SATIRE AU BUT L’1dex vient de détourner le spot de Valais Wallis Promotion. Cela va faire jaser, râler, réagir. Tant mieux. Un pastiche, cela sert à ça ! Il y a quelques mois, j’avais pondu un long texte en deux parties sur le spot original et mes aventures avec Valais Wallis Promotion. Je l’avais gardé sous un coude… que je lève à la santé de NOTRE canton. Pas celui de certaines administrations.
Contexte «historique»: ce texte a été rédigé un jour après la sortie officielle du clip de Valais Wallis Promotion et son assemblée générale. Je l’ai remanié depuis…
Pour mémoire, le spot original:
Ce 23 mai se déroule à Lens la grande messe de Valais Wallis Promotion. Entre deux homélies touristiques, Peter Bodenmann prend la parole. Aussitôt, il donne l’impression d’un diable pissant dans un bénitier. L’assemblée, encore sous le charme du nouveau spot de promotion, ne goûte pas ses remarques iconoclastes.
Des affaires comme la pollution au mercure salissent le canton. Pourquoi ne réagissez-vous pas à cela?
Le 24 mai, tout au fond de la double page dédié à l’événement, le Nouvelliste les rapporte en ces termes : «(…) Vous dites que tout va bien et qu’il faut que l’on pense tous pareil. Le tourisme traverse une crise profonde en Valais. Je n’ai rien entendu là-dessus. Des affaires comme la pollution au mercure salissent le canton. Pourquoi ne réagissez-vous pas à cela ?» Qu’il interroge, Peter Bodenmann.
« Personnage le plus néfaste du canton »
Sur Facebook, à peine sa citation publiée, Peter Bodenmann se fait massacrer. «Les mots me manquent tellement c’est grotesque et hors sujet !!!», démarre Laetitia Massy. Suivent vingt-trois commentaires qui, à 80%, abondent dans ce sens. Sous des plumes assassines, Peter Bodenmann prend tous les noms d’oiseaux. « Aigri », «HS», «Ferait mieux de balayer devant sa porte», «Crache sur tout», «Personnage le plus néfaste du canton» et je vous en passe…
Dans ce pilonnage en règle, quelques voix entonnent un autre canon. Dont celle de Philippe Nantermod. Valais Wallis Promotion ? Il ne fait pas carpette devant. «On est pas obligé de trouver fantastique ce machin à 40 millions quand même (…) Ben j’ai toujours été sceptique quant aux organisations parapubliques pour faire l’économie à la place des entreprises. Et là je vois une nouvelle ligne graphique très chère. Et je ne vois pas l’utilité. À part dépenser nos impôts. Mais je peux me tromper. Enfin je m’extasie pas du tout, je suis plutôt dubitatif.»
Dubitatif, c’est bien le mot.
Comme le doute m’habite, je déménage moi aussi le débat sur Facebook. Que pensent mes milliers d’ami-es du spot «Valais, gravé dans mon cœur» ? J’obtiens des réponses… contrastées.
« Eu la chair de poule »
Paroles à celles et ceux qui ne tombent pas sous le charme… «Manque de caractère (alors que ce pays justement en a beaucoup), voix de crooner qui me paraît déplacée. On dirait le lancement d’un film genre Seigneur des Anneaux (que j’adore soi dit en passant). Bref, je ne suis pas convaincue du tout.»
On offre dix ambiances, on s’adresse à quinze publics et on taquine 30 émotions en 60 secondes.
«Le contenu est complètement décousu: on offre dix ambiances, on s’adresse à quinze publics et on taquine 30 émotions en 60 secondes… Indigeste comme un jus multifruit. Au mieux, une petite pièce surréaliste réalisée par Bouvard et Pécuchet qui découvrent les joies du montage… Au pire, une momie sublimement mise en beauté par Max Factor…»
Il y a certains qui le soutiennent mordicus, ce spot. Ce sont souvent les mêmes qui atomisent Bodenmann.
Ils disent avoir «vibré et eu la chair de poule.» «On est au coeur du Valais par le ressenti et non dans les théories chagrines sur ce qui pourrait être mieux !», commente cette dame. «De toute manière, le Valais depuis ces dernières années a été le champion du monde de la communication ratée, usant jusqu’à la corde de clichés éculés et nombrilistes. On est ici dans la poésie cinématographique, oui clairement dans un côté Seigneur des Anneaux: il n’est pas trop tard pour rattraper ce déficit d’image qui nous collait à la peau.»
Pourquoi râler?
Je suis retourné voir ce spot – semble-t-il surtout destiné au marché international – et j’y ai vu le Cervin, des Tschäggättäs , des combats de reines, de la viande séchée et de la raclette. Et j’en tire des sentiments partagés. Je ne marche pas. Et pourtant, je bée d’admiration devant le Cervin, ma grand-mère maternelle vient de Blatten, je m’éclate aux combats de reines et je pourrais m’empiffrer sur quatre générations de raclette. Alors ? Pourquoi râler ? Pourquoi se montrer tiède plutôt que bouillant d’enthousiasme?
On ne peut pas échapper à disneylandisation des Alpes mais faisons-le bien!
«Disneyland des Alpes», vous connaissez par cœur cette expression sortie par Bernard Crettaz. Pour y arriver, dans le domaine touristique, le sociologue nous explique qu’ «on fait du faux vrai et vrai faux (…) On chante l’ydille, le lieu a toujours l’air d’un paradis.» Bernard Crettaz aime pourtant à préciser: «On ne peut pas échapper à disneylandisation mais faisons-le bien!»
Dans le spot de Valais Wallis, nous avons notre Doudou Mickey absolu avec le Cervin, nos Dingos avec les Tschäggättäs et nos Super Daisy avec les reines.
En théorie, il n’y pas de quoi s’emmerder une seconde!
Ces images, le Valais les destine depuis plus d’un siècle à sa clientèle touristique. On peut dire que les recettes sont éprouvées. Et qu’une vraie tempête de cerveaux aurait permis de renouveler le stock. Si l’on reprend l’image de Disney, la firme de l’Oncle Picsou a aussi racheté Pixar, les franchises des comics Marvel, de Star Wars et d’Indiana Jones. En théorie, il n’y pas de quoi s’emmerder une seconde !
Sauf que le marketing de Valais Wallais a décidé de retourner aux basiques.
Elu spot du mois
Dites-le à Damian Constantin, son CEO, il se rebiffe… Contacté dans le cadre d’un article, le 3 juillet, il me répond ceci par mail :
« Notre regard et notre vision, loin d’être tournés vers le passé, s’appuient sur une compréhension profonde du client, une étude d’image et de marché et prend en compte les attentes de nos clients. Notre communication vise à montrer un Valais vecteur d’émotions et tourné vers l’avenir, fort de son potentiel d’innovation; bref un Valais loin des clichés. Votre analyse, focalisée quant à elle sur les stéréotypes, ne correspond donc en rien au concept véhiculé par notre communication ou notre spot TV. Par ailleurs, notre publicité vient d’être élu spot du mois chez Publisuisse, une distinction issue d’un vote par le public.»
Nous ne sommes pas en face de clichés, nooooon, ce sont nos valeurs du futur…
Oublions que la première trace filmée du Valais, en 1901, montre le Cervin. Que la raclette a été présentée comme « met national valaisan » en 1909. Que le premier combat de reines organisé remonte à 1922. Que les Tschäggättäs figurent dans le premier documentaire alpin tourné en 1919. Nous ne sommes pas en face de clichés, noooon, ce sont nos valeurs du futur…
Premier énervé
Reformulons les interrogations de Peter Bodenmann. Que valent les raclettes comparé au mercure ? Que pèsent nos reines devant le Giroud Gate ? Que représentent les Tschäggättäs confrontés aux tours de passe-passe financiers de Tornay ? Faut-il voir le verre de fendant à moitié plein ou à moitié vide? Qu’on le veuille ou non, ce canton traîne AUSSI cette réputation. J’en suis le premier énervé. Je préfère nettement, dans mon travail quotidien, avoir plus de coups de coeur que de coups de gueule. Se donner cet objectif, porter un message positif, peut se révéler une fascinante course d’obstacles administratifs. Particulièrement avec Valais Wallis Promotion. Je vous en parle fort subjectivement dans le second volet… à paraître demain!
Joël Cerutti