INFOS   Le 18 juillet 2016, notre consœur Sandrine Goldschmidt a publié ce billet sur sa page Facebook. Dans ses pertinents propos, elle s’interroge sur une info de plus en plus instantanée et de moins en moins fondée. A PJ Investigations, nous partageons totalement son point de vue et lui avons demandé la permission de reprendre son article. Feu vert reçu voici quelques minutes.

Appel à mes amiEs journalistes et aux personnes de bonne volonté J’ai mal à mon métier. J’ai voulu devenir journaliste, car je me suis dit qu’informer, c’était le terreau de la démocratie. Savoir, comprendre, réfléchir, prendre du recul. Ne pas se précipiter sur une info avant de l’avoir vérifiée. Ne pas jeter de l’huile sur le feu. Essayer de rendre compte, avec des mots, éviter l’émotion brute, l’instantanéité de la réaction qui empêche de réfléchir. Penser l’information en termes de responsabilité. Je suis devenue journaliste, en me disant que peut-être, je pouvais ainsi, avec des compétences professionnelles, avec une capacité à prendre des distances, non pas influencer les autres, mais transmettre les éléments qui permettent de comprendre et de faire les bons choix. J’y ai rajouté au fil du temps l’empathie. L’envie de bienveillance, de chercher non pas systématiquement ce qui montrait notre noirceur, mais notre capacité d’élévation. Intellectuelle, morale, émotionnelle. Depuis 15 ans, je ne regarde plus les informations télé.

Je me méfie des images. Je me méfie de l’instantané, du direct.

Je me méfie des images. Je me méfie de l’instantané, du direct. Souvent, quand on n’a rien à dire, on n’a juste pas à être là. Si on ne sait pas, dire qu’on ne sait pas et rendre l’antenne.

Mais aujourd’hui, j’ai vu une vidéo d’une chaîne d’info en continu sur twitter. Aujourd’hui, j’ai vu ceci :

1-il y a des gens qui crachent et jettent des détritus là où le tueur de Nice est mort.

2-il y a des télés qui semblent trouver judicieux de le filmer et de le diffuser.

Sur le fait qu’il y a des gens qui crachent, je ne dirai que ceci. Est-ce qu’ils le feraient de la même manière sans toute cette mise en spectacle de l’horreur ? Est-ce que cela les soulage ou qu’ils ont l’impression de participer à une grande vengeance collective. Je l’avoue, ça m’est arrivé que me passe par la tête l’envie de cracher sur la tombe de quelqu’un. Mais c’était métaphorique. J’aurais voulu, si j’avais été à côté de sa tombe, que quelqu’un arrête mon geste. Car cela n’aurait pas fait justice à la personne qui avait souffert à cause de lui, et n’aurait fait qu’attiser la haine. Surtout si je l’avais fait pour que ce soit vu et filmé.

Car informer, ce n’est pas flatter nos plus bas instincts.

Mais ce que je voudrais surtout dire, c’est que chaque jour, j’ai un peu plus mal à mon métier. J’ai honte. Et j’ai peur. Car informer, ce n’est pas flatter nos plus bas instincts. Ce n’est pas juste montrer tout ce qui nous passe sous le nez, jusqu’à ce que l’on ne sache plus si la caméra sollicite l’image ou si l’image sollicite la caméra, jusqu’à ce qu’on ne maîtrise plus l’engrenage de haine que cela entraîne. Je ne suis pas là pour juger mes concitoyennEs, ou mes confrères et consoeurs, et je ne vais pas rajouter au concert d’invectives.

Ce que je voudrais, c’est qu’on essaie de changer les choses. Qu’on prenne le temps de réfléchir. Notre métier, ce n’est pas ça. Je sais, en lisant mes camarades de promotion à Lille, que je ne suis pas la seule à le penser ou l’écrire. Qu’on tourne le bouton OFF, qu’on pose le clavier, la caméra, le temps de faire une pause, de méditer, et de réfléchir. Et ensuite, qu’on fasse autrement. Notre métier. Enfin.

Sandrine Goldschmidt

https://www.facebook.com/sandrine.goldschmidt

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