PHOTOCHOPE (5) Ce n’est pas un hasard si Yannick Buttet est devenu, depuis quelques années, un personnage incontournable du paysage politique et médiatique suisse. Son accession aux fonctions de président de commune et de conseiller national est notamment due au fait qu’il maîtrise à merveille l’art d’être un conservateur 2.0. En effet, contrairement à certains de ses collègues PDC, le collombeyrien est un excellent communicateur, ouvert au dialogue et semble porter un intérêt sincère à la chose publique. Ses idées n’en demeurent pas moins d’un conservatisme et d’une droiture à faire pâlir les lecteurs les plus libertaires de L’1Dex. Jugez-en par vous même en lisant ses réponses aux 5 questions de «Photochope», la chronique de L’1Dex pour le bicentenaire.
Germain Clavien disait : « Autrefois les Valaisans gardaient leurs vaches, aujourd’hui ils gardent leurs immeubles. » Votre vision idéale de l’aménagement du territoire en Valais, c’est plutôt « Gotham City » ou « La petite Maison dans la prairie » ?
Ni l’un ni l’autre, évidemment.
Je n’aime pas les donneurs de leçons, qu’ils soient Valaisans ou d’un autre canton.
Notre géographie, notre histoire, notre culture font que nous avons un attachement particulier à la terre. Il y a eu des abus, c’est vrai. Cela n’est pas une raison pour remettre en question un fonctionnement qui a généré beaucoup plus de positif que de négatif.
Dans ce domaine, il y a beaucoup de « yaka yfo » mais les solutions théoriques de grands penseurs ne permettent pas de laisser le territoire remplir ses différentes fonctions, notamment celle permettant de donner du travail à nos enfants. Si, à l’avenir, on n’entendra moins les marteaux-piqueurs, il faut espérer ne pas avoir qu’à écouter l’herbe pousser …
En juin prochain, Sion accueillera la Pride. Vous y verra-t-on danser sur un char ou jeter des cailloux sur ces brebis égarées?
Ni l’un ni l’autre.
Je ne comprends pas le concept de « Pride » et en quoi il y a lieu d’être fier d’être homo… à plus forte raison en 2015. J’ai l’impression que le concept qui voulait provoquer tout un canton est dépassé, que les couples homos ont obtenu leur reconnaissance avec le « pacs ».
Quant à ma position, elle a toujours été claire. Je ne veux pas m’immiscer dans la vie des homos mais je m’oppose au mariage pour tous, qui est la porte ouverte à l’adoption. Je pense qu’un enfant doit, même au XXIème siècle, avoir un père et une mère.
Je regrette aussi que lorsqu’on exprime une position différente du politiquement correct sur ce thème, on soit immédiatement traité d’homophobe. Je comprends que les personnes concernées vivent certaines difficultés mais si on se sent stigmatisé, pourquoi à son tour stigmatiser l’autre ?
Le parlement valaisan compte environ 15% de femmes. Pour vous une gonzesse en politique, c’est un homme politique avec des seins ou une femme avec des couilles?
J’ai de la peine à imaginer ça …
Il devrait y avoir davantage de femmes élues, c’est un fait. Ceci passe par davantage de femmes sur les listes électorales, même si elles ne se jugent, trop souvent et faussement, pas aptes à y figurer.
Je pense que les femmes ont à gagner à miser sur une complémentarité avec les hommes plutôt que d’adopter le même style. Même si, aujourd’hui, les clichés sur les différences de caractère entre hommes et femmes s’estompent. Nous connaissons tous des hommes aux caractéristiques féminines et inversement.
Je crois énormément à la valeur de l’individu. Du coup, je hais les quotas de toutes sortes qui dévalorisent ceux qui en « bénéficient ». Les femmes ont suffisamment de qualités pour ne pas singer les hommes ni nécessiter d’être assistées pour être élues.
J’ai aussi l’impression que les revendications féministes viennent aujourd’hui de dames plus âgées qui ont vécu une période moins ouverte qu’aujourd’hui et que cette revendication militante perd chaque année de son sens, probablement trop lentement mais sûrement.
Au-delà de la Raspille vivent des individus dont les mœurs et le langage échappent souvent à la compréhension des Bas-Valaisans. Quels liens entretenez-vous avec la partie supérieure (géographiquement) de notre canton?
J’aime le Haut-Valais. Notre canton a énormément de chance de disposer de deux langues et de deux cultures. Nous devrions par contre mieux valoriser cet avantage, notamment pour nos jeunes.
Comme j’ai la chance d’avoir pu améliorer mon allemand durant l’armée, j’apprécie l’échange avec nos concitoyens du Haut-Valais, qui, au final, ne sont pas si différents de nous. C’est le fait de ne pas se connaître qui laisse penser que nous sommes si différents mais nous avons vécu la même histoire dans le même espace, surmonté les mêmes difficultés, …
Je n’aime pas par contre cette volonté de se singulariser et de se voir comme LA minorité du canton que certains de nos concitoyens germanophones entretiennent. En Suisse et en Valais, les minorités se superposent (français-allemand, plaine-montagne, ville-campagne, …) et elles devraient être l’occasion de se rapprocher plutôt que le prétexte à un repli identitaire et à un comportement défensif.
Le Valais nage depuis quelque temps dans un bouillasson politico-médiatico-juridique. Aimeriez-vous que les médias valaisans vous informent sur ces affaires ou préférez-vous découvrir chaque semaine le lieu incroyable où se trouve le « cube 365 »?
Je ne suis pas de ceux qui imaginent des médias à la botte de forces occultes ou qui cherchent à discréditer certains journalistes qui ne les servent pas assez. Je pense que chaque média a son identité et sa ligne éditoriale, qu’il essaie, à de très rares exceptions près, de faire son travail au plus proche de sa conscience.
Globalement, l’information me parait bonne sur la situation de notre canton, même si certaines nouvelles viennent d’abord de l’extérieur. L’auto-flagellation n’amène pas grand-chose de plus et chaque canton connaît des périodes difficiles. Quand ça arrive en Valais, ça devient immédiatement une faute de la majorité (qui au passage n’existe plus) politique … Je trouve d’ailleurs que ce rôle de bouc émissaire, lié au rôle décisionnel central qui y est lié, devrait être mieux assumé par l’ancienne majorité. Aucune honte, des valeurs (une ligne), de la transparence, de la volonté, du travail et … des résultats !
Personnellement, je m’inquiète plus de l’incapacité de notre canton à trouver actuellement l’énergie et le courage de sortir de ce marasme qui défavorise fortement le Valais au grand dam des Valaisannes et des Valaisans et pour le plaisir de quelques aigris ambitieux. Comme élus à Berne, cela ne nous facilite pas la vie dans les nombreux combats cruciaux que nous avons et aurons encore à mener.
Si Yannick Buttet dans cet entretien souhaite plus de transparence, moins d’esprit de clocher, plus d’anticipation et de communication de la part de nos autorités, et bien espérons que cette dernière l’entende et souhaitons à notre représentant à Berne lui-même d’incarner ces valeurs!
Propos recueillis par : Anne-Christine Willa
Photos : Christian Miraillès
Merci au Café Central de Collombey-Muraz pour son accueil fort chaleureux et surprenant (galerie photo à visiter à la cave!). Le café est ouvert tous les jours, sauf le samedi après-midi et le dimanche.