SOUS MANDAT D’ARRET Narcisse Praz ne goûte aucune forme d’autorités. Dans le pamphlet « Les Hurluberlois », l’anar nous raconte une de ses aventures avec la « justice » genevoise. Dont voici le second chapitre.
Mon 1er août
Ça n’arrive pas qu’aux autres !
Il est onze heures du matin. Je me sens tout alerte. Je suis à Haute-Nendaz, je plaisante avec des amis au sujet d’abeilles et de leur reine engraissée moins stupidement que la reine Juliana ou celle d’Angleterre, puisqu’elle joue un rôle, elle…
– Bonjour, Monsieur, nous vous cherchions justement.
Ah ? Bon ? C’est une interpellation du gendarme local. Dans ma tête : une contravention. Le feu rouge grillé à Lausanne. Je le lui dis.
– Non, non, c’est beaucoup plus grave.
– Ah ? Et qu’est-ce que j’ai fait ?
Je les ai suivis, car ils sont venus à deux, jusque dans leur bureau.
– Ce que vous avez fait ? Vous êtes signalé au Moniteur Suisse de Police. Voyez vous-même.
C’est vrai. Je suis là. Désigné en toutes lettres. Et sous mandat d’arrêt. Ni plus, ni moins.
Qui ? Mais qui diable a pu me faire ce coup-là ? L’administration Fédérale de l’Icha. Il n’y a qu’eux pour faire ce genre de blague. Ce sont mes ennemis de toujours. Je leur en ai trop fait voir tout au long de mon existence d’aventurier des affaires. Ils se vengent.
– Je peux téléphoner ?
Je peux. Il a l’air navré, mon avocat : surtout savoir ce qui peut se passer. Il peut se passer, ni plus, ni moins, que je sois mis en prison. A moins que l’on ne me libère sous caution ? Mais cela va prendre combien de jours ? Combien de semaines ?
Et soudain : mon rendez-vous téléphonique. La femme dont je suis amoureux, amoureux fou, amoureux comme seuls savent l’être les poètes, doit me téléphoner dans la nuit de jeudi à vendredi. Elle est très loin. C’est très important pour nous. Si elle ne parvient pas à me joindre, si elle tombe sur mon répondeur automatique en pleine nuit et n’obtient pas de réponse, que va-t-elle penser ? Imaginez. C’est important. C’est grave.
– On ne peut vraiment pas différer cette arrestation ?
– Impossible, Monsieur. Nous sommes obligés de vous interpeller.
Et il ajoute :
– On vous a déjà vu dimanche, mais on s’est dit…
Ils m’ont laissé mon dimanche. Mais alors ? Je puis au moins changer mon message enregistré sur mon répondeur automatique ? On peut s’arrêter à Beuson en passant ? Oui, on peut. Ouf. Je pourrai au moins expliquer brièvement à celle qui m’appellera, sans effrayer les autres correspondants téléphoniques, que j’ai dû m’absenter d’urgences pour une durée indéterminée. S’ils allaient me garder ?
Ils ont des comptes à régler avec moi, du côté de la police et de la Justice genevoise.
Vengeance. Ils ont des comptes à régler avec moi, du côté de la police et de la Justice genevoise dont j’ai été l’ennemi déclaré. Ils sont capables de me faire expier mes attaques dans mon journal libertaire et mes tracts incendiaires.
Le libertaire en cabane
Message enregistré. Les deux gendarmes m’autorisent à descendre à Sion dans ma voiture : en prévision du retour. Du retour quand ? Ils me suivent. A Sion, transbordement discret. Merci. Et en route pour le poste de police de la rue de Conthey. Accueil indifférent. Mon nom dit quelque chose à tout le monde, mais on feint de m’ignorer. Qu’y a-t-il derrière ces faces indifférentes ? Jubilation cachée ? Le libertaire en cabane ! L’auteur du poème intitulé «Flic» entre leurs griffes. Vont pouvoir s’amuser. Nenni. Ils font leur boulot. Et leur boulot, c’est de m’enfermer. Comble de l’humiliation, l’un des agentes est le fils d’un gars de mon village. Vont tout savoir, là-haut. Me voici dedans.
(à suivre)