PHOTOCHOPE (12) L’année 2015 aura été celle de la révélation pour la jeune actrice sédunoise Noémie Schmidt : à 25 ans, elle brille dans la série de Canal+ « Versailles », reçoit les louanges de la critique dans son rôle aux côtés de Claude Brasseur dans « L’étudiante et Monsieur Henri » et joue la fille de Dany Boon dans une comédie de Fred Cavayé nommée « Radin ». Loin de la sophistication du monde du cinéma, c’est en toute décontraction que Noémie Schmidt a non seulement offert à L’1Dex de magnifiques clichés dans les rues du Paris historique, mais elle nous livre également ici ses réflexions construites et fines sur des sujets aussi sensibles que l’écologie, l’homophobie, ou encore les médias-spectacles.
Maurice Chappaz disait : « Autrefois les Valaisans gardaient leurs vaches, aujourd’hui ils gardent leurs immeubles. » Votre vision idéale de l’aménagement du territoire en Valais, c’est plutôt «Gotham City» ou «La petite Maison dans la prairie» ?
J’aime trop la nature, et la nature valaisanne en particulier, pour ne pas dire qu’évidemment mon cœur se brise lorsque le vert pâturage et la cime alpine s’effacent derrière l’avidité et le mauvais goût humains. Mais je suis partie à Paris pour trouver l’agitation et le bitume, alors voyez c’est facile pour moi, je me suis aménagé le beurre et l’argent du beurre.
Je sais que c’est un sujet délicat dont la majorité des enjeux m’échappe mais qui me semble néanmoins très important, et je me réjouis que l’on s’en préoccupe en ce moment en Valais. J’ai l’espoir que l’on réussisse à se diriger de plus en plus dans le sens d’une conciliation entre respect de la nature et du paysage et nécessités économiques et sociales.
En juin dernier, Sion a accueilli la Pride. Vous y a-t-on vu danser sur un char ou jeter des cailloux sur ces brebis égarées?
La lutte contre l’homophobie tient une place très importante dans ma vie. Il est beaucoup plus difficile selon moi de combattre l’illusion que le fait d’être homosexuel n’est plus source de souffrance et d’exclusion et que l’homophobie a disparu, que de combattre directement la haine de la différence en soi. Pour moi, la Pride est une manifestation de joie et de solidarité, d’amour pour ce qui devrait être accepté depuis longtemps. Les problèmes que rencontrent les organisateurs prouvent bien que nous sommes encore loin du compte et me confortent dans ma résistance contre toute ségrégation, rejet et dans mon désir de soulager la souffrance que l’homosexualité et son acceptation causent encore chez beaucoup de gens, particulièrement en Valais. En juin 2015 à Sion, il n’y avait pas besoin de me chercher très loin, j’étais derrière le bar.
Le parlement valaisan compte environ 15% de femmes. Pour vous une gonzesse en politique, c’est un homme politique avec des seins ou une femme politique avec des couilles?
Je ne sais pas. Ma foi en la politique a pris un léger coup depuis que je vis en France. Je peux comprendre le découragement des femmes face à un monde si masculin. Je ne pense pas que j’aurais le courage, personnellement. Pourtant, il y a énormément de choses à faire. Combattre les clichés et l’illusion de l’égalité entre hommes et femmes est pour moi une priorité absolue. Non seulement parce que je suis une femme, mais aussi parce que je suis actrice et que le cinéma n’a rien à envier à la politique à ce niveau-là. J’ai une admiration sans bornes pour les femmes et les hommes qui s’engagent contre la misogynie et le machisme et pour les femmes qui œuvrent en politique. J’espère que ce curieux pourcentage évoluera. C’est un beau et difficile combat qui me semble loin d’être terminé.
Au-delà de la Raspille vivent des individus dont les mœurs et le langage échappent souvent à la compréhension des Bas-Valaisans. Quels liens entretenez-vous avec la partie supérieure (géographiquement) de notre canton?
Je chantais dans le Choeur des Collèges et nous avons chanté plusieurs fois à Brig. J’ai plusieurs amis qui ont sauté le pas et effectué des années scolaires à Brig ou à Viège. Ma mère voulait m’y envoyer quand j’étais au cycle et j’ai fermement résisté, je ne sais pas exactement pourquoi. Sinon, j’ai de beaux souvenirs de la semaine de Pâques à l’Hospice du Simplon et des ballades à peaux de phoque. Tout ce que je vous raconte est d’une banalité qui trahit bien le peu de liens que nous entretenons. J’imagine que c’est dommage, je vais essayer de prendre un cours de haut-valaisan une fois dans ma vie, ce serait déjà un début…
Le Valais nage depuis quelque temps dans un bouillasson politico-médiatico-juridique. Aimeriez-vous que les médias valaisans vous informent sur ces affaires ou préférez-vous découvrir chaque semaine le lieu incroyable où se trouve le cube 365?
J’ai vécu une année compliquée à Paris. La sur-information qui a suivi les deux attentats que la ville a subis en 2015 m’a passablement chamboulée, mais le manque d’information m’aurait fait tout aussi peur. C’est une question difficile. J’ai surtout l’impression que c’est plus sur la qualité et la pertinence de l’information que sur sa quantité qu’il faudrait œuvrer. Les médias ont bien sûr pour moi une part de responsabilité, mais c’est aussi une affaire de choix personnel que d’éteindre BFM TV et d’aller chercher les informations ailleurs que sur Wikipédia. Qui peut me dire exactement dans quel bouillasson le Valais nage?
Je me tiens doucement informée, ou manipulée, comme vous voudrez, de ce que je peux à distance, mais j’ai souvent l’impression que je n’entendrai de toute façon jamais ce qu’on ne veut pas que j’entende. J’ai la même sensation ici en France et j’essaie donc d’entretenir un équilibre délicat entre aveuglement délibéré pour me protéger du trop-plein d’images et du manque de pudeur qui règne en ce moment dans les médias et même parfois dans l’art, et tentatives de recherche d’informations vraies et pertinentes. A toutes fins utiles, je regarde régulièrement Izap4u, une source d’informations alternative et passionnante que je recommande.
Noémie Schmidt fait partie des 17 jeunes filles pré-sélectionnées pour la catégorie « Meilleur espoir féminin » aux César 2016. L’1Dex lui souhaite bonne chance pour la suite de son parcours artistique!
Merci au Café « Le Village », 25 rue Royale, Paris VIII, pour son accueil.
Textes : Anne-Christine Willa et Christian Miraillès
Photos : Christian Miraillès