SOLEIL NOIR Automne 2008, Claude Lonfat et Marie-José Auderset publient «Soleil Noir» (Editions Monographic). Alors journaliste au « Matin », je reçois les épreuves, rencontre Claude. Grâce à un jeu de circonstances, le destin de Claude hérite de la manchette, de la Une, et d’une double page à l’intérieur. Ce samedi matin-là, il prend plus de place que le Pape ou Nicolas Sarkozy! Claude en rigole toujours, bien des années plus tard.
Volée d’upercuts
Le grand public découvre le témoignage de Claude, un homme à qui le destin distribue une volée d’upercuts. En quinze ans, il perd successivement la vue, sa femme Jeanno et son fils Christophe. Ils sont frappés par une affection génétique rarissime : la maladie Danon qui s’attaque au cœur et au muscle. Son second fils, Xavier, en réchappe de justesse grâce à une transplantation… Son chien guide, Cajal, passe par une opération qui le rend borgne. Additionnez tout cela et demandez-vous comment vous auriez passé ce cap!
Une telle tragédie aurait pu donner un ouvrage larmoyant.
Une telle tragédie aurait pu donner un ouvrage larmoyant. Ce n’est pas le caractère de Claude Lonfat qui donne un sens au mot «résilience», même si ce terme l’agace un peu. Pas question de sortir les violons, sa vie et celle de Xavier continue !
Tsunami social
Depuis la sortie de «Soleil Noir», le quotidien de Claude Lonfat prend encore plus de sens. Dans la petite Suisse romande, l’ouvrage est devenu un best-seller : trois tirages, 5200 exemplaires vendus.
Aujourd’hui, les gens osent m’approcher.
Présents dans les Médiathèques sonores de Montréal, Paris, Bruxelles et Lausanne, le livre ne cesse d’être emprunté, écouté. La vie de Claude Lonfat a subi également un tsunami social. «Avant la sortie du livre, je n’avais pas étalé mes problèmes sur la place publique. J’étais un pestiféré. Aujourd’hui, les gens osent m’approcher.»
Lors des séances de dédicaces, ce sont surtout des femmes qui viennent lui parler, ce qui n’est de loin pas pour lui déplaire. Les maris, eux, restent quinze mètres en retrait, je n’exagère pas, je l’ai constaté!
On me dit avoir décidé de donner les organes d’un proche, décédé, grâce à mon livre.
Mais il y a aussi les téléphones, des celles et ceux qui disent avoir compris le message fort délivré par «Soleil Noir». «J’ai tout le temps des témoignages, on me dit avoir décidé de donner les organes d’un proche, décédé, grâce à mon livre.»
Dons en augmentation
D’ailleurs, depuis 2008, le pourcentage des dons a grimpé de 300%. Claude Lonfat aime à penser qu’il n’y est pas étranger. Bénévolement, plusieurs fois par an, il vient parler dans les écoles valaisannes. Le discours est adapté en fonction de la tranche d’âge… Mais les questions ne s’embarrassent d’aucun tabou. Durant le printemps 2012, quelques mois avant la sortie de son second ouvrage « Victoires », je l’ai suivi lors de ses rencontres avec des élèves valaisans… Derrière un humour cinglant perce très vite une sensibilité à fleur de peau.
25 avril 2012 – 10 h 15 – Classe d’élèves assistant-e-s en soins, école de Châteauneuf-Conthey.
Devant une quinzaine de personnes… En cinq minutes, Claude résume sa trajectoire de vie. Il a apporté une pierre ollaire qu’il a sculptée durant des centaines d’heures. Il montre la version en braille de «Soleil Noir», il offre les bonbons produits par la société «Swiss Transplant». «Je me fais l’effet d’être un vieux pervers qui distribue des sucreries à la sortie des écoles. A une différence, moi, je suis à l’intérieur !»
«C’est maintenant que je me sens mal à l’aise avec mon handicap d’aveugle. Avant, je n’avais pas le temps.»
«Non, je ne suis pas angoissé, durant la nuit, par mon destin. La nuit, j’y suis 24 heures sur 24…»
«La première personne qui est venue acheter «Soleil Noir» est l’ambulancier qui a conduit mon fils Xavier au CHUV pour qu’il soit transplanté du cœur.»
«Effectivement, on peut donner ses organes à tous les âges. Il y a quelqu’un qui l’a fait à 88 ans.»
« Mon côté caustique est une forme d’antibiotique. Dans mon quotidien, tout est dur. Enfin presque… J’ai quand même 54 ans. »
«Oui, j’adore les femmes. Mais j’utilise le leasing. Il n’y a pas d’avenir possible avec moi mais de petits moments de tendresse.»
«Si j’ai eu envie de me flinguer ? Jamais : je me suis toujours dit que cela devait s’arrêter un jour ou l’autre. Cela vaut la peine de lutter.»
« Ma maison est tout-à-fait normale… contrairement à moi. »
«Parfois, j’ai des téléphones de démarcheurs publicitaires. Ils demandent à parler avec ma femme. Je réponds qu’il n’y a pas de problème, ils peuvent aller au cimetière, 4e rangée, c’est là que se trouve sa tombe. Ils ne rappellent plus.»
16 mai 2012 – Dès 13 heures – Cours en plein air, Erde, sur les hauteurs de Conthey
Avec des enfants entre 4 et 8 ans. Olivier Flaction, accompagnateur en montagne, a préparé des postes où les très jeunes guides doivent faire découvrir la nature à Claude. Le toucher et l’ouïe sont à l’honneur. La balade dure un peu plus d’une heure. Claude la finit lessivé. Un chemin qu’il ne connait pas lui réclame une concentration absolue.
«Au début, c’est une toute petite fille qui m’a guidé. C’est une impression bizarre.»
«Aux alentours, on entend bien l’isolateur électrique.»
Olivier Flaction :
«Ici, c’est un poste où il faut se taire, ne plus bouger, écouter les bruits de la nature…»
Claude Lonfat :
«… Et les conneries de Claude!»
«T’es pas du groupe, c’est pas à toi de présenter!»
Cajal dans ses oeuvres, celui d’ambassadeur auprès des enfants.
Reconnaître un arbre en touchant son écorce, vous sauriez le faire, vous?
«Ils sont où les deux responsables ? C’est à votre tour d’aller aider !»
«Claude, comment tu gagnes ta vie?»
«Comment tu fais le courrier?»
«Comment tu fais les commissions?»
«Comment tu fais la cuisine?»
« Si j’étais voyant, je serais bordélique et mal organisé ! »
«C’est super-marrant comme les enfants évoluent dans la non-peur.»
20 juin 2012 – Dès 12 heures – Repas chez Claude à Drône
Toute la classe, rencontrée le 25 avril, se retrouve chez Claude. Une invitation qui tient presque lieu de tradition. Ce mercredi, certaines se confient, chantent, soutiennent une des leurs qui risque de rater ses examens pour quelques centièmes de points. La photo restitue une impression très calme, très sage… La réalité, été oblige, s’est révélée plus mouillée et aspergée. A gauche, un peu caché par la fontaine que Claude compare au nez de Pascal Couchepin, on aperçoit son fils Xavier.
28 juillet 2012 – 18 h 15 – Visite à Ernen
A deux maisons de celle où habite Claude se trouve son ami Jean-Claude Gabrel, un ingénieur du son qui a remporté un césar pour son travail sur le film « Farinelli ». Les compères effectuent parfois des sorties en tandem. Ce jour-là, on monte dans le Haut-Valais, à Ernen, ou Jean-Claude travaille au Festival de Musique Classique dans l’église du village.
Dans mes notes de 2008, je remets la main sur des citations que je n’avais pas utilisées dans mon article du « Matin » et qui collent à certaines images. prises à Ernen.
«Ne jamais aller vers le bas, toujours vers le haut! Je n’ai jamais baissé la tête, jamais baissé les bras.»
«Ce qui me rendrait plus fort c’est de récupérer ma vue et de garder tout ce que j’ai acquis dans ma vie de mal-voyant.»
Novembre 2012 – Sortie de « Victoire »
« Victoires », écrit conjointement avec Pierrot Métrailler, a grandi lors du printemps 2012. Le journaliste valaisan exilé au Québec envoie les diverses versions par fichiers audios. En septembre, le contrat avec les Editions à La Carte se signe pour une sortie officielle début novembre… Quelques semaines plus tard, Pierrot Métrailler revient en Suisse pour quelques séances de dédicaces communes… Ambiances…
Le troisième ouvrage, qui part sur d’autres bases, se prépare en ce moment avec Claude. Vous en trouverez des extraits sur ce site… Je n’en dis pas plus….
Joël Cerutti
PS: Une première version de ce reportage-photos a été publiée sur mon blog… qui a, depuis, disparu. Mon hébergeur, jux, ayant décidé de déposer son bilan. J’ai récupéré textes et photos, tout retravaillé, pour les remettre sur le site de PJ Investigations. Vous avez des clichés inédits et d’autres commentaires… Presque du neuf, quoi…
hihiii…sûr que le mot résilience dans la bouche de ceux qui vous la demande produit l’effet inverse! Et le nez de Couchepin! elle est bien bonne! Homme sympa