LONG COURRIER Dans trois endroits différents, Sarah Barman donne, les 3,4, 7 et 9 mai, des ateliers d’écriture. Chacun avec un thème original autour de la lettre. Aux Correspondances, on lui envoie notre missive. Puis,on lui a demandé de s’adresser, à elle-même, trois courriers à différentes époques de sa vie. Elle a été surprise, amusée et s’est prêtée au jeu. Avec une sincérité désarmante.
Une vraie marathonienne de la lettre, Sarah Barman. Pour le Festival valaisan d’écritures Les Correspondances, elle donne trois ateliers épistolaires. Trois ! A la Maison des Contes (Dorénaz- 3,4 et 7 mai), à la libraire uneBellehistoire (Fully- 9 mai – 10 heures) et chez Des Livres et Moi (Martigny – 9 mai- 15 heures). A cette douce timbrée des mots une lettre ouverte et numérique allait de soi. Et puis, Sarah Barman a reçu une mission : s’adresser des lettres à elle-même, à différentes époques de son existence : 5, 14 et 42 ans pile-poil (elle les célèbre ce mercredi).
Chère Sarah (de Joël à Sarah)
On se connaît sans se connaître depuis des années. Surtout par le biais d’échanges sporadiques ou de nouvelles apportées par des amies communes, comme Célina Ramsauer. Pour cette seconde édition des Correspondances, vous voir animer trois ateliers d’écritures, cela a éveillé ma curiosité. Comment s’y préparer ? Quel régime alimentaire adopter ? Y’avait-il une préparation mentale particulière ? Le poignet exigeait-il un fitness spécial ? Fallait-il utiliser des stylos à pointes fines avec une encre bleue et fluide ? Ce 21 avril, à Fully, 10 heures, j’allais avoir mes réponses après un rendez-vous convenu via SMS. Au restaurant, juste devant une affiche pour un festival de fanfare représentant un tuba, j’ai ouvert mon pavillon auditif. Malgré un acouphène qui me parasite l’oreille droite depuis 8 ans, j’ai compris. Tout. Face à un café, un grand, et un verre d’eau.
«La préparation ? En ce moment, je m’immerge, je suis en plein dans des livres, j’écoute des chanteurs sur internet liés à la correspondance, je trie dans mes coups de cœur… A la Maison des Contes, il faudra tirer au hasard une lettre et répondre en fonction de la personne que vous êtes censée être. Si vous tombez sur «Le Déserteur» de Boris Vian, vous devez lui écrire en tant que président. Vous voilà obligé de vous mettre dans la peau de quelqu’un d’autre.» Joli concept. Depuis combien de temps pratique-t-elle des ateliers du genre ? «Il y a 7 ou 8 ans, j’en avais donnés à Sion et St-Pierre-de-Clages. Dernièrement, j’ai eu une demande pour un atelier individuel. C’était avec une dame qui était confrontée à une contrainte d’écriture. Pour elle, c’était un calvaire d’aller à ce travail. Nous avons faits plusieurs exercices très fantaisistes. Elle s’est rendue compte qu’elle avait une immense créativité… Tout cela décoince des fausses pudeurs… »
Un autre atelier, avec des enfants, tourne autour de «Matilda», livre de Roald Dahl, que vous vénérez depuis fort longtemps. «Dans des écoles, je l’adapte et le joue avec les élèves. Les versions varient en fonction du nombre de participants, pour 6, 12 ou 25 personnes… J’ai eu un coup de cœur pour le personnage de Mlle Legourdin, une ancienne athlète, qui pratiquait le javelot, et qui jette les enfants par la fenêtre. Je rêve de jouer ce rôle… mais il faut que je prenne du coffre…» Je vous menace de titrer l’article : «Je rêve de jeter les enfants par la fenêtre ! » ce qui ne semble pas vous effrayer outre mesure. Le 9 mai, à une Bellehistoire, librairie basée à Fully, les gosses devront accoucher d’une lettre pour la fameuse Mlle Legourdin. Qui leur répondra par la suite. Je précise que l’établissement se trouve au rez-de-chaussée. Les têtes blondes ne risquent rien.
Enfin, l’après-midi du 9 mai, le programme garantit que, vous, Sarah, vous serez à Des Livres et Moi, Martigny, pour une ultime prestation. «Ecrire son admiration aux grands de ce monde. Il y aura à nouveau un tirage au sort, une lettre alphabétique. Cela peut être B comme Brigitte Bardot… » OH ! On n’a pas le droit de l’engueuler, BB ? «Non, mais rien ne vous empêche d’être ironique dans vos louanges», souriez-vous… Mettre les autres sans cesse sur le grill, quoi de plus facile ? Je vous lance le défi de choisir les justes mots pour vous-même. Une lettre envoyée à Sarah, à trois moments de son existence. Pari relevé. Par oral. Que je retranscris.
Chère Sarah (à Sarah qui a 5 ans),
Je t’écris pour te dire que tu peux être très fière de ton petit sac d’école jaune canari. Il a une fermeture métallique, je crois qu’elle est phosphorescente et qu’elle brille dans la nuit. Mais c’est peut-être mon imagination de maintenant qui affabule. J’en rajoute, pourtant j’aimerais bien que cela soit ainsi. Je sais que ce sac – un peu le jaune de La Poste, finalement – te donne l’impression d’être très importante lorsque tu te rends à l’école. Tu peux y mettre tout ton goûter…
Chère Sarah (à Sarah qui a 14 ans),
Je sais que tu traverses un âge qui n’est pas facile. Tu n’es pas des plus insouciantes, tu te tortures, tu adores les textes de Leo Ferré. Et puis, au marché du samedi, à St-Maurice, tu as découvert la cassette nunéro 1 (sur 10), de l’intégrale de Jacques Brel. Chaque semaine, tu es partie acheter la suivante et tu as soupçonné le marchand de mettre toujours en avant la cassette qui te manquait. Tu les as toujours, ces cassettes, tu sais ? En fonction de tes humeurs, tu les ranges ou tu les ressors. Tu te dis que tu devrais visiter quelques brocantes pour retrouver un lecteur cassette. Car tu apprécies le bruit de la bande qui s’enroule ou se déroule. A 14 ans, tu ne le sais pas, mais Jacques va te faire aimer ce qu’est un artiste. Et tu te rappelles des Soirées Brel que tu donnais avec des copains chez ta grand-mère où tu habitais ? Jacques chantait le vin de Moselle dans «Jeff», vous deviez en trouver. Oui, c’était un peu décalé…
Chère Sarah (à Sarah qui a 42 ans ce 22 avril),
Je t’écris pour te dire que je trouve la vie belle et que je suis bien contente que cela soit ainsi. Cela te paraît un peu bateau mais il y a 5 ans, tu ne le pensais plus vraiment. Tu as retrouvé ton cartable jaune. Tu as l’impression d’avoir un socle sur lequel t’appuyer alors qu’avant tu gravissais les barreaux d’une échelle qui te semblait en bois pourri. Tu ne sais pas quand cette prise de conscience, celle d’avoir de bonnes semelles, t’es venue. Tu as renoué avec la joie de l’écriture et, Dieu sait, si tu t’en étais divorcée. Parce que tu avais une méconnaissance totale de la simplicité, un manque de confiance en toi. Et rappelle-toi toutes les fois où tu t’es trop prise au sérieux et que cela a été une catastrophe !
Joël Cerutti (secrétaire particulier)
Renseignements/inscriptions: 079 379 14 50
La pièce « L’Ours », mise en scène par Sarah Barman, se joue encore les 23, 24 et 25 avril, à 20 h 30 à la salle de Laiterie. Martigny-Bourg.
Réservations:
– +41 79 657 28 34
– info@atmosphere-theatre.ch.