EPURE Marc Aymon, version 2015, épure. Pour la sortie de son nouveau CD «D’une seule bouche », il commente des photos inédites réalisées durant l’enregistrement. Un album fort et des citations qui ne le sont pas moins.
De son sac en bandoullière, Marc Aymon sort un MacBook Air qui recèle force trésors auditifs. Voici quelques mois, il me met d’autorité un casque sur la tête et dévoile quelques titres de son futur dernier CD, «D’une seule bouche». Puis il détaille. Les coulisses. Sa démarche. Il irradie d’enthousiasme. Marc sent qu’il franchit une étape, confiant les commandes de cette œuvre à un autre pour se retrouver lui-même. Alors, devant ce café, au bistrot «Paulette & Co», je lui promets que PJI lui ouvrira un espace de liberté. Avec des photos, magnifiques, prises durant l’enregistrement «D’une seule bouche», à La Frette, par Olivier Lovey. Voyage vers Paris, fin juillet 2014. Commentaires exclusifs de Marc…
La Frette – Ce lieu qui nourrit
J’y suis arrivé en costard, classieux. On y a mangé sain, avec des produits régionaux et moi j’avais apporté du vin valaisan et de la viande séchée.
Un studio comme ça nourrit ta musique, ta foi en ce que tu fais, ta manière d’être. C’est une maison qui n’est pas aseptisée, avec un jardin, des oiseaux qu’on a d’ailleurs enregistrés sur le disque et un portail en fer forgé. A l’intérieur, on y trouve un juke-box, une collection d’anciens vinyles. Le lieu nous conditionnait et il a déteint sur la musique.
Cette image traduit, l’âme des lieux. Ses dorures, sa moquette, l’espace, les vieilles voitures ou les tondeuses abandonnées.
En plus de disques vinyles, il y avait beaucoup de livres autours de nous, sur tous les domaines. Au départ, je voulais aller enregistrer dans un monastère corse, puis je me suis retrouvé dans cette maison de maître du 19ème, avec ma chambre au deuxième étage et une immense baignoire.
Je dis souvent que je voyage pour aller voir les murs qui ne sont pas repeints. J’aime accélérer quand on me demande de ralentir. Et les gens vont le sentir. Continuer à faire des chansons avec quatre accords, comme me le demandaient certains producteurs français, je m’en fous. Ce qui est intéressant, c’est de faire exploser les schémas.
C’est mon côté chien fou et j’adore ça.
Vieux instruments et vraies gens
Pour l’enregistrement, il y avait de vieilles guitares des années 30, une vieille batterie Gretsch, des claviers analogiques et de vieux micros. De vrais instruments, de vraies gens, de vraies rencontres pour essayer de vivre des moments d’honnêteté.
Les territoires inconnus avec Alexandre
Là, nous sommes avec Alexandre Varlet à la fin de l’enregistrement, juste avant qu’il ne prenne un train pour rentrer en Bretagne où il habite. On avait prévu douze jours de travail, on a fini avec deux d’avance. Ce qui est bien pour moi car je m’ennuie hyper-facilement. Mon salut vient de lutter là-contre, d’entretenir l’excitation, la tension. Ne pas rester sur des choses acquises.
Alexandre Varlet, je l’ai rencontré grâce au photographe Yann Orhan (www.yannorhan.fr). J’étais à Paris où des producteurs me disaient «On va écrire pour toi » et je ne me retrouvais pas dans ces chansons toutes propres . Je ne cherchais pas à faire le titre qui passe à tout prix en radio. Je voulais aller dans le sens de belles chansons comme celles de Jean-Louis Murat qui posent des questions, qui se méritent plus, qui se découvrent comme le 11e titre d’un CD. Celui qu’on n’aime pas forcément à priori mais qu’on apprend à aimer. Je voulais aussi que quelqu’un écrive pour moi.
Je sortais d’un disque enregistré à Nashville après une traversée des Etats-Unis, sans argent, avec ma guitare sur le dos, et d’une série de 150 concerts, de la route, de la scène. Je n’avais pas eu le temps de composer et je n’en avais pas vraiment envie je crois. Alors j’ai délégué. Tout en restant cohérent par rapport à mes autres disques.
Yann Orhan m’a fait découvrir Alexandre Valet et j’ai été happé par son jeu de guitare. Il la fait sonner comme personne, de façon physique, animale. Je voyais que c’était un artiste intègre, sauvage, honnête. Que sa dureté pouvait me faire avancer en territoire inconnu. Je lui ai envoyé un mot avec mes disques. Plus tard, j’ai su qu’il avait dit à Yann : «Mais pourquoi tu m’envoies ce chanteur de variétés ?». Yann lui a répondu « Rencontre-le !».
J’ai demandé à le voir. Alexandre m’a répondu : «Tu prends le train…» On se retrouve face à face et, immédiatement, il y a des impulsions qui sont passées. Je savais que c’était avec lui que j’allais faire ce nouvel album.
Mon instinct est mon meilleur allié. J’étais devant quelqu’un qui ne me connaissais pas et qui posait un regard neuf sur moi. Alexandre ne m’a pas vampirisé. Il était une clé que je n’arrivais pas à trouver jusque là. En six jours, nous nous sommes retrouvés avec six chansons. On a laissé reposer, pour voir si on voulait continuer… Je suis par la suite retourné trois ou quatre fois en Bretagne. Alexandre s’est déplacé en Valais, ma région, d’où la chanson «Laisse dévaler». Il dégage une aura impressionnante. Il a l’amour des mots, des beaux objets, des paysages et des instruments. Lorsque nous avons eu nos douze chansons, il m’a dit: «Fais ce que tu veux !»
Alexandre n’a jamais réalisé d’autres disques que les siens. Il s’est retrouvé investi d’une certaine confiance, une première pour lui. Il a préparé l’équipe en leur faisant écouter des disques de référence durant deux jours de répétitions. Il m’a indiqué : «Tu es le patron, accepte ce rôle! ». Il a eu des choix très clairs, pensés, que j’assume et que je revendique.
Le disque des musiciens
Certains des musiciens se connaissaient déjà mais cela faisait cinq ans qu’ils n’avaient pas joué ensemble. Il y avait le plaisir et le rythme de cette joie.
Je leur demandais d’être des musiciens mais bien plus que ça.
Je leur demandais que ce soit aussi leur disque.
Mon rôle c’est d’être un rassembleur.
La capture d’un disque lumineux
Cela a été un enregistrement simple et sain. A l’image des chansons où il y a peu mais c’est juste. Je voulais un disque lumineux.
On a commencé par l’enregistrement d’ «Une seule bouche» sur un superbe matériel analogique. On l’a réalisé en live, sans click. Les musiciens se regardent et on y va. Ils te trouvent tout de suite «l’habit » qui te va. Pour eux, c’est une évidence.
Moi, je me trouvais un étage plus bas, dans ma bulle, pour enregistrer mes voix. Je suis concentré.
A chaque titre, il y a eu très peu de prises, trois ou quatre. On descendait à la régie, on écoutait, on voyait s’il y avait de l’émotion. On savait quand c’était bon si tout le monde était d’accord. Sinon, on réenregistrait !
L’ingénieur du son, Yann Arnaud, je le voulais car il fait partie des gens dont on reconnaît le travail dès les premières mesures. Son travail sait capter les émotions. Il fait des mixages très émotionnels. On aussi décidé de faire avec ce qu’il y avait, et s’il n’y avait pas on se débrouillait. Alexandre me sortait : «Là, on va t’inventer des cordes, on en a pas mais avec ce clavier ça va le faire. Et ça le faisait »…
En réalisant ce disque, je n’ai pas pensé à «mon» public, je n’ai pas vendu non plus un million d’albums ! Je ne me suis RIEN dit… On a juste fait notre job.
Sincère et simple
Tout nous pousse à en rajouter, toujours trouver le truc pour être le plus fort. Là on a pensé sincère et le plus simple possible. Cela vaut toute la pyrotechnie du monde.
Al coda..
Ce CD a une forte identité et les gens à qui je mets le casque sur les oreilles pour l’écouter ferment les yeux. Cela rejoint mon idée de faire une musique qui ne nous laisse pas faire autre chose que l’écouter.
Propos mis en scène par Joël Cerutti
Photos Olivier Lovey
Enregistré live du 20 au 25 juillet 2014 au studio La Frette à La Frette-sur-Seine par Yann Arnaud assisté de Arnaud Bequet et du 26 au 31 juillet 2014 au studio Melodium à Montreuil par Yann Arnaud assisté de Simon Garette.
Mixé par Yann Arnaud au studio Bidibul.
Masterisé par Chab à Translab.
Réalisé par Alexandre Varlet et Yann Arnaud
Musiciens
Marc Aymon : voix, choeurs
Alexandre Varlet : guitares acoustiques / électriques, piano, claviers, choeurs
Stéphane Reynaud : batterie, percussions
Fred Jimenez : basse
Alexis Anerilles : piano, synthés, B3
Thomas Semence : guitares électriques
Yann Arnaud : claviers, programmations
et les oiseaux de La Frette.
(si vous trouvez que le site de Marc ressemble beaucoup au nôtre, c’est normal! Il est tombé en amour de notre template et nous l’a piqué pour l’adapter à sa propre sauce. Et nous, depuis, avons mis en ligne la nouvelle version en novembre 2018…)
Sortie officielle du disque le 24 avril, vernissage les 23, 24 et 25 avril au Théâtre de Valère, Sion.
Réservations pour les 24 & 25 avril au Théâtre de Valère à Sion :
027 323 45 61 ou sur www.theatredevalere.ch
Des infos sur tout le monde: marc-aymon-bio-2012