L’ART DE LESER Comment l’Etat contourne ce que l’embête dans la Constitution fédérale? Il se retranche derrière le secret de fonction et fait lambiner le jugement pour arriver à la prescription. Un art consommé pratiqué à Genève et dans bien d’autres cantons. Sauf Lucerne. Un ultime chapitre qui marque la fin de la croisade des parcmètres.
– Le jour du jugement, se présentent six délégués du Département des finances du Canton de Genève, allant du fond au sommet de la hiérarchie, six personnes qui sont censées donner enfin au bon peuple, par le biais de ce Tribunal réuni en mon honneur, tous les détails concernant les encaissements annuels provenant des parcmètres, les frais d’entretien des parcmètres, les frais d’exploitation, les salaires des contractuels, bref les six détenteurs de la Vérité qui va enfin éclater.
Savez-vous ce qu’il en advint? Je vous le donne en six. Je vous le donne en mille!
Interdiction de parler
Premier comptable de l’Etat: pas la peine de jurer de dire la vérité, toute la vérité, puisque mes supérieurs hiérarchiques ne m’ont pas donné l’autorisation de levée du secret de fonction! Mais encore? Mais encore! C’est ainsi. La muselière! Deuxième témoin: même interdiction de levée du secret de fonction. Troisième témoin, même déposition dans le vide. Quatrième, cinquième, sixième témoin, même interdiction de levée du secret de fonction!
L’Etat, ennemi de l’homme, sauvait sa mise. En bafouant la Constitution fédérale. Hé, peuple de crétins, tu entends ça?
Dis, hé, peuple, tu fais quoi dans un cas pareil? Moi, j’ai hurlé au déni de justice. Quand je dis que j’ai hurlé, je vous jure que j’ai vraiment hurlé. N’est-ce pas, Monsieur le juge Pagan junior? N’est-ce pas que j’ai hurlé : «Mais, c’est un déni de justice ?».
L’Etat, ennemi de l’homme, sauvait sa mise. En bafouant la Constitution fédérale. Hé, peuple de crétins, tu entends ça?
Affaire classée
– Alors, il me reste l’autre argument, le dernier, sans grand espoir: le constat d’huissier établissant que les parcmètres sont en surnombre. Je m’y accroche. Que croyez-vous qu’il arriva?
Les jours passent. Les mois passent. Toujours pas de jugement. A croire qu’ils le couvent, mon dossier.
Eh bien, là, peuple idiot, tu vas avoir la surprise du jour! Cela t’intéresse de savoir comment s’y sont pris ces Messieurs de la Justice la mal nommée pour enterrer l’affaire des parcmètres ? Je te le donne en mille. Je te le donne en cent mille, peuple ignare et grégaire !
Les jours passent. Les mois passent. Toujours pas de jugement. A croire qu’ils le couvent, mon dossier. Je prends espoir. Seraient-ils en train de me donner raison? Et un «beau» jour — tu appelles ça un «beau» jour, toi? — voici le jugement : pour cause de prescription, l’affaire est classée ! Textuel. Tu veux le voir, ce jugement, hé, peuple imbécile?
Je le tiens à ta disposition.
Fonctionnaires parasiteux
Ainsi donc, l’Etat, l’ennemi public No. 1, a trouvé ces deux «astuces» dignes de la finesse incomparable de ses fonctionnaires parasiteux:
– primo: interdire aux comptable de l’Etat de dévoiler les comptes (pourtant réputés publics 100%) des parcmètres;
Et maintenant, que celui ose dire qu’en Suisse c’est mieux qu’en Russie me jette le premier jeton de parcmètre à la tête!
– deuxio: laisser s’écouler les délais pour rendre l’affaire caduque, me faire «bénéficier» de la prescription mettre les frais à la charge de l’Etat (c’est trop de bonté, bande de fripouilles !) et me clouer le bec à propos de mon constat d’huissier qui m’a coûté mon demi-salaire d’un mois.
Et maintenant, que celui ose dire qu’en Suisse c’est mieux qu’en Russie me jette le premier jeton de parcmètre à la tête! Justice d’Etat, je te dis merde. Je Persiste et je signe.
Et voici ce que I’on pouvait lire dans la Tribune de Genève, quelques années après le fumeux procès des parcmètres:
Conclusion? Le lucernois qui a eu la chance de faire triompher le Droit a surtout eu celle de plaider sa cause devant un Tribunal honnête. Honnête parce que pas genevois. Car la Justice Genevoise est à l’équité ce que la guillotine est à l’angine.
Il y a donc deux justices : une à Genève et une autre ailleurs.
Apparemment, les juges de Lucerne n’ont pas admis que l’Etat musèle ses fonctionnaires et leur interdise la levée du secret de fonction. Il y a donc deux justices : une à Genève et une autre ailleurs. Il est de notoriété publique que les parcmètres de Genève sont une source importante de bénéfices pour l’Etat – ville. Bénéfice illégal. Donc racket.
Mais l’Etat de droit n’a-t-il pas tous les droits? Après s’être adjugé le monopole de la violence, il s’adjuge celui du racket. Et vous, gens de Fonction qui mangez au râtelier de l’Etat, vous êtes ses complices.
Plutôt bien nourris.
Ceci explique cela.
Narcisse Praz