AUSCULTE A SION  En 97 pages, le Rapport Houben a dressé une intense radiographie du Réseau Santé Valais. A un tel point que beaucoup d’éléments ont été oubliés par les médias…

La citation vaut son pesant de cynisme : «Responsabilité : Au RSV, au cours de dizaines d’entrevues, le mot fut tabou. Personne n’ose évoquer le terme de responsabilité. A aucun moment, nous n’avons ressenti le regret, le remords..,»

Ces mots appartiennent au professeur Jean-Jacques Houben, expert belge, mandaté en automne 2013 pour se pencher sur certaines opérations délicates du professeur Vincent Bettschart en Valais. Début mars, aucun média ne les a relevés, se concentrant sur les chiffres de son rapport. Oui, le taux de mortalité au RSV, dans le cadre de la Médecine Hautement Spécialisée (MHS) dépasse de loin les normes habituelles. On est à 13,5% en Valais contre 1 à 5% dans le reste du monde. Le jour de la conférence de presse, Jean-Jacques Houben a modéré ses analyses, sans doute parce qu’on ne tire pas sur une ambulance qui a les pneus crevés.

Un autre discours

Si l’on prend le temps de lire en profondeur son rapport, c’est un tout autre discours. La MHS, c’est la nuit des longs scalpels au RSV. «La présence de plusieurs clans rend la collaboration difficile et freine l’élaboration de projets médicaux et la confusion entre certains services.» Les pontes donnent le ton, J-J. Houben relevant des «tensions» entre la direction et le conseil d’administration.

31 anesthésistes différents pour 58 malades !

L’anesthésie et la chirurgie, elles, se tirent dans les pattes. Pour preuve ces 31 anesthésistes différents pour 58 malades ! L’autisme se développe à un tel stade que l’on pratique les colloques multidisciplinaires APRES que l’opération ait débouché sur des complications.

A ce sujet, le rapport signale des failles dans le suivi postopératoire qui ont des «causes multiples dont le manque de collégialité et l’esprit d’équipe.»

Selon lui, «trois décès», sur les années étudiées, auraient pu ainsi être évités…

Restons sur ce thème. Notre professeur belge remarque encore la «faiblesse du partenariat médico-chirurgical », à savoir la collaboration avec d’autres structures hors RSV. Selon lui, «trois décès», sur les années étudiées, auraient pu ainsi être évités… Quant aux opérations elles-mêmes, elles ont tendance à durer bien plus que la normale (6 heures contre 4 en moyenne) à grands renforts de transfusions. On n’y pratique pas le «drainage chirurgical», ce qui «signifie une chirurgie sans parachute». On vous passe les «indications opératoires parfois mal documentées, les procédures chirurgicales risquées, les pathologies agressives opérées sans preuve d’un bénéfice thérapeutique attendu». Ainsi se présente le bilan de Vincent Bettschart, car il était pratiquement le seul à réaliser ces opérations.

Inadapté aux technologies modernes

Et si on parlait du lieu où se déroulent ces interventions de MHS ? Le bloc opératoire se base sur un «agencement architectural inadéquat». Le quartier opératoire est «inadapté aux technologies modernes », il «manque d’espace», «la salle 4 affectée à la chirurgie viscérale est obsolète», lit-on en page 84. Que l’on rassure, un nouveau quartier opératoire est en chantier…

C’est bien, bourrer le mou aux médias, cela évite de prendre ses vraies… responsabilités.

Ben tiens ! En août 2009, un rapport de Sopromex Conseil signalait à la direction du RSV exactement les mêmes carences sur les blocs opératoires. Une belle évolution en 5 ans…

Dans ces conditions tendues, pas toujours évident de travailler dans un climat zen. Certains infirmières ou médecins, toujours en MHS,  subissent «un isolement inacceptable, voire du mobbing » qui sont «sous-estimés». En observateur extérieur, le professeur Houben souligne que la direction et le Conseil d’administration résolvent les problèmes à leur façon. Ils se lancent dans une «course à la communication privilégiée à l’action». C’est bien, bourrer le mou aux médias, cela évite de prendre ses vraies… responsabilités.

Joël Cerutti

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