TICKET GAGNANT À 26 ans, Anthony Vuignier glisse d’une carrière de Freestyle vers celle de comédien. Rencontre avec un artiste en devenir capable d’incarner des officiers allemands comme un vampire. Une gueule angélique qui décroche des rôles comme des premiers prix.
Octobre 2013, dans ce café parisien, le barman très énervé empoigne Anthony Vuignier par le col. Manu militari, il éjecte le Valaisan et son copain de l’établissement. Il en a eu marre d’entendre les deux hommes s’engueuler avec véhémence autour d’une dette se montant à 800 euros. Ce qu’ignore le barman, c’est Anthony Vuignier et son compère effectuent un exercice de théâtre.
Fausse querelle et vrai bistrot
C’est leur professeur Jack Garfein – adepte de l’Actor’s Studio – qui leur a imposé ce défi : rendre crédible une fausse querelle dans un authentique établissement. « Mais sans aller jusqu’à faire venir les flics ! », souligne Anthony Vuignier. Lorsqu’il décide de quelque chose, notre comédien en devenir ne joue pas dans la demi-mesure. Champion suisse de Freestyle en 2003, il croit à 26 ans en sa progressive reconversion.
Cette obstination souriante porte aussi ses fruits dans la jungle cinématographique.
Dans le milieu sportif, il a appris comment convaincre des sponsors. Cette obstination souriante porte aussi ses fruits dans la jungle cinématographique. Il n’attend pas qu’on vienne le chercher. Ses photos se multiplient sur tous les sites de casting.
L’an passé, il tourne dans une dizaine de courts ou moyens métrages. On le retrouve en journaliste dans le film «YSL» face au «multicésarisé» Guillaume Gallienne. « Je l’ai un peu ébouriffé avec mon micro… », se souvient Anthony Vuignier.
Au culot!
Cette apparition – une « silhouette » en jargon du métier – dans une grande production, Anthony la décroche en envoyant son CV «au culot». Mais il ne cesse de rendre hommage au travail d’Isabelle Brulier et Elodie Dubois, de l’Agence Brulier Communication.
Elle a tenu à me voir en vrai et je me suis retrouvé au rendez-vous avec Anabelle Belmondo, la petite fille de Jean-Paul.
À Paris, ce sont elles qui défendent sa cause. « Le réalisateur Maxime Rossi, avec qui j’ai tourné deux publicités pour Eurostar, m’a chaudement recommandé à Isabelle Brulier. Elle a tenu à me voir en vrai et je me suis retrouvé au rendez-vous avec Anabelle Belmondo, la petite fille de Jean-Paul. Elle nous a pris les deux après cinq minutes d’entretien. » Encore un héritage sportif que ce mental d’acier. « Je ne lâche pas l’affaire…»
Sans cesse en mouvement
Aujourd’hui, Anthony Vuignier partage sa vie entre Crans-Montana où il donne des cours de Freestyle et Paris. En Valais, il gagne ainsi sa vie. « Quand j’ai un casting, le directeur Nicolas Masserey me laisse partir sans problème. »
Il faut se montrer, se vendre, sans trop en faire.
À Paris, Anthony ménage ses euros mais pas son temps. « Je n’ai pas une minute à perdre, je suis sans cesse en mouvement. » S’il sort, c’est pour se montrer aux projections ou aux avant-premières que lui suggère Isabelle Brulier. « Il faut se montrer, se vendre, sans trop en faire.»
Trois fois en soldat allemand
Ce printemps, Anthony Vuignier apparaît avec un petit rôle dans la série «Résistance» que diffuse TF1. La Gaumont lui a promis de « garder son dossier au chaud » mais Anthony sait bien qu’il devra se rappeler à leur bon souvenir pour que leur intérêt garde une certaine température.
Il va falloir que je calme un peu dans ce registre, on se fait vite cataloguer.
Dans « Résistance », le jeune Valaisan y campe un soldat allemand. Un registre qu’il connaît, il a déjà porté deux autres fois cet uniforme dans un court et un moyen-métrage. « Il va falloir que je calme un peu dans ce registre, on se fait vite cataloguer. » Ensuite, il incarne un vampire en Bretagne dans un court-métrage pro. « Je suis un grand fan des films d’époque en costumes. » Par la suite, Anthony espère promener sa « silhouette » à Cannes et à Locarno pour qu’elle prenne plus de consistance aux yeux des producteurs.
En lice pour l’oscar du court-métrage
Jusqu’à mi-septembre 2014, il a encore prêté son talent à quatre nouveaux courts-métrages. Et aussi décroché quelques prix. « Remembering the Fallen », où il tient le rôle principal, a remporté les distinctions de « meilleur film international » et « meilleure bande-son » au Los Angeles Movie Awards. L’œuvre part même en lice pour les nominations aux oscars 2015, catégorie « meilleur court-métrage ». Entre-temps, elle a encore raflé le prix de la « meilleure photographie » au Rhode Island International Festival de Boston. « Remembering the Fallen » concourt dans deux autres festivals à Cincinnatti et Catalina où le président du jury n’est autre que Jon Favreau, réalisateur d’Iron Man. Retour en France où Anthony Vuignier se retrouve dans la distribution de son premier long-métrage cinéma, un thriller. Pardon? Oui, c’est tout pour le moment…
Joël Cerutti
Ce texte réunit deux articles parus dans La 6e Dimension. Ils ont été retravaillés pour cette parution.