GENIE « For no good reason », un documentaire à l’ingénieuse réalisation qui rend honneur au talent de Ralph Steadman. Cet incroyable dessinateur a été le partenaire du délirant journaliste Hunter S. Thompson.


Il utilise les tâches mais il n’en est pas une dans le domaine du dessin, Ralph Steadman. Voici exactement soixante ans, ce caustique britannique publiait son premier travail dans la vénérable revue humoristique Punch. Depuis jamais la force de son trait ne s’est calmée. Il s’est engagé, Ralph Steadman. Contre la guerre, pour la protection des espèces animales. Il a prêté son pinceau à Miles Davis comme Frank Zappa, emballant leurs disques. Dernièrement, il a même participé à une édition collector de la série « Breaking Bad ». Le gars a du goût, du caractère, de l’anarchisme à revendre.
Le documentaire « For no good reason » s’attarde sur un des points forts de son œuvre, sa collaboration avec le journaliste Hunter S. Thompson, un ravagé grave de la plume. Quasi un frère pour Ralph tant leurs deux talents étaient symbiotiques.
Hunter rédigeait dans des états proches de l’Ohio totaly destroy. Ralph prolongeait ses mots par ses dessins ravageurs, décapant à vif la stature humaine. Leur premier reportage-tandem, paru en 1970 dans Scanlan’s monthly a servi de pilier fondateur au journalisme Gonzo. « The Kentucky Derby Is Decadent and Depraved » ne décrit guère la course des chevaux et bien plus les poivrots et les obsédé.e.s aux alentours de l’hippodrome. Hunter et Steadman, ivres du matin au soir, finissent par ressembler aux gens qu’ils observent !



Quelque part, Ralph Steadman sait que cela ne sert peut-être à rien. De dénoncer. De se mobiliser. De créer. « Ralph et moi, on ne s’arrêtera jamais. On fera du bruit jusqu’à notre mort et personne n’écoutera », balance, joyeusement amer, le réalisateur Terry Gilliam au sujet de Steadman. Le documentaire « For no good reason » pénètre dans l’atelier de cet artiste hors normes, hors pair, hors tout. Qu’il collabore avec l’écrivain William S. Burrough ou revisite la biographie de Léonard de Vinci, Steadman y impose sa vision, reste fidèle à son univers.

Johnny Depp sert de fil conducteur et de narrateur avisé. L’acteur a joué Hunter S. Thompson dans l’adaptation de son roman « Las Vegas Parano » (illustré évidemment par Ralph) au cinéma par Terry Gilliam. « For no good reason » se mue en joli jeu de miroirs dont la réalisation imaginative de Charlie Paul capte les reflets. Ralph Steadman ne changera rien à notre société tarée. Par contre, il modifie notre regard individuel sur le monde avec un impact durable et salutairement dérangeant.
Joël Cerutti
« For no good reason » (2013), par Charlie Paul, avec Johnny Depp, Terry Gilliam, Hunter S. Thompson et William S. Burrough. 89 minutes. Sony Pictures Classics DVD
Site du documentaire: http://www.fornogoodreasonmovie.com/

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