DEBOIRES Dans le pamphlet « Les Hurluberlois », Narcisse Praz narre quelques déboires avec la justice. Pour cet été 2015, PJ Investigations en reprend la publication en épisodes pas piqués des vers. On repart donc avec les « Hurluberloufoques », sixième catégorie de rigolos en robes ou pas.
6. Les Hurluberloufoques
Justice et équité
Anecdotique. Mais significatif. Voici deux cas analogues mais où les rôles sont inversés: dans le premier cas, c’est le riche qui est le plaignant et le pauvre qui est l’accusé; dans le deuxième cas, c’est l’inverse. Anecdotique. Mais significatif.
Premier cas. Un ancien horloger et chef de fabrication dans une fabrique d’horlogerie genevoise, Jean-Pierre, fait du travail à domicile pour arrondir ses fins de mois, Il s’est spécialisé dans le marquage et le démarquage des cadrans de montres, car c’est un travail facile qu’il peut faire exécuter aussi par sa femme et ses enfants au besoin. En famille, en série. Les fabricants d’horlogerie ont coutume de marquer les montres selon les désirs des clients, selon les marchés auxquels elles sont destinées. Le client du Chili aura la marque A, celui de Singapour la marque Z. C’est le lot de toutes les fabriques qui n’ont pas réussi implanter leur propre marque, faute de réserves financières, à l’instar des marques mondialement connues.
Or, la crise horlogère venue, Jean-Pierre se retrouve au chômage. D’où la nécessité pour lui de se chercher une autre occupation. Dégoûté de l’horlogerie, il se lance dans une entreprise de nettoyage de bureaux et d’usines grâce à des procédés et des produits dont il a pris la représentation. Oui, mais voilà. Comme il est d’un naturel entreprenant, il ne tarde pas à porter ombrage à un concurrent !
Ils fouillent la maison: des oreillers aux secrets féminins de sa femme, du grenier au bureau, tout y passe.
Et pas n’importe quel concurrent, s’il vous plaît: un ponte d’un parti politique. Et là, ça ne traîne pas: notre Jean-Pierre reçoit un beau jour la visite improvisée (c’est le moins qu’on puisse dire) des flics. Ils fouillent la maison: des oreillers aux secrets féminins de sa femme, du grenier au bureau, tout y passe. Et Jean-Pierre n’a toujours pas compris ce qui se passe. Convoqué chez le juge d’instruction, il apprend qu’il fait l’objet d’une plainte pénale de la part d’un concurrent: le fameux ponte du grand parti genevois. Et pour quoi? Pour lui avoir, soutient l’accusateur, soustrait des adresses de clients et leur avoir fait des offres plus avantageuses que les siennes. Jean-Pierre se défend des ongles et du bec: c’est faux.
Dès lors, comment lutter contre celui qui l’a ruiné? Jean-Pierre ne sera pas poursuivi plus loin en justice, faute de preuves.
Le concurrent, déchaîné, écrit à tous ses clients pour leur signaler que Jean-Pierre est un homme malhonnête dont il faut se méfier. Il étend même sa «prospection» à tous les clients possibles pour Jean-Pierre. Autant dire que notre ex-horloger se retrouve en faillite, ayant investi ses économies dans l’achat de ses produits et engins spécialisés. La faillite. Ni plus, ni moins. Dès lors, comment lutter contre celui qui l’a ruiné? Jean-Pierre ne sera pas poursuivi plus loin en justice, faute de preuves.
Et pour cause il n’y en avait pas. Il a suffi que le Grand Monsieur dépose une plainte pour que celle-ci soit jugée plausible, donc acceptable. Et Jean-Pierre, au bord du suicide, a renoncé la lutte. Il ne s’en remettra pas.
Ce drôle de personnage s’avise, un beau jour, de s’emparer de mes archives et de les transférer chez lui, à Langnau
Deuxième cas. C’est le mien. J’ai centre moi mon successeur à la tête de ma chaîne de magasins de montres. Je suis en procès contre lui, vu qu’il ne me les a tout bêtement pas payés. Non content de me jouer ce coup tordu, spéculant sur mon incapacité à soutenir financièrement un long, très long procès qu’il s’ingénie à compliquer à l’infini et à perpétuité, ce drôle de personnage s’avise, un beau jour, de s’emparer de mes archives et de les transférer chez lui, à Langnau. Ni plus, ni moins. Entendez: mes archives privées et même intimes, mes archives de mon journal «La Pilule» et toutes les lettres confidentielles de mes ex-lecteurs, mes archives de sociétés etc. Tout y passe. Je dépose plainte pénale. Eh bien, le croirez-vous? Il m’aura fallu pas moins de cinq séances d’instruction chez la juge Salamin pour m’entendre dire, après l’ultime confrontation, textuellement :
– Je pense Monsieur Praz, que vous êtes parfaitement conscient du fait qu’il n’y a pas grand chose è attendre pour vous de cette procédure?
(à suivre…)