HYMNE A LA JUSTICE   Sous pseudonyme et en anglais, Jean Pierre Huser a composé une chanson pour tirer Debra Milke du couloir de la mort aux Etats-Unis. C’est chose faite. Rappel éloquent des faits et d’une mobilisation.

Après 22 ans dans le couloir de la mort, Debra Milke peut enfin prétendre à une autre vie. Le 14 mars 2013, la Cour d’appel de San-Francisco lui a accordé la liberté conditionnelle. Ce 11 décembre 2014, la Cour d’appel de l’Arizona abandonne les poursuites contre Debra Milke. Elle est donc libre. Définitivement. La bataille s’est déroulée sur le plan juridique autant qu’artistique. Rappel des faits. Qui commencent, pour moi, voici trois ans, lors d’une rencontre avec Jean-Pierre Huser.

20 octobre 2011, la chanson

Le chanteur se livre alors à un combat contre la montre et la mort. «Il faut sauver Debra, sauver Debra!», répète l’artiste. Debra, c’est Debra Milke, une mère accusée d’avoir commandité le meurtre de son fils.

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Le 2 décembre 1989, on retrouve le corps du petit Christopher, 4 ans, dans le désert de Phoenix. Il a trois balles dans la nuque. Les meurtriers sont James Lynn Styers, le logeur de Christopher et un ami, Roger Scott. Ce dernier assure que Debra Milke les a payés pour tuer Christopher et toucher son assurance-vie. L’inspecteur Armando Saldate dit obtenir des «aveux» de Debra Milke. La mère nie farouchement mais seule compte la parole de Saldate qui n’a pas de notes ni d’enregistrements de la prétendue confession. En 1991, lors du procès, Roger Scott revient sur ses déclarations. Seul le témoignage de l’inspecteur Saldate conduit Debra Milke dans le couloir de la mort. En 1998, elle a déjà failli être exécutée.

Jean Pierre Huser ne doute pas une seconde de son innocence.

Jean Pierre Huser ne doute pas une seconde de son innocence. Ce printemps 2011, il a lu «Une mère innocente condamnée à mort aux Etats-Unis» l’ouvrage que Jacques Secretan a consacré à cette affaire. «J’ai été profondément impressionné par ce terrible drame et le sérieux du livre», dit-il. A un tel point que cela le bouleverse et l’obsède. Alors, il compose une chanson «Justice Gone Bad»

Il fallait agir très vite par tous les moyens pour essayer de sauver cette pauvre femme.

«Lorsque j’ai fini la chanson et l’ai produite, je me suis approché de Jacques Secretan. J’ai pu me rendre compte de son immense engagement en faveur de Debra. Et surtout qu’il fallait agir très vite par tous les moyens pour essayer de sauver cette pauvre femme.» Mais cela va plus loin. Aux Etats-Unis, le conseiller juridique de Debra Milke s’empare du titre et le met sur You Tube début octobre 2011. «Pourtant, au début, via Jacques Secretan, il a su qu’un titre était en train d’être composé. Il n’était pas très chaud. Il s’agit d’une affaire complexe dans laquelle il faut éviter de faire des faux pas. Mais lorsqu’il l’a entendue, il a dû trouver qu’elle était efficace et que les mots tombaient juste Il m’a juste demandé de la ramener à 2 minutes 50. Il était sûr que cela pouvait devenir une sorte de hit pour aider à sauver Debra.»

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Pour ne pas qu’on l’accuse d’utiliser cette cause à des fins de publicité personnelle, Jean Pierre Huser a signé sa chanson sous le pseudonyme de David Waterfall. «Je ne voulais pas que cela desserve la cause de Debra Milke. Alors j’ai pris le nom de mon grand-père et de ma grand-mère, tout simplement».

Son exécution peutt se décider en quelques semaines. Alors il ne faut pas fermer sa gueule. Les médias ne doivent pas être frileux dans ce type d’engagement.

Jean Pierre Huser table sur la mobilisation des médias pour éviter à Debra le pire des sorts. «Son exécution peutt se décider en quelques semaines. Alors il ne faut pas fermer sa gueule. Les médias ne doivent pas être frileux dans ce type d’engagement. J’en suis très très choqué, attristé jusqu’à ne plus pouvoir réellement dormir.» Et Jean Pierre Huser a pris ses pinceaux pour peindre cette «femme magnifique». Un exutoire contre l’injustice et encore les exécutions capitales.

J’ai toujours été profondément engagé contre les conneries humaines dont la peine de mort.

«J’ai toujours été profondément engagé contre les conneries humaines dont la peine de mort. Et là, nous nous sommes battus pour Debra Milke mais aussi pour toutes les autres personnes innocentes qui connaissent un sort identique.»

Décembre 2011, la mobilisation des artistes

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La suite ? En quelques semaines, le titre mobilise  les talents… Nouvelle rencontre, au-dessus de Montreux avec Jean-Pierre Huser, qui en reste presque sans voix. C’est dire !

« Justice Gone Bad » est repris par de nouveaux artistes dans le monde entier. Une véritable chaîne de solidarité musicale s’est forgée autour de Debra Milke. En France, aux Etats-Unis, d’autres chanteurs s’emparent de la chanson de Jean Pierre Huser, la modifient en fonction de leur sensibilité. «Je rentre d’Alsace où le bluesman Guy Roël a refait son propre jus. Il m’a invité à venir faire les cœurs », rapporte Jean Pierre Huser. Aux Etats-Unis, Bertrand Laurence prête sa nouvelle voix à «Justice Gone Bad » et une troupe de théâtre va improviser autour de la musique et sur le thème de la peine capitale. Et ce n’est qu’un début.

Je ne m’y attendais vraiment pas !

Il y a une version jazz qui est en route via le batteur Tox Drohar. Brian Thompson, directeur du Centre National de la Chanson à l’Université du Massachusetts à Boston, et son fils qui œuvre à la Berklee College Of Music, proposent la chanson à d’autres chanteurs francophones. « De mon côté, je ne désespère pas de convaincre, Ismaël Lô, celui qui surnomme le Bob Dylan africain. Je pense que Bill Deraime, avec qui j’étais dans la même maison de disque, pourrait se laisser tenter. » Un autre nom mythique circule, celui de la formation actuelle des Blues Brothers à New-York. « Il y a des approches. Il faut savoir rêver ! » On le voit, Jean Pierre Huser n’a pas lâché la cause de Debra Milke. Depuis Montreux, il se dit scotché par la solidarité artistique qui s’en est suivi. « Je ne m’y attendais vraiment pas ! »

Une autre bataille

Au final, depuis ce 11 décembre 2014 et l’abandon des poursuites, il pourrait y avoir un appel du procureur de l’Arizona. «Peu probable », estime Jacques Secretan. Il reste à aborder une autre question, celle des dédommagements. Sur le site de «La Méduse », qui a milité longuement en faveur de Debra Milke, Jacques Secretan confie encore : « Là, ce sera une autre bataille, qui risque de durer, avec des millions et probablement même une somme à huit chiffres, vu la préparation à l’exécution avec « pré-injection » telle que Debra l’a subie en larmes et hystérique en janvier 1998».

Joël Cerutti

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