CRUCHE CASEE   En 2012, Le Matin a gavé ses lecteurs avec le concours de Miss Suisse romande, dont l’élection finale a eu lieu en décembre. Mais la gagnante avait probablement gagné bien avant.

Les organisateurs du machin ne sont pas des inconnus. Il y a d’abord Enzo Lo Bue*, qui sévit sur la RTS avec son émission «Cash», laquelle permet à des quidams d’empocher mille balles grâce à des questions débiles. Enzo a créé la société MSR SA (une filiale de DPO, l’organisation de manifesta tions sportives de Daniel Perroud). Autre pilier du concours de beauté, le quotidien orange Le Matin a donné au chef de sa rubrique people, Didier Dana*, les pleins pouvoirs pour faire mousser l’événement.

Souheila et Martine, même combat!

Les deux compères n’auraient-ils pas tendance à truquer le jeu ? La question se pose immanquablement quand on met bout à bout tous les ingrédients qui précédèrent l’ultime triomphe de la charmante Souheila Yacoub, 19 ans et 170 cm, couronnée en décembre. Ça tombait bien: en novembre, elle avait déjà été sacrée «Miss Photogénique» par les lecteurs du Matin avec 31,7% des suffrages. Bravo! Il faut dire qu’auparavant déjà le public romand avait eu tout loisir de faire sa connaissance. Durant toute l’année en effet, Souheila a bénéficié d’un traitement très particulier dans Le Matin: «Souheila, le petit prodige de la gymnastique rythmique», «Souheila et son pauvre papa handicapé», «Souheila, étoile de la gym et pourquoi pas Miss?», «Souheila retrouve sa grand-mère en Tunisie», «Souheila à Dysneyland Paris»… Encore plus palpitant que la série des «Martine»!
Durant cette même année, elles ont été abondamment exploitées par Enzo Lo Bue et son organisation
Pendant ce temps-là, les onze autres candidates n’ont pas fait l’objet du moindre papier, hormis les présentations d’usage et quelques clichés de groupe en Tunisie… avec Alain Morisod. On ne peut pas faire plus glamour. Et durant cette même année, elles ont été abondamment exploitées par Enzo Lo Bue et son organisation, qui les ont traînées de grandes surfaces de banlieue en fêtes diverses, où elles devaient défiler dans des tenues improbables et dans l’indifférence générale. Le tout pour pas un rond, évidemment, tandis que MSR SA encaissait.

Vilaines jalouses

Or ces demoiselles sont loin d’être si cruches que certains le prétendent: quelque peu étonnées des faveurs dont bénéficiait leur concurrente Souheila, elles sont allées y regarder de plus près et ont fait part de leur surprise aux organisateurs. Lesquels ont tout nié en bloc en les traitant de vilaines jalouses: il était faux que Souheila bénéficiait des parures les plus attrayantes. Il était faux qu’on cédait à tous ses caprices pour être au centre des photos. Il était faux, par ailleurs, que Didier Dana avait bien profité du voyage en Tunisie (dont vient Souheila) généreusement organisé par l’office du tourisme local. Sauf que tout était vrai.
Les organisateurs de ce concours prennent-ils les candidats et le public pour des gogos?
 Le 15 décembre 2012, lors de la soirée de l’élection dans le garage Emil Frey à Genève, les candidates ont eu une nouvelle surprise en découvrant, parmi les quatre jurés, Didier Dana du Matin ainsi que la prof et directrice de l’école de danse AREA, où Souheila prenait des cours! Quant aux deux autres, il s’agissait d’un ancien mannequin et d’Alexandre Farago, directeur du garage. Lequel, proche de l’UDC, n’aurait pas voté pour Souheila, histoire ne pas consacrer une Suissesse d’origine maghrébine. Nonobstant ce raciste bas de plafond, le résultat ô combien prévisible fut proclamé, avec un fort relent de chiqué. Les organisateurs de ce concours prennent-ils les candidats et le public pour des gogos? Etrangement, les téléphones de ces messieurs sont restés sourds et muets à nos appels. Une façon de se défiler en beauté?
Patrick Nordmann
(*) Noms connus de la rédaction

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