REPOUM LE LOUP   Voici deux jours, PJI publiait la future et imaginaire déposition du braconnier qui a tiré sur la louve. Dans l’histoire de notre site, cette chronique « Coup de gueule » a fait exploser le compteur des lectures! Puis, elle a été publiée sur le site de l’1dex. Evidemment, manier la caricature, c’est risquer de ne pas être compris. Le second degré peut être pris au premier. C’est le cas avec quelques lecteurs, dont un qui nous accuse de « racisme ». On lui répond. Sérieusement.

Les commentaires, sur PJ Investigations, ne passent que si leurs rédacteurs s’inscrivent avec leurs vrais noms et prénoms. Du moment que l’auteur s’expose, il doit en être de même pour celui qui réagit. L’1dex possède une politique différente. Ce qui alimente parfois des débats riches et nourris où l’anonymat ouvre d’autres voies. Je le dis, à la fin de cet article, les attaques personnelles n’y manquent pas. Hier après-midi, le loup m’a valu ce mot, signé par « Raphaël ». D’habitude, je lis et j’oublie. Pour une fois, j’ai répondu… Si vous voulez vous remettre le papier de base en tête: http://www.pjinvestigation.ch/?p=8616

 

 

 

Très cher Raphaël,

D’emblée, je m’excuse de vous répondre. Parce que cela va tomber sur vous et que, dans votre message, se trouvent des valeurs et des notions auxquelles je suis sensible. D’un autre côté, ce que vous écrivez est exactement ce que vous me reprochez. Du racisme. Vous affichez une telle méconnaissance de ce que je suis et de ce qu’est ma profession, que je vais prendre un peu de temps. Autant mon billet était un acte de défoulement face à mes indignations, autant, là, je vais devenir un peu sérieux. Désolé, cela sera moins marrant.

1 – De l’importance d’aller à la version originale

La chronique qui vous est restée en travers de la gorge provient du site PJ Investigations que j’anime aux côté de Patrick Nordmann depuis plus de trois ans. Je le redis une nouvelle fois – j’ai déjà dû le faire avec un papier sur Donald Trump – elle est classée sous la rubrique « Humeurs ». Dans le jargon journalistique – et même autrement – cela signifie bien ce que cela signifie. Cela permet la subjectivité, l’outrance, la caricature volontaire. J’ai été élevé au biberon de Charlie Hebdo et, comme l’a plus que souvent répété Cavanna, son ange tutélaire, un bon coup de poing dans la gueule – du musclé qui ne donne pas dans la finesse – obtient parfois des résultats plus forts auprès des lecteurs qu’un article étayé.

Juste histoire de recentrer les choses, j’ai rédigé plus d’une dizaine d’articles ou enquêtes sur la question du loup. En donnant la parole à toutes les parties et les « arguments » que j’ai glissés dans ma chronique, je les ai entendus ! Sous une forme plus civilisée, mais ils ont une sacrée base dans la réalité vraie et profonde d’un certain Valais. J’ai utilisé à dessein le second degré et à fond. Je ne vais pas, à présent, me draper dans mon auréole de vierge effarouchée. Lorsque l’on donne dans ce genre, le danger que l’on prenne l’article au premier degré est plus que réel. A ce que je vois sur les réseaux sociaux, 95% des gens ont compris de quoi il en retournait. Vous vous situez dans les 5%.

2 – De la nécessité de savoir qui est qui

Je vous remercie, Raphaël, d’évoquer les goîtres et les crétins. Il s’agit de jolis stéréotypes dont je m’amuse dans le tome 2 de mon guide sur « Le Valais surprenant et (d)étonnant » publié aux éditions Slatkine et vendu pour la modique somme de 29 francs. J’y ai consacré deux ans de ma vie et plus de 500 pages à montrer que le Valais ne correspond pas aux clichés que beaucoup d’ignares véhiculent. Dans le tome 1, j’ai même un texte sur le loup de 1947 auquel je me permets de vous renvoyer. Et si vous aviez lu les deux préfaces de ces ouvrages, vous comprendriez à quel point j’adore ce pays et surtout combien je déteste qu’on l’enferme dans des schémas réducteurs. De par son histoire, le Valais affiche de riches singularités trop méconnues. Par contre, il peut arriver que mon canton me déçoive. Grandement. C’est ce qui se passe quand on presse une gâchette pour régler un problème. Ce n’est pas un acte digne du Valais que j’aime. Alors, je me donne la liberté de l’écrire. Sous une forme qui ne vous convient pas mais qui, au moins, vous a fait réagir.

3 – De l’urgence de sortir des clichés

Vous me reprochez d’utiliser des clichés dans le but d’être uniquement lu et de vendre. Vous avez dû faire rire une bonne partie des rédacteurs de l’1dex qui me connaissent et savent dans quelles conditions je travaille.

Déjà, en premier lieu, vous avez lu cette chronique sur un site gratuit qui vous permet, sans que l’on exige la moindre rétribution, de glisser vos commentaires.

Gardez cela en tête pour la suite.

Allons dans les coulisses de ma chronique sur le loup. Je l’ai rédigée mardi matin sur mon ordinateur portable (un Mac Book Air que j’ai payé 1080 francs). Son premier jet m’a pris dans les 45 minutes. Je l’ai laissé « reposer ». Dans l’après-midi, je l’ai retravaillé, j’ai rajouté certaines choses, enlevé d’autres, corrigé les fautes. Puis, je l’ai mis en ligne via un boîtier Salt qui me connecte sur internet (38 frs par mois). Je me suis glissé dans la partie « admin » de PJ Investigations qui me permet d’ajouter des articles. Le template de ce site – son aspect graphique – m’a coûté dans les 70 dollars. L’hébergement du site et le nom de domaine se règlent dans les 190 francs par an. Une fois l’article mis en page, avec ses référencements, ses mots-clés et autres aspects techniques, je me suis mis en quête d’une photo libre de droits. Je n’ai malheureusement pas la possibilité de donner du travail à un photographe professionnel, par contre, je n’entends pas « voler » le travail d’un confrère. Puis, la photographie choisie, j’ai enfin publié l’article. Cela ne se termine pas là. Ensuite on passe dans la partie «  Je fais circuler sur les réseaux sociaux ». Ce qui nécessite des manipulations sur Facebook, Twitter, Linkedin et autres Google+. Cette chronique du loup, soyons large, un média « normal », dans la presse papier, un rédacteur en chef me l’aurait payée dans les 300 francs. A présent, cher Raphaël, faites les additions, de ce que me coûte, à moi, une chronique que vous lisez à l’œil – dans tous les sens du terme – sur l’1dex (ou PJI- NDLR). Et vous dites que je le fais « pour vendre » !? Si je le fais, c’est parce que j’ai du plaisir à l’écrire, que j’ai une liberté rédactionnelle via le numérique. Je vous « vends » donc gratuitement mon bénévolat. C’est un choix mais il n’y a, derrière, aucun lien financier.

4 – Du lecteur qui déteste les sujets accrocheurs mais qui les lit quand même

J’ai aussi bien compris le double sens de votre « pour vendre et être lu ». Ce qui suggère que le journaliste que je suis opte pour des sujets bien putes histoire de crocher son lecteur. Allez sur PJ Investigations et regardez l’article qui précède la chronique du loup. Il parle d’un CD-livre de Christine Zufferey autour des catacombes à Paris (http://www.pjinvestigation.ch/?p=8586). Si j’appliquais ce que vous me reprochez, jamais je n’aurais consacré une seule ligne à cette artiste. Pourquoi ? En termes de « clics », un sujet culturel atteint un taux de lecture dix fois inférieur à celui du loup. Et pourtant, et vous pouvez parcourir les 647 articles de PJ Investigations, il y en a, des sujets culturels ! Ou d’autres que des médias plus « classiques » ne publieraient pas. J’espère que vous avez acheté l’excellent 1dex Mag où j’ai offert une enquête sur un cas de harcèlement en Valais, dossier que j’attends de voir repris depuis trois mois dans une presse plus « sérieuse ». Bref vous me réduisez à un stéréotype qui vous conforte dans vos idées reçues sur une profession que vous connaissez semble-t-il bien peu. A ce titre, vous faites preuve, vous, d’un certain racisme. Sans aucun doute involontaire. Mais racisme quand même contre le voisin journaliste que je suis. Pousser un coup de gueule contre un braconnier n’a rien de raciste. C’est juste lui faire savoir que je n’apprécie guère son geste et que je suis fatigué des torts que ce genre d’action causent à l’image du canton.

5 – Du passif qui pourrait devenir plus actif

Lorsque je signe mes papiers, je m’expose. Vous, Raphäel, mon avez uniquement un prénom. Ce qui déséquilibre la donne. Mais ce débat a déjà eu lieu sur l’1dex dans les grandes heures de Narcisse Praz, voire plus récemment avec des commentaires que j’ai pu lire en-dessous des articles d’Anne Darbellay ou d’Anne-Christine Willa. C’est dingue comme l’anonymat de certains facilite les attaques personnelles ! J’ignore qui vous êtes, ce que vous faites, votre profession sur laquelle je pourrais sortir autant de jugements à l’emporte-pièce que vous en avez à mon égard. Vous dites que je me fiche des conséquences autour de mes écrits. Ben non ! J’y réfléchis et si je ne le fais pas assez, par conviction, les retours de manivelle sont plutôt rudes (mais ça, je les explique dans l’1dex Mag qui trône sur votre table de nuit, je le sais !). On ne va pas se quitter en mauvais termes, je pense que, sur le fond, vous êtes un bon bougre. Je vais vous donner l’occasion de vous racheter. D’ici quelques semaines, vous verrez passer un crowdfunding autour d’alternaTiVe, (NDLR: et qui concernera aussi PJI…), un projet développé grâce à un ami et qui me tient très à cœur. Il s’agit d’un média citoyen, ouvert, porteur de solutions, curieux des autres. Je ne doute pas une seconde que vous y contribuerez !

Sans aucune rancune,

Joël CeRuTTi

(vous avez écrit faux mon nom dans votre commentaire. Je vous corrige, non pas par orgueil, mais parce qu’il est déplacé de me confondre un couturier richissime et vendeur de parfums)

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