DEUIL   Nicole Dubuis sera enterrée deux fois. Une première en avril 2013 après une opération délicate. Une seconde ce printemps 2017 où le Ministère public valaisan veut classer le dossier. Jamais entendue par la justice, la famille de Nicole Dubuis dénonce une instruction à décharge et jamais à charge contre le professeur Vincent Bettschart, le chirurgien aux matchs de foot.

Pour la justice valaisanne, Nicole Dubuis se révèle un simple numéro : le 16562. Une affaire que le procureur Olivier Vergères instruit depuis le 4 juillet 2013, suite à une plainte pénale pour homicide involontaire. Elle a été déposée par la famille Dubuis contre le chirurgien Vincent Bettschart et son assistant Steve Aellen. En amont de cette procédure, on retrouve la dénonciation d’une infirmière des soins intensifs à la justice. Ce qui avait entraîné autopsie et l’ouverture d’une enquête. Au début de l’automne 2013, sans révéler son identité, le cas de Nicole Dubuis explose dans l’hebdomadaire Vigousse. Le Nouvelliste enchaîne suivi par d’autres médias cantonaux ou romands. Car l’année 2013 se révèle sombre pour les patientes ou les patients opérés du pancréas à l’Hôpital de Sion.

Bataille d’expertises

Le 8 mars 2013, Nicole Dubuis entre en salle d’opération à l’Hôpital de Sion. Sous les scalpels de Vincent Bettschart et Steve Aellen, l’intervention entraîne de fortes complications. L’agonie dure sur 47 jours où se dérouleront treize autres opérations. Nicole Dubuis décède le 25 avril, laissant bien derrière elle bien des points d’interrogation.

Dès lors, et durant quatre ans, s’enclenche une bataille d’expertises. La famille Dubuis en mandate trois. Elles arrivent à des conclusions identiques : il manque des éléments dans les deux versions des protocoles opératoires par ailleurs rédigées après la mort de Nicole Dubuis.

A charge plus qu’à décharge

Le Dr Vincent Bettschart produit, lui, une expertise qui le disculpe de toute faute médicale. Le procureur Olivier Vergères, pour en avoir le cœur net, commande une cinquième expertise à Lyon. Elle tombe en avril 2016 et abonde dans le sens de celle rédigée en faveur du Dr Bettschart.

Le 2 mars 2017, Olivier Vergères signifie son « Avis de prochaine clôture » sur l’enquête pénale concernant l’homicide par négligence. Il écarte les demandes d’informations complémentaires réclamées par l’avocat de la famille Dubuis.

Celui-ci ne décolère pas.

Pour lui, le procureur a purement et simplement bâclé son instruction. Alors qu’il a auditionné les Dr Bettschart et Steve Aellen, il n’a jamais entendu la famille Dubuis. Celle-ci aurait eu des témoignages essentiels à livrer sur les indications données avant et après l’opération du 8 mars 2013.

Lorsqu’il transmet les éléments du dossier aux experts de Lyon, Olivier Vergères en allège le contenu. N’y figurent pas les pièces apportées par la famille Dubuis ou le fameux rapport Houben qui fournit des éléments chiffrés sur les opérations du Dr Bettschart. Par contre, le procureur Olivier Vergères y laisse les dépositions des Dr Bettschart et Aellen. La famille Dubuis comme son avocat ressentent une instruction à décharge plus qu’à charge. Le procureur Vergères n’investigue pas non plus sur les deux versions des protocoles opératoires des 25 puis 26 avril 2016. La seconde éliminant certains passages que l’on pourrait estimer délicats pour le Dr Bettschart.

« Instruite sans désemparer »

Le 17 mars 2017, l’avocat de la famille Dubuis se plaint auprès d’Olivier Elsig, premier procureur, sur la façon d’instruire plutôt lacunaire d’Olivier Vergères « qui n’est pas acceptable dans un État de droit ». Un document de 15 pages auquel répond Olivier Elsig en écartant les reproches sur 6 pages. Pour lui, il n’y a strictement aucun motif de récuser Olivier Vergères. Une cause qui a été « instruite sans désemparer » et il « ne comprend pas les reproches à peine voilés quant à l’inaction du procureur ».

Dans cette cascade de mots sont noyés les trois points essentiels.

– Pourquoi la famille Dubuis n’a-t-elle pas été entendue ?

– Pourquoi n’y a-t-il pas eu de réelle enquête autour des deux protocoles d’opération ?

– Pourquoi avoir filtré les pièces pour l’expertise réalisée à Lyon par Dr Mustapha Adham et Patrick Feugier ?

Contactés par nos soins, les divers protagonistes du Ministère public valaisan ont répliqué par la voix du procureur général Nicolas Dubuis : « En raison du secret de fonction et du secret de l’instruction, il n’entend pas se prononcer sur cette instruction qui est toujours en cours. » Quant à Esther Waeber-Kalbermatten, cheffe du Département de la Santé reconduite pour quatre ans à cette fonction, notre mail n’a reçu aucune réponse.

Joël Cerutti/PJ Investigations

PS: le 3 avril 2018, le Tribunal cantonal a vertement tancé le Ministère public valaisan pour son instruction dans cette affaire. Enquête il y aura enfin.

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