PAUVRE REPOMPAGE   Fumio Sasaki a eu les honneurs de la presse dominicale. L’apôtre du minimalisme japonais trahit une certaine tendance, tout aussi ascétique, dans la variété des sujets. Un journalisme de paresse pratiqué sans âme au sein des grands groupes.

Voici une semaine, je ne te cache pas que mes chaussettes sont descendues telles des stukas sans ailes vers le parquet. Le Matin Dimanche dédiait un article à Fumio Sasaki, ce Japonais adepte du minimaliste, de « l’art de vivre sans rien ». Le Matin Dimanche… Le même journal qui publie, chaque mois, Encore !, magazine tendance giga bling bling, cet aspirateur pour annonceurs. Fumio Sasaki, ce 7 mai 2017, tu te demandes ce qu’il fiche là. Tu te doutes que, si cela s’imprime dans Le Matin Dimanche, c’est que cela a existé autre part AVANT. Facile à vérifier sur n’importe quel moteur de recherche.

La vie de notre Japonais dans les médias n’a rien de minimaliste.

Le vendredi 5 mai 2017 à 18 h 26, le français Libération en parle… Un jour plus tôt, Fumio Sasaki apparaît sur le site Positivr.fr. Un troisième recul dans le temps nous place le 23 avril 2017, chez le Marie-Claire version numérique et l’article porte la mention « Communiqué de presse ». Des traces figurent le 14 avril 2017 dans Le Figaro et Le Vif. L’épicentre du phénomène provient de la traduction anglaise du livre de Fumio Sasaki (« Goodbye, things »), le 11 avril 2017, une publication marquée avec force par le journal The Guardian. Le quotidien so british n’en était pas à son coup d’essai avec Fumio Sasaki. Le 20 juin 2016, aux côtés de l’agence Reuters, il délivrait le sobre message de notre Essentiel Nippon. Repris chez nous, le 23 juin 2016, par Le Temps et recyclé sur L’Illustré le 6 juillet 2016. En résumé, à chaque fois, on revient à une seule source – The Guardian – exploitée jusqu’à la moindre goutte par des collègues. Les plus honnêtes la citent, les autres la taisent. C’est souvent une spécialité du Matin Dimanche, ce mutisme…

Tu me vois venir?

Je n’en suis pas si certain!

Il faut que je t’ajoute certaines choses pour que ta vision s’élargisse. Au sein de Tamedia, il existe une forme de hiérarchie. Les prolétaires s’échinent au Matin semaine. J’y ai travaillé quelques années, je t’assure que nous rentabilisions notre salaire! A une période, je pondais entre un et deux articles par jour. Sans sortir de la rédaction, grâce à une excellente documentation fournie et quatre coups de téléphone, le sujet était dans la boîte et sous presse. Un journalisme de conserve, coupé des racines du terrain. Par contre, nos patrons plus ou moins vénérés présentaient les plumes du Matin Dimanche comme des « Top Gun ». Ces énarques du clavier nous montraient l’exemple d’un journalisme d’investigation, haut de gamme, signé par des gens d’expérience. Qu’observe-t-on en 2017 ? Que Le Matin Dimanche  travaille comme les manœuvres de la semaine, le haut de gamme adopte les méthodes du low cost! La dégringolade des lecteurs – 13000 en moins au dernier recensement –  atteste de cette déchéance. Il n’y a pas que l’exode vers le numérique qui l’explique. Les enquêtes du canard ne se mouillent guère, deviennent frileuses. Les plumes qui composent ce sommaire dominical roupillent sur un oreiller de paresse. Tu t’emmerdes devant un « produit » banalisé. L’acheteur n’a rien d’un abruti, il sent qu’on lui sert un journalisme minimaliste. Il agit alors comme Fumio Sasaki, il élimine ce superflu…

Joël Cerutti

PS : « Bon pour la tête, média indocile » démarre sa recherche de fonds ce samedi 13 mai 2017. Il s’agit de la meilleure réplique « artisanale » – ils sont quand même une bonne trentaine ! – aux ternes visions des grands groupes de presse. PJI, né sur internet un 11/12/13 lui souhaite le meilleur.

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