PARADOXES HELVETIQUES  Jean-Pierre Huser, auteur de « La Rivière », entend le président 2014 de la Confédération évoquer « The River », composée par Bruce Springsteen. Il voit un flot de paradoxes autour de cette interview accordée par Didier Burkhalter à Canal Alpha le 31 décembre. Il les jette en vrac dans cette lettre ouverte. On vous la publie en intégralité.

Cher Monsieur le Président de la Confédération

J’ai été très surpris et satisfait de vous entendre et de vous voir par hasard au soir du 31 décembre à la télévision de Neuchâtel , vous qui avez été le Président de la Confédération 2014, « Ma mère était du petit village de Buttes ! »

J’ai trouvé votre engagement très positif dans la politique de notre pays. Vous êtes extrêmement efficace, me semble-t-il, dans votre façon brève et concise de donner au pays sa place dans le monde, tout en le préservant et en restant extrêmement ouvert et déterminé sur les rapports internationaux, pour ne pas dire européens, auxquels notre Suisse un peu malheureuse doit se mesurer, avec sa détermination populaire très discutable, mais avec toujours son pragmatisme et dirais-je, son matérialisme légendaire.

La fin de votre entretien fut pour le moins étonnante.

La fin de votre entretien fut pour le moins étonnante suite à la question du journaliste, à savoir : « Que faites vous de vos moment de loisirs Monsieur le Président de la Confédération ? » Vous avez répondu aussitôt d’ailleurs et là j ai été encore plus étonné, je cite votre réponse de mémoire : « Quand j’ai un petit moment j’adore écouter « The River » de Bruce Springteen , « La Rivière » en français ».

Et là j’ attends qu’on m’explique…

Sur quoi vous avez tout de suite enchaîné pour faire la promotion sur le chanteur suisse qui ne s’exprime d’ailleurs qu’en anglais, le jeune artiste Bastian Baker !

J’ai été très heureux qu’un homme d’État en Suisse Romande, félicite l’existence d’un jeune artiste telle que Bastian Baker.

Mais là j’attends qu’on m’explique… En tant que chanteur moi-même, plutôt contemporain du « Boss », et ayant enregistré à Nashville, « Les ouvriers de la Montagne » avec l’un de ses musicien, dans les années 80, j’ai été très heureux qu’un homme d’État en Suisse Romande, félicite l’existence d’un jeune artiste telle que Bastian Baker. Un artiste produit d’ailleurs par quelqu’un de très intelligent qui fait le travail comme on doit le faire, et c’est bien la première fois d’ailleurs que je vois ça en Suisse Romande, alors un grand bravo à Monsieur Delarive son équipe et son artiste !

Mais là j’attends qu’on m’explique…

En fait vous avez fait dans ce pays quelque chose de tout-à-fait nouveau pour colorer votre image politique, mais expliquez moi SVP le fondement exact de ce courage !

Et là j’attends qu’on m’explique…

Un Président de la Confédération Helvétique peut-il dans un discours important de fin d’année devant ses confédérés faire ainsi de la publicité nommant le produit, ceci comme pour un parfum, ou que sais-je encore ?

Et là j’attends qu’on m’explique…

Dois-je comprendre par votre attitude qu’une grande porte pourrait s’ouvrir ici en Suisse pour qu’un jour peut-être ce petit pays si propre et si beau, au milieu de l’Europe, devienne une sorte d’État américain ?

Et là j’attends qu’on m’explique…

Je comprends qu’on puisse envier de tels artistes de cet énorme marché américain, rassurez-vous Monsieur Burkhalter, moi le premier, même si je passe dans 60 radios aux Etats-Unis, « en français » comme « Le Pays d’en Haut » ou « La Rivière » (en anglais « The River »).

Dans notre tradition militaire, il est strictement interdit de rêver !

L’oeuvre du grand Bruce Springsteen, appelé « The Boss » fait partie de la tradition d’artistes extraordinaires qui, à l époque, ont pris d’énormes risques comme Woody Guthrie, Pete Seeger et plus tard l’immense Bob Dylan pendant la guerre du Vietnam, comme toute la chanson engagée contestataire américaine! Et bien sûr, pour ne pas parler du jazz en son temps, de Chicago à New-York en passant par la Nouvelle Orléans! Musique essentiellement noire, découverte et financée exclusivement par les plus grands gangsters d’Amérique, Al Capone et j’en passe !

Mais là, Monsieur Burkhalter, soyons sérieux, on est ici dans un tout autre monde, comme vous le savez, où on remplace « Le laisser faire » par « Le bien faire » et où dans notre tradition militaire, il est strictement interdit de rêver !

Et là j’attends depuis longtemps qu’on m’explique…

Cher Monsieur le Président de la Confédération 2014, malgré tout le grand respect que je peux avoir pour vous, je suis très sincère, et malgré ma très humble vie d’artiste, je voudrais vous dire en toute simplicité encore quelque chose qui ressemble à l’une de mes chansons, « L’art ne se fait pas avec de l’argent », mais « On peut faire de l’argent avec de l’art! ».  Mais là il y a des risques auxquels je n’ai jamais eu de réponse dans la politique culturelle de notre pays.

Et j’attends toujours là qu’on m’explique…

Dans l’attente, veuillez recevoir, cher Monsieur, l’expression de tout mon respect ainsi que mes voeux de bonne année.

Jean Pierre Huser

PS de la rédaction:

« La Rivière » de Jean-Pierre Huser

« The River » de Bruce Springsteen

Le journal du 31 décembre 2014 sur Canal Alpha, propos de Didier Burkhalter vers 19 minutes… La photo qui illustre cette lettre ouverte provient d’une capture d’écran de cet entretien.

http://www.canalalpha.ch/journal/journal-du-mercredi-31-decembre-2014/

2 réponses

  1. Et VLAN! La CHuisse qui se relooke est à hurler…à ch…
    Mais! pincez-moi : y’a que les Valaisans pour râler sur ce qu’il faut?!
    des nouvelles de Huser… mercimerci!!!

  2. Bonjour,
    Je reconnais bien dans le texte la combativité de mon vieux frangin Jean-Pierre, qui a d’ailleurs une page sur mon site.
    Souhaitant qu’il puisse avoir une réponse, car il pose des questions essentielles concernant la chanson d’auteur.
    Je vous invite d’ailleurs à signer la pétition que j’ai mise en ligne pour faire reconnaitre cette chanson comme un art majeur : http://www.petitions24.net/reconnaissance_de_la_chanson_dauteur_comme_un_art_majeur
    Salut et fraternité
    Gérard Gorsse

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