’une des rares Valaisannes à travailler comme bénévole à 100% et à n’avoir pour vocation que celle d’améliorer un tant soit peu le destin des autres ! Puisse-t-elle faire des émules!
Le Centre Suisses-Immigrés a été fondé par un groupe de personnes soucieuses des droits des travailleurs immigrés, à la suite notamment de l’échec de l’initiative « être solidaires » en 1981. Une des priorités du CSI fût, dès le début, l’enseignement du français et la première permanente du centre fût Nicole Michel. Cette association peut être soutenue en devenant membre ou en faisant un don!
Merci au Café du Nord pour son accueil toujours familial et ses habitués toujours (d)étonnants!
Photos: Christian Miraillès
Propos recueillis par : Anne-Christine Willa et Christian Miraillès