APPEL REVENANT Le come-back du 3310 pourrait quasi être un sujet de bac philo. Il cache d’autres résistances et un joli coup commercial où tout le monde est gagnant. À part toi, joyeux consommateur !
Des fois, le progrès sort des placards du passé. Preuve en est avec le retour du Nokia 3310, un téléphone qui sert vraiment à téléphoner. Qui envoie sans chichi des messages qui sont des messages avec du texte brut. Des prestations qu’une batterie te garantit sur au moins un jour. Le Nokia 3310 se rebranche sur le marché, vendu une cinquantaine de francs et ce grâce à des anciens de la firme et Foxconn, un géant chinois de l’électronique.
Cette résurrection, c’est un sujet de bac philo à elle seule.
Regarde ce qu’est devenue ton existence numérique.
Elle se relie à un objet plat qui te sert sur son plateau lisse des milliards de possibilités. L’énergie de tes journées dépend du niveau de charge indiqué par la batterie. À 30 %, tu faiblis, tu paniques et tu investis tes forces dans la recherche d’une prise électrique. Vite. Là. Maintenant. Rebrancher le cordon ombilical.
Tu sais que le fabriquant te garantit à 100 % une chose. Dans les deux ans, ton smartphone présentera les signes de sénilités technologiques. Ils t’obligeront à te porter acquéreur d’un dernier cri bien plus cher que le précédent. Sa prétendue puissance « étendue » élargira le champ des applications si avides en mémoire. Tu constateras juste un truc. Ton appareil assure comme une bête les fonctions complexes. Par contre, la qualité basique des communications, tu n’oseras pas dire que c’est le top. Depuis qu’un de mes amis manie un iPhone 7, jamais je n’ai eu autant de conversations numériques hachées et minables. Mon pote peste comme une assemblée de charretiers à chaque fois qu’il doit écrire un SMS sur ce « putain de clavier plat de nom de bordel de merde de chier avec ses petites lettres à la con de putain de dieu ». Version polie.
Je le soupçonnerais, mon Patrick (Nordmann), d’être un des premiers clients du nouveau « vieux » 3310 !
Ce voyage dans le temps téléphonique incarne une des multiples résistances.
Le vinyle – donné pour mort dès la naissance de l’hégémonie CD – a recommencé ses 33 petits tours sur les platines desquelles il ne s’en va plus. Les cassettes reprennent du poil de la bande dans certains milieux. Au chapitre des livres, l’imprimé se porte bien mieux que beaucoup ne le croient. Les journaux qui tiennent sont souvent ceux qui tranchent avec intelligence face aux conformismes ininterrompus du Net. Des photographes – et pas des manches ! – n’ont pas lâché l’argentique et abandonnent les cartes mémoires au tout-venant.
Que voilà du noble artisanat, qualitatif, soigné qui se fiche de ce que l’on te vend comme des évolutions et qui font régresser ton compte en banque. Dans ta disserte, tu pourrais terminer sur cette note d’espoir, elle devrait ravir ton examinateur. Celui qui prône la décroissance et a mis une photo de Cyril Dion sur son économiseur d’écran.
Une étincelle de lucidité – que tu garderas pour toi ! – fait que tu connais la nature humaine du XXIe siècle. Elle achètera un Nokia 3310 pour la sûreté de son autonomie et elle gardera son iPhone5689953 pour tout le reste. Les industriels sablent le champagne « Goût de diamants » (le plus cher au monde : 1,838 millions d’euros la bouteille) ! Ils gagnent sur les deux tableaux ! Toi, il te restera juste assez de pognon pour un mousseux sans alcool. Santé ?
Joël Cerutti