Lorsque tu remets la main sur ton vieil appareil photo que tu croyais disparu, ça cogite ! L’utiliser exigeait d’assumer tes responsabilités de réglages.
Dans mon tiny appartement, l’autre soir, je farfouille dans un gros carton noir d’archives. L’empoigner m’impose de grimper sur une chaise au défi de mon vertige, de lever les bras sans mettre en danger mon équilibre dorsal, de redescendre sans avoir de la poussière partout. Une vraie mission périlleuse !
J’ouvre le carton et apparaît un objet que je croyais sacrifié sur l’Autel du Tri des Déménagements : un Minox.
Cet appareil photo m’a accompagné durant mes années de chroniqueur télé au Nouvelliste. Sur les plateaux, dans les régies ou les coulisses, il captait discrètement les scènes. Je décidais en tant qu’humain l’ouverture de l’objectif puis la distance entre lui et mon sujet. Que dalle d’automatique. J’assumais si c’était flou, sous ou surexposé. J’étais responsabilisé dans ma sensibilité picturale (ça, c’est de la belle phrase !).
Il me reste des séquelles dans cette indépendance. Pour certaines choses, je préfère ME confier les commandes plutôt que de déléguer. Tu t’es, une fois, amusé à utiliser une application comme Plans ou Google Map et lui demander de te guider pour rentrer chez toi ? Tu compliques la donne en n’empruntant PAS l’itinéaire qu’il te conseille. Ce soir-là, l’application me hurlait encore de rebrousser chemin alors que je me garais devant mon logis…
Je m’accorde un compromis entre le tout manuel et la dépendance numérique. Je me fie une fois aux directives de Google Map, j’assimile le parcours puis, la fois suivante, je m’en remets à ma mémoire. Si je me plante (souvent !), j’aurai découvert des paysages inédits. Comme avec le Minox. Parfois, des photos « ratées » offraient des résultats inattendus, des décompositions de mouvements, des traces lumineuses. L’imprévisible, cela te sublime ton quotidien, moi je dis…
Joël Cerutti