MAUVAIS PLIS   Pour sûr, le journalisme doit se réinventer en ces temps si « bouleversifiants ». C’est une évidence. Dans la foulée, si on te demandait à toi, ô lecteur adoré, de remettre en question quelques sales habitudes nées des réseaux sociaux ?

Le gars, à l’autre bout du clavier, monte sur ses ergots. Prof de profession – soit au minimum dans les 7000 francs par mois – il râle parce qu’il doit payer pour lire un article publié sur le site. Commence un ersatz de dialogue sur Messenger où je me fais insulter. Parce que c’est pas normal que ça soit pas gratos à l’œil. Que le journaliste ait passé trois mois dessus, notre Chantre du Zéro Centime n’en a RIEN à carrer. Il mange avec quoi, l’investigateur ? Ben qu’il se débrouille ! Le bonhomme se met dans les plumes du coucou dans le nid. Il ouvre bien large sa gueule en piquant les vers aux autres oiseaux de la nichée. Sans aucun scrupule.

Des comme ça, j’en ai plein sur internet.

Celles et ceux qui exigent que l’on reparte en croisade, qui ont toutes les preuves pour, qui nous insultent parce que l’on ne bouge pas. La possible éventualité de peut-être s’abonner au site ne leur traverse même pas l’esprit.

Quand on contrôle, par acquis de conscience, les pièces si accablantes et sur papier, elles se révèlent aussi fines que la crédibilité d’un Fillon.

C’est pas pour dire – et du coup, je le dis quand même – mais tu as pris des sales plis sur les réseaux sociaux.

Depuis cinq ans que je me montre actif sur la Toile, je constate une première évidence. Tu fonctionnes avec les mêmes conditionnements qu’ont réussi à t’imposer les éditeurs de journaux pour flatter leurs annonceurs. Dans ton absolu idéal, tu dis autour de toi que les médias brassent la fange et qu’un peu de positivisme ne ferait pas de mal.

Dans les faits – et le compteur du site l’atteste – le taux de lecture grimpe méchamment sur des enquêtes qui conduisent à douter du genre humain. Dès que l’on se passionne pour un domaine plus constructif, tu divises les adeptes par dix ! Rares sont les exceptions… Un jour ou l’autre, il faudra que tu gères tes contradictions.

J’ai grillé les étapes. J’en suis arrivé au moment où tu ENTRES sur le site et que tu LIS un texte. Ce qui nécessite un effort bien plus grand que de « liker » sur FB. Le coefficient entre les « vues » et le clic qui te conduit sur notre site ? Il faut parfois le réduire par cinq ou six. Oh oui, tu « aimes » – c’est gentil – et tu passes dans la seconde vers autre chose. Tu glisses, tu patines loin, si loin… Pourtant, toujours lors de discussions animées, tu taxes la presse de superficielle. « J’aime », moi aussi, et je passe à autre chose.

Un truc qui me consterne, c’est le commentaire.

Il tombe tellement vite qu’il est impossible que l’article ait été consulté. Se basant sur la photo, le titre et les premiers mots, un zigue se complaît dans une opinion tranchée. Hors sujet. Totalement. Pris en défaut de méconnaissance, il s’en tirera par « Ben s’il faut tout se taper, j’ai pas que ça à foutre… » C’est le même qui enfoncera les journalistes, argumentant qu’ils ne prennent jamais le temps de creuser les sujets.

Cela me rappelle un humoriste américain qui avait filmé sa petite fille en train de danser lors d’un spectacle d’école. Après les dix premières secondes, il avait collé une volée d’insultes bien grossières. Puis posté le montage sur son mur FB. Personne n’avait réagi ! Les crédules en étaient restés au début de la vidéo et au si joli tutu de la gamine.

Oui, en tant que journaliste, je me dois sans cesse de ne vivre sur aucun acquis. Dans les semaines, les mois à venir, j’explorerai plein de nouvelles pistes sans me lasser. Car malgré la volée de bois vert – qui ne te concerne pas, toi, vu que tu m’as accompagné jusqu’à cette conclusion – j’ai une foi indéfectible dans le numérique.

Je repartirai sans cesse à l’attaque, tu peux me croire. D’ici quelques mois, j’aimerais inscrire sur ton carnet de notes à toi : « S’est décidé à lire un papier jusqu’au bout, à le commenter avec pertinence, sans faute d’orthographe. A même fait preuve d’altruisme envers ses petits camarades en le partageant ! » Tu peux le faire, je compte sur toi, à chacun de se retrousser les manches, hein ? Moi, je dis…

Joël Cerutti

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